AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 18 avril 2001) que, le 27 mars 1996, Christophe X..., assuré par la compagnie MAAF, qui pilotait une motocyclette sur laquelle avait pris place sa soeur, Muriel, a heurté, dans le même sens de circulation, dans une ligne droite, une camionnette conduite par Gabriel Y... qui, après s'être arrêté sur le bas-côté avait entamé une manoeuvre de demi-tour malgré la présence d'une ligne continue ; que Christophe X... et Gabriel Y... sont décédés et Mlle Muriel X... a été gravement blessée ; que le père et la mère de Christophe X..., M. Alain X... et Mme Martine Z..., ses grands-parents, M. Gervais X... et Mme Suzanne A... et Mlle Muriel X... (les consorts X...) ont assigné la CAMAT, aux droits de laquelle se trouve la compagnie AGF IART et la direction des services fiscaux du Var, curateur à la succession vacante de Gabriel Y..., en réparation de leur préjudice ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la compagnie AGF IART fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée, in solidum avec la direction des services fiscaux du Var, à payer certaines somme aux consorts X... en réparation de leur préjudice, alors, selon le moyen :
1 / que, le conducteur d'un véhicule qui ne reste pas maître de sa vitesse, même en deçà de la vitesse limite autorisée, commet une faute qui, dès lors qu'elle est en relation causale avec le dommage subi, a pour effet d'exclure ou de limiter l'indemnisation de son dommage et du dommage subi par les victimes par ricochet ; qu'en l'espèce, en niant l'existence d'une faute de Christophe X..., qui a pourtant percuté une camionnette du guidon de sa moto et en est mort, du fait de la violence du choc, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations qui établissaient pourtant un défaut de maîtrise, nonobstant l'absence de preuve de dépassement de la vitesse maximale autorisée, a violé les articles 4, 5 et 6 de la loi du 5 juillet 1985, ensemble l'article R. 413-17 du Code de la route ;
2 / que, la faute commise par un conducteur victime d'un accident de la circulation, en relation causale avec le dommage subi, a pour effet d'exclure ou de limiter l'indemnisation de son dommage et du dommage subi par les victimes par ricochet, peu important que cette faute n'ait pas eu de rôle causal dans la survenance de l'accident ; qu'en l'espèce, il était constant que Christophe X... pilotait une moto dont le caractère lisse des pneus aurait rendu inefficace toute tentative de freinage, laquelle aurait pourtant permis, sinon d'éviter la collision, du moins d'en atténuer le choc et donc les conséquences dommageables ;
qu'en se bornant à retenir que la faute liée au caractère lisse des pneus n'avait joué aucun rôle causal, sans rechercher si cette faute n'avait pas contribué à l'aggravation du dommage, cette faute devant alors limiter l'indemnisation des dommages directs et par ricochets, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 4, 5 et 6 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'aucun élément n'établit que Christophe X... circulait à une vitesse excessive, que ce dernier a vu le fourgon s'engager à moins de 100 mètres devant lui, et ne pouvait imaginer qu'il allait faire demi-tour, alors que la route n'était pas libre et qu'une ligne continue l'interdisait, que, croyant très logiquement que le fourgon allait reprendre sa route sur la voie de droite, constatant qu'aucun usager ne venait en face et qu'un freinage sur une aussi faible distance ne permettait pas d'éviter le choc, il a voulu faire un écart sur la gauche pour le dépasser, que lorsqu'il s'est aperçu de l'intention réelle et imprévisible du chauffeur du fourgon, il était trop tard pour passer sur la droite, qu'il n'est pas reproché à Christophe X... de ne pas avoir freiné, manoeuvre qui aurait été inutile, que ce dernier n'a pas perdu le contrôle de son véhicule du fait de sa mauvaise tenue de route mais parce que le fourgon est venu brusquement obstruer la totalité du passage et que le mauvais état des pneus est sans relation avec l'accident ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que Christophe X... n'avait pas commis de faute ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la compagnie AGF IART fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que les sommes allouées aux consorts X... au titre de leur préjudice moral produiraient intérêt au taux double de l'intérêt légal à compter du 28 novembre 1996 et jusqu'au 1er septembre 1998, alors, selon le moyen :
