AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que faisant valoir que les marchandises qu'elle avait vendues avec une clause de réserve de propriété et transfert immédiat des risques à la société Monin (l'acquéreur), ensuite mise en liquidation judiciaire, avaient été détruites en 1992 et que la compagnie Les Mutuelles du Mans assurances, assureur de l'acquéreur, avait accepté de prendre en charge le sinistre à concurrence de 1 228 000 francs au titre des marchandises détruites, la société Eurelco a fait assigner celui-ci, le 23 juin 1997 en paiement de l'indemnité ainsi fixée ;
Attendu que la société Eurelco reproche à l'arrêt confirmatif attaqué (Nîmes, 29 juin 2000) d'avoir constaté la prescription et déclaré l'action irrecevable alors, selon le moyen :
1 / que l'action en revendication n'est pas susceptible de prescription extinctive ; qu'en l'espèce, où la cour a constaté que la société Eurelco invoquait sa qualité de propriétaire des biens sinistrés pour solliciter l'attribution de l'indemnité d'assurance subrogée à ces biens (arrêt, page 6, 2), agissant donc en revendication de la somme d'argent subrogée, celle-ci qui a appliqué la prescription biennale prévue par le Code des assurances, a violé l'article 544 du Code civil, ensemble les articles L. 112-6 et L. 114-1 du Code des assurances ;
2 / que seules les actions dérivant d'un contrat d'assurance sont soumises à la prescription biennale ; qu'en l'espèce, où l'action de la société Eurelco en attribution de l'indemnité résultait de son droit de propriété sur les biens sinistrés et n'était donc pas fondée sur la police d'assurance, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 112-6, ensemble l'article L. 114-1 du Code des assurances ;
3 / que les exceptions au paiement d'une indemnité d'assurance qui naissent postérieurement au sinistre ne sont pas opposables au tiers muni d'une sûreté, qu'en l'espèce, où la société Eurelco agissait en attribution de l'indemnité d'assurance en tant que vendeur ayant conservé la propriété des biens auxquels l'indemnité était subrogée, la cour d'appel ne pouvait lui appliquer la prescription biennale sans violer l'article L. 112-6, ensemble l'article L. 114-1 du Code des assurances ;
Mais attendu que la cour d'appel ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que l'assurance des marchandises dont les risques avaient été transférés à l'acquéreur n'était pas une assurance de responsabilité ouvrant droit à l'action directe prévue par l'article L. 124-3 du Code des assurances et ayant retenu que la société Eurelco n'exerçait pas son action en qualité de créancier privilégié au sens de l'article L. 121-13 du Code des assurances mais agissait, en réalité, en qualité de propriétaire des biens détruits, en a, justement, déduit que l'action personnelle en paiement ainsi exercée était soumise à la prescription édictée par l'article L. 114-1 du Code des assurances comme dérivant d'un contrat d'assurance ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Eurelco aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des Mutuelles du Mans assurances ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier avril deux mille trois.