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13/05/2003 | FRANCE | N°98-22741

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 mai 2003, 98-22741


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par Mme X... que sur le pourvoi incident relevé par l'AGS et l'Unedic CGEA Ile-de-France Est ;

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 15 octobre 1998), qu'après la mise en redressement puis liquidation judiciaires de la société Mobiliers et agencement Barraud (la société) et la désignation de Mme X... (le liquidateur) en qualité de liquidateur, le receveur principal des Impôts de Noisy

-le-Sec (le receveur) a notifié le 19 janvier 1996 au liquidateur un avis à ti...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par Mme X... que sur le pourvoi incident relevé par l'AGS et l'Unedic CGEA Ile-de-France Est ;

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 15 octobre 1998), qu'après la mise en redressement puis liquidation judiciaires de la société Mobiliers et agencement Barraud (la société) et la désignation de Mme X... (le liquidateur) en qualité de liquidateur, le receveur principal des Impôts de Noisy-le-Sec (le receveur) a notifié le 19 janvier 1996 au liquidateur un avis à tiers détenteur pour obtenir le recouvrement d'une créance de TVA et de taxe d'apprentissage dues par cette société et afférentes à la période postérieure au jugement d'ouverture ; que le liquidateur ayant formé opposition à cet avis à tiers détenteur, le juge de l'exécution, qui a donné acte à l'UNEDIC-AGS de son intervention, a rejeté l'opposition formée par le liquidateur, validé l'avis à tiers détenteur et condamné le liquidateur à titre personnel à payer au receveur la somme de 60 218 francs, cette condamnation ne pouvant être mise à exécution que si le liquidateur persistait à refuser, en sa qualité de mandataire, de donner effet à l'avis à tiers détenteur ; que tout en précisant que les sommes déposées à la Caisse des dépôts et consignations au jour de la notification de l'avis à tiers détenteur n'étaient pas incluses dans la créance saisie-attribuée, la cour d'appel a confirmé cette décision ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son opposition formée contre l'avis à tiers détenteur et de l'avoir en conséquence condamné à titre personnel à payer au receveur la somme de 60 218 francs, alors, selon le moyen :

1 / qu'il demandait expressément à la cour d'appel d'infirmer en totalité le jugement, lequel l'avait condamné personnellement à payer le Trésor public, du fait qu'il avait refusé d'exécuter un avis à tiers détenteur qu'il jugeait irrecevable ; qu'il développait dans ses écritures d'appel devant la cour d'appel des moyens tendant à l'infirmation du jugement et propres à établir l'irrecevabilité de l'avis délivré par le Trésor, et donc des demandes de ce dernier ; que ces moyens sous-tendaient en conséquence nécessairement, et évidemment, l'infirmation du chef de dispositif du jugement l'ayant condamné personnellement à l'égard du Trésor ; que la cour d'appel, qui a jugé qu'il ne soutenait pas son appel en ce qu'il portait sur la condamnation personnelle prononcée à son égard par le premier juge, a gravement dénaturé ses conclusions et violé l'article 1134 du Code civil ;

2 / que le tiers saisi ne peut être condamné personnellement que lorsque le refus de payer qu'il oppose au créancier saisissant est injustifié ; que le liquidateur est tenu de déposer immédiatement à la Caisse des dépôts et consignations toutes les sommes qu'il reçoit dans l'exercice de ses fonctions ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même reconnu que les sommes déposées à la Caisse des dépôts et consignations ne pouvaient faire l'objet d'une saisie par le Trésor ; que l'opposition du liquidateur au paiement poursuivi par le Trésor sur des sommes déposées à la Caisse des dépôts et consignations était donc, de l'avis même de la cour d'appel, pleinement justifié ; que la cour d'appel, qui l'a néanmoins condamné personnellement à payer au Trésor le montant intégral de sa créance, a méconnu ses propres constatations et violé l'article 64 du décret du 31 juillet 1992, ainsi que l'article 151 de la loi du 25 janvier 1985 et 173 de son décret d'application en date du 27 décembre 1985 ;

Mais attendu, d'une part, qu'il résulte de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, dans sa rédaction applicable en la cause, que les conclusions d'appel doivent formuler expressément les moyens sur lesquels les prétentions de la partie sont fondées ; que le liquidateur s'étant borné, dans ses conclusions d'appel, à demander l'infirmation du jugement, sans préciser en quoi il critiquait la disposition du jugement l'ayant condamné à titre personnel, l'arrêt n'encourt pas le grief de la première branche ;

Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni des conclusions d'appel, ni de l'arrêt, que le liquidateur ait soutenu devant la cour d'appel le grief évoqué à la seconde branche ; que ce grief est donc nouveau et mélangé de fait et de droit ;

D'où il suit que le moyen, qui est irrecevable en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa quatrième branche et sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en première et deuxième branches, réunis :

Attendu que le liquidateur, l'AGS et l'UNEDIC font encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'opposition formée par le liquidateur contre l'avis à tiers détenteur, d'avoir validé cet avis à tiers détenteur et d'avoir condamné personnellement le liquidateur à payer au receveur la somme de 60 218 francs, alors, selon le moyen :

1 / que le liquidateur, chargé légalement de représenter le débiteur dessaisi et de répartir entre les créanciers les sommes recouvrées dans le cadre de la liquidation, ne peut être considéré comme un tiers par rapport au débiteur, détenant les fonds "devant être versés" au débiteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui a considéré que le liquidateur étant à la fois le représentant légal du débiteur totalement dessaisi et dépositaire de fonds dans le cadre de sa mission de réalisation de l'actif et de répartition des sommes entre les créanciers, était tiers détenteur au sens de l'article L. 262 du Livre des procédures fiscales, a violé le texte précité, ainsi que les articles 151 et suivants de la loi du 25 janvier 1985 ;

