AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche ;
Vu l'article L. 17 du Livre des procédures fiscales ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que Mme X..., veuve Y..., a fait donation à M. X..., son neveu, de la nue-propriété de 1800 actions lui appartenant de la société Filatures et Tissages de Reims ; que ces actions ont été déclarées pour une valeur totale en pleine propriété de 400 francs chacune ; que le comptable public a notifié à M. X... un redressement sur la base d'une valeur unitaire de 990 francs ; que la commission de conciliation a retenu une évaluation de 710 francs par action, soit une valeur totale en pleine propriété de 1 278 000 francs sur laquelle le comptable s'est fondé pour fixer le montant des droits d'enregistrement et des intérêts de retard y afférents ayant fait l'objet de l'avis de mise en recouvrement adressé au contribuable ;
Attendu que pour valider l'avis de mise en recouvrement, le jugement, après avoir constaté que la société Filatures et Tissage de Reims était propriétaire d'un patrimoine composé d'un appartement, d'un bâtiment de soixante-dix garages donnés en location, d'une propriété d'agrément, d'un ensemble foncier agricole avec corps de ferme donné partiellement en location et de portefeuilles titres, et que l'activité de la société consistait en la gestion de ce patrimoine, a retenu qu'en l'absence totale de production de richesse économique, il convenait de se référer à la seule valeur patrimoniale ou valeur mathématique de la société, comme l'avait fait l'administration ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans tenir compte des conséquences sur la valeur des actions de l'activité exercée par la société, alors que la valeur de titres non cotés en bourse doit être appréciée en tenant compte de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir une évaluation aussi proche que possible de celle qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande dans un marché réel, le tribunal a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 10 février 1998, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne ;
Condamne le Directeur général des Impôts aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois avril deux mille trois.