AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Pau, 14 octobre 1999), que le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de l'exploitation agricole de M. X... a autorisé, le 23 mars 1995, la vente d'immeubles de gré à gré à M. Y... ; que la SAFER Gascogne Haut-Languedoc (la SAFER) a exercé son droit de préemption ; que M. Z... a contesté l'exercice de ce droit ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, et sur le deuxième moyen, réunis :
Attendu que M. Z... reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen :
1 / que la vente de biens immobiliers du débiteur en liquidation judiciaire est parfaite dès lors qu'elle a été autorisée par une ordonnance du juge-commissaire devenue définitive ; que l'autorité de chose jugée attachée à une telle ordonnance ne permet donc pas au tribunal de grande instance de substituer ultérieurement une SAFER à l'acquéreur autorisé à acheter pour un prix déterminé par le juge-commissaire ; que par ordonnance en date du 23 mars 1995, devenue définitive, le juge-commissaire a autorisé la vente de gré à gré à un prix déterminé par lui à M. X... ; qu'en énonçant que la SAFER avait ultérieurement vocation à exercer son droit de préemption, la cour d'appel a méconnu l'autorité de chose jugée attachée à l'ordonnance du 23 mars 1995 et a violé l'article 1351 du Code civil ;
2 / que dans ses conclusions d'appel, M. Z... invoquait expressément l'autorité de chose jugé attachée à l'ordonnance du juge-commissaire du 23 mars 1995 ; que la cour d'appel ne s'est pas expliquée sur ce moyen ; qu'elle a ainsi privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que le droit de préemption d'une SAFER ne peut s'exercer que lorsque le propriétaire "se propose" d'aliéner de gré à gré et à titre onéreux un fonds agricole ; qu'il ne peut s'exercer en cas de vente forcée d'immeubles autorisée par le juge-commissaire lors de la liquidation des biens de leur propriétaire ; qu'en jugeant le contraire, l'arrêt attaqué a violé les dispositions de l'article L. 143-1 et suivants et R. 143-4 du Code rural ;
Mais attendu que l'arrêt retient que, le juge-commissaire ayant autorisé la vente de gré à gré, la SAFER avait vocation à exercer son droit de préemption conformément aux articles L. 143-1 et suivants du Code rural, et que l'exception prévue par l'article L. 143-4, 7 du même Code pour les biens compris dans un plan de cession ne pouvait être transposée au cas de liquidation judiciaire ; que la cour d'appel, répondant en les écartant aux conclusions prétendument délaissées, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que M. Z... reproche à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la SAFER la somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que le droit d'agir en justice est constitutif d'une faute dès lors qu'il dégénère en abus ; qu'après avoir admis que M. Z... était recevable à contester le droit de préemption dont se prévalait la SAFER dès lors qu'il avait obtenu du juge commissaire l'autorisation d'acquérir les biens litigieux, la cour d'appel a néanmoins considéré qu'il avait commis une faute au motif qu'il aurait admis le droit exercé par la SAFER puisqu'il avait présenté une offre de rachat de la propriété préemptée avant de contester le principe de cet exercice devant le tribunal ; qu'en statuant par de tels motifs, qui ne caractérisent pas une faute faisant dégénérer en abus le droit de M. Z... d'agir en justice, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a souverainement retenu que M. Z..., ayant par sa faute retardé la procédure de rétrocession, a causé à la SAFER un préjudice qu'elle a fixé à 10 000 francs ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, le condamne à payer à la SAFER Gascogne Haut-Languedoc la somme de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille trois.