1 / que l'offre d'indemnisation n'a pas été faite dans les délais, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement définitif ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations des juges du fond que la compagnie CAMAT a fait, par lettre à la MAAF du 10 février 1997, versée aux débats, une offre d'indemnisation des préjudices moraux subis par les consorts X..., en conséquence de quoi la sanction du doublement des intérêts ne pouvait courir au-delà du 10 février 1997 ; qu'en la faisant néanmoins courir jusqu'au 1er septembre 1998, au motif qu'il résultait d'une lettre de la MAAF du 16 octobre 1996 que celle-ci ne se considérait pas mandataire des victimes en ce qui concerne l'indemnisation des préjudices nés du décès de Christophe X... et n'avait donc aucune qualité pour recevoir des offres, bien que la MAAF ait écrit dans cette lettre à la compagnie CAMAT : "nous entendons obtenir réparation du préjudice subi par nos assurés et nous comptons sur votre diligence pour nous faire part de votre intervention", la cour d'appel a dénaturé cette lettre, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
2 / que, subsidiairement, si tant est que la MAAF n'ait pas eu qualité pour recevoir l'offre d'indemnisation destinée aux consorts X..., en ce qui concerne l'indemnisation des préjudices nés du décès de Christophe X..., la cour d'appel, en s'abstenant de rechercher si la compagnie CAMAT connaissait l'identité et l'adresse des ayants droit du défunt, quod non, ce dont il résultait qu'elle n'était pas en mesure d'envoyer son offre aux intéressés dans le délai légal, en raison de circonstances qui ne lui étaient pas imputables, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 211-13 du Code des assurances ;
3 / que, enfin, s'agissant de Mlle Muriel X..., passagère transportée par le motard, il résulte des constatations des juges du fond que la compagnie CAMAT, assureur de la camionnette heurtée, a invité la MAAF, par lettre du 18 septembre 1996 versée aux débats, à prendre le mandat ICA en sa qualité d'assureur du transporteur ; que par lettre du 16 octobre 1996, la MAAF a répondu sur ce point à la CAMAT : "nous avons évidemment pris le mandat pour Mlle X..., nous avons procédé à règlement de deux provisions de 10 000 et 20 000 francs, suivant justificatifs joints, nous demeurons dans l'attente du remboursement par chèque à notre ordre" ; qu'il en résultait que seule la MAAF, dûment mandatée, était tenue de présenter une offre d'indemnité à Mlle Muriel X... dans les huit mois de l'accident du 27 mars 1996 ; qu'en affirmant néanmoins que la CAMAT aurait dû faire une offre, sans rechercher s'il ne résultait pas de cette lettre du 16 octobre 1996 que la MAAF avait acepté d'être le mandataire des assureurs en ce qui concerne l'indemnisation des préjudices de Mlle Muriel X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 211-9 et L. 211-13 du Code des assurances ;
Mais attendu que l'arrêt, après avoir constaté que la CAMAT n'avait pas formulé d'offre le 28 novembre 1996, huit mois après l'accident, retient que si la CAMAT a adressé une offre à la compagnie d'assurances MAAF, assureur de Christophe X..., le 10 février 1997, il résulte d'une lettre de la MAAF en date du16 octobre 1996 que celle-ci ne se considérait mandataire ni des victimes ni des assureurs, en ce qui concerne l'indemnisation des préjudices nés du décès de Christophe X..., que la MAAF n'avait en fait aucune qualité ni pour formuler des offres ni pour en recevoir ;
Et attendu que le moyen, pris en sa deuxième branche, est nouveau ; que, mélangé de fait et de droit, il est irrecevable ;
Que par ces constatation et énonciations, la cour d'appel, sans dénaturer la lettre de la MAAF du 16 octobre 1996, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la compagnie AGF Iart aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes respectives de la demanderesse et des défendeurs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille trois.