AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 2 mai 2001), que, le 29 juillet 1994, M. X..., agent de maintenance, a été sollicité par M. Y... pour qu'il lui prête assistance et examine son tank à lait qui présentait des anomalies électriques ; qu'il a procédé au débranchement de l'installation, puis a effectué différents essais ; que, voulant procéder à des tests supplémentaires, il a subi une électrocution d'où il est résulté de graves séquelles neurologiques dont il a demandé réparation à M. Y... et à son assureur la compagnie d'assurances Groupama ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Y... et la compagnie Groupama font grief à l'arrêt de les avoir condamnés à indemniser intégralement M. X... des conséquences de l'accident, alors, selon le moyen :
1 / que le gardien de la chose instrument du dommage est partiellement exonéré de sa responsabilité lorsque la faute de la victime a contribué au dommage ; que pour déclarer M. Y... responsable en qualité de gardien, du dommage subi par M. X... qui s'est électrocuté en examinant le circuit électrique équipant sa laiterie, la cour d'appel a retenu que la victime n'était qu'un simple technicien frigoriste et que l'installation ne disposait pas d'un disjoncteur différentiel de sorte qu'aucune faute ne pouvait être retenue à sa charge ; qu'en statuant ainsi quand elle constatait que M. X... qui avait des connaissances en électricité, effectuait ses tests en espadrilles sur un sol mouillé, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;
2 / que pour exonérer partiellement le gardien de sa responsabilité, il suffit que la faute de la victime ait contribué au dommage ; que pour déclarer le gardien entièrement responsable de l'accident, la cour d'appel a énoncé que "la réalisation du dommage est liée à la carence de l'installation, infiniment plus qu'au comportement de M. X..." ; qu'en statuant ainsi quand il résultait de ses propres constatations que par son comportement, la victime avait participé à son propre préjudice, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;
3 / que dans ses conclusions d'appel, M. Y... faisait valoir que Loïc Y..., lorsqu'il débranchait et rebranchait l'installation sous la direction de M. X... qui effectuait des tests, n'avait subi aucun dommage tandis que c'est en effectuant les mêmes opérations sur le sol mouillé mais chaussé d'espadrilles que M. X... avait été électrocuté ;
qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions d'où il résultait que l'absence de disjoncteur différentiel sur l'installation électrique était sans incidence sur la faute d'imprudence de la victime, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt retient que les compétences de M. X... étaient celles d'un simple technicien frigoriste ; qu'il ignorait que l'installation, relativement ancienne, ne respectait pas les normes électriques actuellement exigées et que, notamment, elle n'était pas équipée d'un disjoncteur différentiel, de sorte qu'il pouvait se croire légitimement à l'abri de toute électrocution ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, répondant aux conclusions dont elle était saisie, a exactement déduit que la faute de la victime n'était pas de nature à exonérer le gardien de la chose ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. Y... et la compagnie Groupama font grief à l'arrêt de les avoir condamnés à indemniser intégralement M. X... des conséquences de l'accident alors, selon le moyen :
1 / que si la convention d'assistance bénévole emporte pour l'assisté l'obligation de réparer les conséquences des dommages corporels subis par celui auquel il a fait appel, toute faute de l'assistant, quelle que soit sa nature, peut décharger l'assisté de cette obligation dans la mesure où elle a concouru à la réalisation du dommage ; qu'en écartant la faute de l'assistant au seul motif qu'il n'était qu'un simple technicien frigoriste et que l'installation électrique ne comportait pas de disjoncteur différentiel quand elle constatait que M. X..., qui avait des connaissances en électricité, effectuait ses tests en espadrilles sur le sol mouillé, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
2 / que dans ses conclusions d'appel, M. Y... faisait valoir que Loïc Y..., lorsqu'il débranchait et rebranchait l'installation sous la direction de M. X... qui effectuait des tests, n'avait subi aucun dommage tandis que c'est en effectuant les mêmes opérations sur le sol mouillé mais chaussé d'espadrilles que M. X... avait été électrocuté ;
qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions d'où il résultait que l'absence de disjoncteur différentiel sur l'installation électrique était sans incidence sur la faute d'imprudence de la victime, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que le rejet du premier moyen a pour conséquence de rendre sans objet la critique des motifs surabondants de l'arrêt relatifs à la convention d'assistance bénévole ;
D'où il suit que le moyen est inopérant ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. Y... et la compagnie Groupama font grief à l'arrêt d'avoir écarté la demande d'expertise complémentaire, homologué le rapport d'expertise en ce qu'il a fixé à 80 % le taux d'IPP subi par M. X... et alloué à ce dernier une indemnité provisionnelle de 250 000 francs, alors, selon le moyen, que si le principe de la réparation intégrale exige que le montant de l'indemnisation accordée ne soit pas inférieur au dommage, il suppose également que ce montant ne soit pas supérieur à ce même dommage ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a écarté la demande d'une nouvelle expertise et a entériné le taux d'incapacité permanente partielle de M. X... de 80 % ; qu'en se déterminant ainsi sans rechercher, alors qu'elle y avait été invitée, si ce taux, ne prenait pas en considération un taux d'IPP de 25 % de M. X... résultant d'un précédent accident du travail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que, sous couvert de griefs non fondés de violation de l'article 1382 du Code civil, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de Cassation l'appréciation souveraine par les juges du fond du préjudice de la victime ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la compagnie Groupama Centre Sud-Cher, et M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la compagnie Groupama Centre Sud-Cher et de M. Y... ; les condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille trois.