AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. Le X... et Mme Y... que sur le pourvoi incident relevé par la Société générale ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que M. Le X... et Mme Y..., tous deux titulaires d'un compte de dépôt de titres dans les livres de la Société générale, ont, par l'intermédiaire de celle-ci, sans mandat de gestion de portefeuille, d'octobre 1987 à novembre 1987, en ce qui concerne Mme Y..., et du 5 octobre 1987 au 5 février 1988 en ce qui concerne M. Le X..., pratiqué des opérations boursières sur le marché des valeurs mobilières à règlement mensuel ; que, le 24 novembre 1987 et le 23 décembre 1987, M. Le X... a signé deux lettres de couverture de 650 000 francs ; que le 23 janvier 1988, M. Le X... a signé une nouvelle convention aux termes de laquelle il sollicitait la Société générale d'effectuer pour son compte des opérations de bourse à terme impliquant la constitution d'une couverture ; que la banque se référant à une position d'engagements jugée excessive par rapport à la couverture demandée, a procédé, le 19 février 1988, à la liquidation du portefeuille de titres et a réclamé le paiement du solde débiteur du compte arrêté à la date du 10 mars 1988 ; que M. Le X... et Mme Y... ont assigné la banque en réparation de leur préjudice matériel constitué par le manque à gagner résultant de la liquidation de leur portefeuille et en réparation de leur préjudice moral ; que la cour d'appel a considéré que la banque avait manqué, à partir de fin décembre 1987, à son devoir d'information et a condamné celle-ci à payer aux consorts Le Z... la somme de 350 000 francs à titre de dommages-intérêts et a confirmé le jugement ayant condamné les clients au paiement du solde débiteur de leur compte ;
Attendu que pour écarter la responsabilité de la banque pour la période comprise entre le 5 octobre et la fin du mois de décembre 1987, l'arrêt, après avoir relevé que M. Le X... et Mme Y... n'étaient pas en mesure d'évaluer personnellement l'ampleur des risques courus dans les opérations spéculatives auxquelles ils se livraient, retient que M. Le X... n'a pas contesté les avis d'opéré, admet avoir donné des ordres pour l'ensemble des opérations effectuées sur son compte et doit supporter ainsi que Mme Y... la part d'aléa inhérente au marché dans lequel ils s'étaient engagés ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, quelles que soient les relations contractuelles entre un client et sa banque, celle-ci a le devoir de l'informer, à l'origine des relations contractuelles, des risques encourus dans les opérations spéculatives sur les marchés à termes, hors le cas où il en a connaissance, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, tant du pourvoi principal que du pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 novembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne la Société générale aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille trois.