AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Mme X... est entrée, en 1967, au service de l'agent d'assurance Y... qui exerçait une activité de courtier d'assurance et d'agent général d'assurance de la société Axa assurances ; qu'à la suite de la révocation, par la société Axa assurances, du mandat d'agent général d'assurance de M. Y..., le GIE Gespra a géré temporairement l'agence générale d'assurance du 1er novembre 1992 au 1er juin 1994, date à laquelle, M. Z... a repris le portefeuille d'agent général d'assurance ; que Mme X... a été licenciée par ce dernier, le 20 septembre 1996, pour motif économique ;
que Mme X... a saisi le conseil de prud'hommes d'une instance pour obtenir la condamnation solidaire de la société Axa, du GIE Gespra et de M. Z..., en sa qualité d'agent général d'assurance de la société Axa assurances, en paiement des indemnités afférentes à son licenciement ainsi qu'à celui de primes de vacances, et ce, sur le fondement de la convention collective du courtage ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué (Lyon, 16 février 2001) d'avoir jugé que M. Louis Z... était le seul employeur de cette dernière, alors, selon le moyen :
1 / qu'est le véritable employeur d'une salariée travaillant au service d'un agent général d'assurance qui exerce sur elle un pouvoir de direction, de surveillance et de contrôle, la compagnie d'assurance, dont l'agent général précité est le mandataire et qui, d'une part, est propriétaire du portefeuille d'assurance, d'autre part, finance l'activité de l'agent général d'assurance, et, en particulier, les rémunérations et indemnités de rupture des salariés et enfin, fournit à l'agent général d'assurance l'ensemble des instructions nécessaires à la gestion du personnel ; qu'il résulte de ces circonstances de fait qu'un tel agent général d'assurance travaille dans un lien de subordination avec la compagnie d'assurance caractérisant l'existence d'un contrat de travail, peu important le statut de mandataire indépendant de l'agent général d'assurance ; qu'en ne recherchant pas, comme l'y invitaient les conclusions d'appel de Mme X... si, en l'espèce, le mandat d'agent général d'assurance de M. Z... n'était pas une apparence derrière laquelle était en fait dissimulé un contrat de travail entre celui-ci et la société Axa assurances, dès lors que cette dernière était propriétaire du portefeuille, finançait sa gestion, en particulier les rémunérations et indemnités de rupture, et donnait à M. Z... les instructions pour la gestion de l'agence, notamment en ce qui concerne le contrat de travail de Mme X... et sa rupture, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 121-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
2 / que Mme X... demandait, dans ses conclusions d'appel, à la cour d'appel de requalifier en contrat de travail la relation contractuelle entre M. Z... et la société Axa assurances, dès lors qu'en premier lieu, cette société était propriétaire du portefeuille et finançait son activité dans son intégralité et, en second lieu, donnait toutes les instructions à M. Z... pour la gestion du portefeuille, en particulier, en lui donnant l'ordre, d'abord, de ne pas licencier Mme X... en la mettant à temps partiel sous convention FNE, puis, de la licencier compte tenu de son refus d'exécuter un temps partiel sans une contrepartie financière équivalent à un plein temps ; que Mme X... avait demandé, dans les conclusions précitées, à la cour d'appel d'examiner les nombreuses correspondances versées aux débats entre M. Z... et la société Axa assurances démontrant l'existence d'un lien de subordination ; que Mme X... avait allégué dans ces mêmes écritures l'existence de conventions occultes entre M. Z... et la société Axa assurances démontrant l'existence d'un lien de subordination et demandait la désignation d'un expert afin d'examiner les accords liant ces deux parties ;
qu'en ne répondant pas à ces conclusions d'appel, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en méconnaissance de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que deux employeurs exerçant conjointement une autorité sur une salariée sont coemployeurs ; qu'en l'état de la demande de Mme X... tendant à la condamnation solidaire de la société Axa assurances et de M. Z..., la cour d'appel devait, à tout le moins, rechercher si ceux-ci n'étaient pas coemployeurs de Mme X..., dès lors que la société Axa assurances, propriétaire du portefeuille finançait son activité et donnait à M. Z... toutes les instructions en ce qui concerne l'exécution et la rupture du contrat de travail de Mme X... ; qu'en se bornant à constater que M. Z... exerçait sur Mme X... un pouvoir de direction, de surveillance et de contrôle, la cour d'appel n'a, de nouveau, pas légalement justifié sa décision au regard des articles L 121-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
Mais attendu que, d'une part, le fait que la société Axa assurances soit propriétaire du portefeuille d'assurance dont elle a confié la gestion à M. Z... ès qualités d'agent général d'assurance fait partie intégrante du contrat d'agent général d'assurance ; que d'autre part, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'ordonner une expertise, a constaté que le contrat de travail de Mme X..., ses avenants, la convention FNE d'aide au passage du travail à temps partiel, les bulletins de salaire avaient été établis par M. Z... ; qu'il était démontré que les instructions concernant l'exercice de ses fonctions de secrétaire lui étaient données par M. Z..., et que le concours financier consenti à ce dernier par la société Axa assurances était destiné à lui permettre une reprise du portefeuille d'assurance dans les meilleures conditions possibles ; qu'elle a pu en déduire que Mme X... était placée dans un état de subordination à l'égard de M. Z... et a exactement décidé que ce dernier était son seul employeur ; que la cour d'appel a ainsi, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que Mme X... fait, encore, grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts pour perte de revenus jusqu'à sa retraite, alors, selon le moyen :
