AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° K 01-15.607 et n° D 01-15.923 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que quatre mineurs, dont M. X... et M. Y..., tous placés par décision d'un juge des enfants dans un foyer agréé par l'association Matter, ont, ensemble, au cours d'une fugue, dérobé sur un parking une voiture déclarée volée depuis près de deux mois ; que M. X..., qui conduisait ce véhicule mis en route par M. Y..., en a perdu le contrôle, provoquant un accident au cours duquel M. Y... a été blessé ; qu'après une expertise médicale ordonnée en référé, la mère de M. Y... qui, devenu majeur, a poursuivi l'action, a assigné en responsabilité et en réparation la compagnie Matmut, assureur du véhicule impliqué, l'association Foyer Matter (l'association) et son directeur, et l'agent judiciaire du Trésor public représentant l'Etat, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Drôme ; qu'un jugement a admis une exclusion de garantie au profit de la Matmut, a mis hors de cause le directeur de l'association, s'est déclaré incompétent pour statuer sur la responsabilité de l'Etat, a déclaré l'association responsable des conséquences dommageables de l'accident sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil en retenant la faute partiellement exonératoire de la victime et a condamné l'association à verser diverses sommes à M. Y... et à la CPAM ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° K 01-15.607 :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt, confirmatif de ce chef, d'avoir exclu la garantie de la Matmut, alors, selon le moyen, que l'utilisation d'une chose déjà volée constitue, non un vol, mais un recel de chose volée, à moins que le propriétaire ne soit revenu en possession de cette chose après le vol ; qu'en affirmant, pour déclarer applicables les dispositions de l'article L. 211-1, alinéa 2, du Code des assurances, que M. Y... avait, en utilisant sans commettre d'effraction un véhicule abandonné sur un parking à la suite d'un vol, commis un second vol et non le délit de recel du chef duquel son compagnon de fugue avait été condamné par le tribunal correctionnel, la cour d'appel a violé les articles 311-1 et 321-1 du Code pénal ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt relève que le véhicule, volé une première fois à son propriétaire, a été dérobé une seconde fois par les quatre mineurs en fugue alors qu'il était stationné devant une gare, portes non verrouillées, antivol cassé, fils du tableau de bord débranchés, porte avant droite et coffre forcés ; qu'il résulte des déclarations des mineurs X... et Y... qu'ils avaient bien l'intention de voler une voiture et qu'ayant trouvé celle-ci déjà ouverte, ils l'ont prise ; que M. Y..., bien qu'en état d'ébriété, avait nécessairement conscience de ce que ce véhicule avait un légitime propriétaire et qu'il s'appropriait une voiture ne lui appartenant pas ; qu'il a d'ailleurs reconnu l'intention de voler ; que son attitude déterminante et active dans la soustraction de la voiture l'a rendu auteur d'un second vol, le fait que ce véhicule eût été une première fois volé étant indifférent, et l'élément déterminant du vol étant la volonté de soustraire la chose d'autrui ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, et alors que toute appropriation de la chose appartenant à autrui contre le gré de son propriétaire ou légitime détenteur caractérise la soustraction frauduleuse constitutive d'un vol, la cour d'appel a, en excluant la garantie de l'assureur du véhicule volé, exactement appliqué les dispositions de l'article L. 211-1, alinéa 2, du Code des assurances ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen du pourvoi n° K 01-15.607, sur le moyen unique du pourvoi n° D 01-15.923, réunis, et sur le moyen relevé d'office après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile :
Vu l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, ensemble l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 ;
Attendu qu'une association chargée, par décision d'une juridiction des mineurs, d'organiser, de contrôler et de diriger à titre permanent le mode de vie d'un mineur demeure, en application des textes susvisés, responsable de plein droit du fait dommageable commis par ce mineur dès lors qu'aucune décision judiciaire n'a suspendu ou interrompu cette mission éducative ;
Attendu que pour renvoyer les parties à mieux se pourvoir, l'arrêt énonce que les demandes d'indemnisation de M. Y... et les demandes connexes de l'agent judiciaire du Trésor public et de la CPAM ne peuvent être accueillies, dès lors que seuls les tribunaux administratifs sont compétents pour en connaître ; qu'en effet, dès lors qu'un mineur est placé au titre de l'ordonnance du 2 novembre 1945 auprès de la Protection judiciaire de la jeunesse, d'une association habilitée ou non ou d'un tiers digne de confiance, seule la responsabilité de l'Etat peut être engagée du fait des actes dommageables commis par ce mineur ;
Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que le conducteur impliqué dans l'accident de la circulation, M. X..., avait été placé au Foyer Matter par une ordonnance d'un juge des enfants, ce dont il résultait que l'association, ayant reçu et conservé la charge d'organiser, de diriger et de contrôler à titre permanent le mode de vie de ce mineur, devait répondre des conséquences dommageables de ses actes à l'égard du passager victime de l'accident, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a mis hors de cause la Matmut, l'arrêt rendu le 5 juin 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne l'association Foyer Matter aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes respectives de l'association Foyer Matter, de la compagnie Matmut et de l'agent judiciaire du Trésor public ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille trois.