2 / que le liquidateur ne détient pas en son nom personnel mais en qualité d'organe de la procédure collective les sommes d'argent appartenant au débiteur qui lui sont remises dans l'exercice de ses fonctions ; qu'en estimant que le liquidateur de la société devait être considéré comme tiers détenteur au sens de l'article L. 262 du Livre des procédures fiscales, la cour d'appel a violé ce texte et l'article 148 de la loi du 25 janvier 1985 ;

3 / qu'en considérant qu'un avis à tiers détenteur pouvait valablement être délivré entre les mains du liquidateur de la société, la cour d'appel a violé l'article L. 262 du Livre des procédures fiscales et l'article 148 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu qu'après avoir relevé qu'un avis à tiers détenteur pouvait être valablement notifié au liquidateur judiciaire, l'arrêt retient exactement que ce mandataire de justice, à la fois représentant légal du débiteur totalement dessaisi et dépositaire des fonds dans le cadre de sa mission de réalisation de l'actif et de répartition des sommes entre les créanciers, est un tiers détenteur au sens de l'article L. 262 du Livre des procédures fiscales ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa troisième branche :

Attendu que le liquidateur fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'en période de liquidation judiciaire, les créances superprivilégiées des salariés ou de l'AGS subrogée dans leurs droits priment toutes les autres créances, y compris celles du Trésor, fussent-elles postérieures au jugement d'ouverture ; que l'efficacité de ce superprivilège ne requiert pas des salariés ou de l'organisme subrogé qu'ils exercent des poursuites individuelles, la loi faisant obligation aux organes de la procédure de régler ces créances sur les premiers fonds disponibles ; que le liquidateur est en conséquence bien fondé à s'opposer à un avis à tiers détenteur délivré par le Trésor en période de liquidation, dès lors que les sommes à sa disposition sont d'ores et déjà insuffisantes pour apurer les créances superprivilégiées ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a décidé que le Trésor pouvait poursuivre la saisie litigieuse, sans qu'on puisse lui opposer le superprivilège des créances salariales, a violé les articles 40 et 129 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu qu'après avoir relevé, par motifs adoptés, que l'ordre de paiement des créances prévu par l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ne vise qu'à départager les créanciers qui viendraient en concours au même moment de sorte que l'existence d'un créancier de meilleur rang comme l'UNEDIC-AGS, qui n'a pratiqué aucune saisie avant la notification de l'avis à tiers détenteur litigieux, ne saurait priver d'effet celui-ci, l'arrêt retient à bon droit, par motifs propres, que l'avis à tiers détenteur avait produit son plein effet d'attribution immédiate en application des articles 43 et 86 de la loi du 9 juillet 1991 ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa troisième branche :

Attendu que l'AGS et l'UNEDIC font enfin grief à l'arrêt d'avoir validé l'avis à tiers détenteur et d'avoir condamné personnellement le liquidateur à payer au receveur la somme de 60 218 francs, alors, selon le moyen, qu'il résulte de la combinaison des articles 173 du décret du 27 décembre 1985 et 151 de la loi du 25 janvier 1985 qu'est interdite toute opposition et, par là même toute saisie-attribution ou avis à tiers détenteurs sur les sommes reçues par le liquidateur dans l'exercice de ses fonctions dès lors que celles-ci doivent être immédiatement versées en compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations ; qu'en décidant de valider l'avis à tiers détenteur délivré par le Receveur entre les mains du liquidateur, se bornant à exclure de la saisie les sommes déposées le jour de celle-ci à la Caisse des dépôts et consignations, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Mais attendu que l'arrêt ayant relevé, par motifs adoptés, que la procédure d'exécution avait été pratiquée entre les mains du liquidateur et non entre celles de la Caisse des dépôts et consignations, et ayant précisé, par motifs propres, que les sommes déposées à la Caisse des dépôts et consignations au jour de la notification de l'avis à tiers détenteur n'étaient pas incluses dans la créance saisie-attribuée, le grief est inopérant ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;

Condamne Mme X... , ès qualités, l'AGS et l'UNEDIC CGEA Ile-de-France Est aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 98-22741
Date de la décision : 13/05/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Liquidation judiciaire - Créanciers de la procédure - Paiement - Avis à tiers détenteur - Notification au liquidateur - Somme non déposée à la Caisse des dépôts .

N'enfreint pas les dispositions des articles 151 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 622-8 du Code de commerce, et 173 du décret du 27 décembre 1985 (applicable en la cause), la cour d'appel qui valide un avis à tiers détenteur notifé par un comptable public au liquidateur judiciaire d'une société, dès lors qu'elle relève que la procédure d'exécution a été pratiquée entre les mains du liquidateur et non entre celles de la Caisse des dépôts et consignations et que les sommes déposées à cette Caisse au jour de la notification de l'avis à tiers détenteur ne sont pas incluses dans la créance saisie-attribuée.


Références :

Décret 85-1387 du 27 décembre 1985 art. 173
Livre des procédures fiscales L262
Loi 85-98 du 25 janvier 1985 art. 40, 151
nouveau Code de procédure civile 954

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 octobre 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 mai. 2003, pourvoi n°98-22741, Bull. civ. 2003 IV N° 72 p. 81
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2003 IV N° 72 p. 81

Composition du Tribunal
Président : M. Tricot .
Avocat général : M. Jobard.
Rapporteur ?: M. Delmotte.
Avocat(s) : la SCP Gatineau, M. Foussard, la SCP Piwnica et Molinié.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:98.22741
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