1 / que Mme X... avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, en premier lieu, que l'article 4 de la convention entre la société Axa assurances et M. Z... prévoyait que la société précitée s'engageait à réviser le montant de l'indemnité compensatoire dans des proportions déterminées s'il était constaté un taux de chute annuel supérieur à 10 % entre le 1er avril 1995 et le 31 mars 1996 et, en second lieu, que cette clause permettait à M. Z... de ne pas se trouver déficitaire pendant cette période, ce dont il résultait que le licenciement de Mme X... ne reposait pas sur des difficultés financières réelles ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions d'appel, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en méconnaissance de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que la réalité du motif économique de licenciement doit s'apprécier dans le cadre du groupe auquel appartient l'employeur concerné parmi les entreprises dont les activités ou l'organisation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; que Mme X... avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, que la société Axa assurances détenait le portefeuille d'assurance géré par M. Z... et qu'Axa assurances était un groupe multinational qui, par ses participations, tant en France qu'à l'étranger, avait sans aucun doute un emploi correspondant à la qualification de Mme X... ; qu'en s'abstenant de rechercher si M. Z... n'appartenait pas au groupe Axa assurances et, dans l'affirmative, d'apprécier la réalité du motif économique de licenciement allégué par M. Z... dans le cadre de ce groupe parmi les entreprises dont les activités ou l'organisation permettaient d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 122-14-4 et L. 321-1 du Code du travail ;
3 / que les possibilités de reclassement doivent s'apprécier dans le cadre du groupe auquel appartient l'employeur concerné parmi les entreprises dont les activités ou l'organisation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme l'y invitaient les conclusions d'appel de Mme X..., si M. Z... ne faisait pas partie du Groupe Axa assurances et, dans l'affirmative, s'il n'existait pas, dans ce groupe, des possibilités de reclassement parmi les entreprises dont les activités ou l'organisation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, la cour d'appel n'a, de nouveau, pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 122-14-4 et L. 321-1 du Code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, qui a constaté que les difficultés économiques de l'agence d'assurance étaient établies, a fait, par là-même, ressortir que la clause précitée, limitée dans le temps, n'était pas de nature à faire disparaître ces dernières ;
Attendu, ensuite, qu'elle a relevé que M. Z..., en sa qualité d'agent général d'assurance, mandataire de la société Axa assurances, exerçait une activité indépendante de cette dernière, de sorte que M. Z..., en tant qu'employeur de Mme X... ne faisait pas partie du groupe Axa ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel a, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les troisième et quatrième moyens réunis :
Attendu que Mme X... fait, en outre, grief à l'arrêt d'avoir fait application de la convention collective des agences générales d'assurance et non de celle du courtage et de l'avoir, en conséquence, déboutée de sa demande de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement et de celle en paiement de la prime de vacances pour l'année 1994, alors, selon les moyens :
1 / que le champ d'application professionnel d'une convention collective est déterminé par l'activité principale de l'entreprise, non par les fonctions assumées par le salarié ; qu'en s'abstenant de constater quelle était l'activité principale de M. Z..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 135-2 du Code du travail ;
2 / qu'en relevant que l'application de la convention collective nationale du courtage avait été mise en cause par le transfert du contrat de travail de Mme X... au sein du GIE Gespra, sans constater quelle était l'activité principale de celui-ci, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 135-2 et L. 132-8 du Code du travail ;
3 / qu'en ne vérifiant pas davantage quelle était l'activité principale de M. Z..., la cour d'appel n'a, là encore, pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 135-2 du Code du travail ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a constaté qu'à la suite de la révocation, par la société Axa assurances, du mandat d'agent général d'assurance dont le prédécesseur de M. Z... était titulaire, seule l'activité d'agent général d'assurance a été assumée temporairement, conformément à son objet, par le GIE Gespra du 1er novembre 1992 au 1er juin 1994, puis à partir de cette dernière date, cette activité a été reprise par M. Z..., de sorte que le GIE Gespra et M. Z... ont exercé exclusivement une activité d'agent général d'assurance et que la convention collective des agences générales d'assurance était applicable ; que par ces seuls motifs, elle a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille trois.