AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que Mme X... démonstratrice de la société Villeroy et Boch exerçant depuis son embauche en 1988, son activité au sein du magasin Bazar de l'Hôtel de Ville, exploité par la société Bazar de l'Hôtel de Ville (BHV), a été désignée le 21 septembre 2001 par le syndicat CGT en qualité de représentante syndicale au comité d'entreprise de la société BHV, après annulation d'une précédente désignation aux mêmes fins par jugement du tribunal d'instance du IVe arrondissement de Paris le 10 juillet 2001 ; que la société BHV a de nouveau saisi le tribunal d'instance d'une nouvelle demande d'annulation de cette désignation ;
Attendu que la société BHV fait grief au jugement attaqué (tribunal d'instance de Paris IVe, 26 octobre 2001) de l'avoir déboutée de sa demande, alors, selon le moyen :
1 ) que les juges ne peuvent remettre en cause la chose jugée par une décision de justice à l'occasion d'une instance ultérieure opposant les mêmes parties prises en la même qualité, sur la même question litigieuse procédant de la même cause que la précédente sauf à constater un fait nouveau ayant modifié la situation des parties ; qu'en l'espèce par un jugement du 10 juillet 2001, devenu définitif, le tribunal d'instance de Paris IVe avait annulé la désignation de Mme X... en qualité de représentante syndicale au comité d'entreprise BHV Rivoli décidé par le syndicat CGT BHV Rivoli le 22 juin 2001 ; qu'en affirmant pour refuser de reconnaître l'autorité de la chose jugée par cette décision à l'occasion d'un litige relatif à l'annulation d'une décision identique prise par le syndicat CGT BHV Rivoli, le 21 septembre 2001, que l'instance portait sur une désignation postérieure, sans constater de faits nouveaux ayant modifié la situation des parties, le tribunal d'instance a privé de base légale à sa décision au regard de l'article 1351 du Code civil ;
2 ) que le représentant syndical au comité d'entreprise est obligatoirement choisi parmi les membres du personnel de l'entreprise ;
que l'existence d'un contrat de travail suppose l'exécution d'une prestation de travail, en contrepartie d'une rémunération versée par l'employeur, et sous la subordination de ce dernier ; que l'existence d'un lien de subordination entre l'entreprise et la personne désignée en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise doit être caractérisée par référence à la situation dans laquelle cette dernière exerce son activité ;
qu'en se bornant à apprécier les conditions de travail des démonstrateurs, sans rechercher si Mme X... elle-même travaillait sous l'autorité de la société BHV qui avait le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner ses manquements, le tribunal d'instance qui a statué par un motif d'ordre général, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 433-1 et L. 121-1 du Code du travail ;
3 ) que le représentant syndical au comité d'entreprise est obligatoirement choisi parmi les membres du personnel de l'entreprise ;
que l'existence d'un contrat de travail suppose l'exécution d'une prestation de travail, en contrepartie d'une rémunération versée par l'employeur, et sous la subordination de ce dernier ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le tribunal d'instance qui a considéré que Mme X..., bien que salariée de la société Villeroy et Boch, faisait partie du personnel de la société BHV, sans s'expliquer sur le fait que la société BHV ne versait aucune rémunération à Mme X... et sans justifier de l'existence d'un pouvoir de sanction pouvant être exercé par la société BHV, a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 433-1 et L. 121-1 du Code du travail ;
4 ) que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en se bornant à affirmer que Mme X... était soumise à la même discipline que les salariés du BHV et placée sous l'autorité de son chef de vente et que le planning des démonstrateurs était organisé en concertation avec le BHV, sans examiner, d'une part , s'agissant de la discipline, l'attestation de Mme Y..., la lettre adressée par la société BHV à la société Villeroy et Boch le 10 octobre 1988 et d'autre part, s'agissant du planning, l'attestation de M. Z..., le tribunal d'instance a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
5 ) qu'aux termes de l'article L. 431-5 du Code du travail, le comité d'entreprise a pour objet d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise ; qu'en raison de la nature de cette mission, les démonstrateurs ne sont pas éligibles au comité d'entreprise de l'entreprise dans laquelle ils exercent leur activité , dès lors qu'ils n'ont pas le même intérêt au sort et à la gestion de cette entreprise dont ils ne partagent pas les aléas ; qu'en déclarant Mme X..., salariée de la société Villeroy et Boch et démonstratrice au BHV , éligible au comité d'entreprise de la société BHV, le tribunal d'instance a violé l'article L. 433-1 du Code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que la contestation qui porte sur une nouvelle désignation syndicale a nécessairement un objet différent de celle annulée par une décision antérieure ; que dès lors l'employeur qui conteste la nouvelle désignation ne peut se prévaloir de l'autorité de la chose jugée ;
Attendu, ensuite, que les démonstrateurs étant intégrés dans la communauté des travailleurs salariés du BHV et dans l'entité du grand magasin, y sont électeurs et éligibles et en cette qualité peuvent être désignés représentants syndicaux au comité d'entreprise ;
Attendu, encore, que les juges du fond apprécient souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui leur sont soumis ;
Attendu, enfin, que le tribunal d'instance qui a constaté que Mme X... répondait aux conditions posées par l'article L. 433-5 du Code du travail et qu'elle était intégrée à la communauté des travailleurs de la société BHV dans laquelle elle travaille, a, tirant les conséquences légales de ses constations, relevé qu'elle faisait partie du personnel au sens de l'article L. 433-1 du Code du travail ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société BHV à payer à Mme X... la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente avril deux mille trois.