AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que la société à laquelle elle avait, le 27 juin 1990, consenti un prêt étant défaillante, la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Oise a demandé aux époux X... d'exécuter leurs engagements de cautions solidaires ; que ceux-ci ont soutenu que la banque, qui avait manqué à son obligation d'information, devait être déchue de la totalité des intérêts échus ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, qui est préalable :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 9 novembre 1999) d'avoir prononcé cette sanction, tout en excluant les intérêts payés par la débitrice principale, alors, selon le moyen, que les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement de crédit, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette, de sorte qu'en refusant, après avoir constaté la méconnaissance par l'organisme prêteur de son obligation d'information, d'imputer les intérêts payés par le débiteur principal sur le solde restant dû par les cautions, la cour d'appel aurait violé l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, dans sa rédaction antérieure à la loi du 25 juin 1999 ;
Mais attendu que l'imputation légalement faite du paiement effectué par le débiteur principal est opposable à la caution ; que, dès lors, le manquement de l'établissement de crédit à l'obligation d'information mise à sa charge par le texte précité, s'il emporte, dans les rapports de celui-ci avec la caution, déchéance des intérêts dans les conditions prévues par ce texte, ne décharge pas la caution de son obligation de payer les autres sommes dues en vertu du cautionnement;
qu'en sa seconde branche, le moyen n'est pas fondé ;
Et sur la première branche du même moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi qu'il l'a fait, alors, selon le moyen, que l'article 114 de la loi n° 99-532 du 25 juin 1999, qui ajoute à l'article 48 de la loi du 1er mars 1984 une disposition selon laquelle les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre l'établissement de crédit et la caution, affectés prioritairement au règlement du principal est interprétatif, partant rétroactif, et applicable aux instances en cours ; qu'en refusant, après avoir constaté que la banque n'avait pas respecté son obligation d'information annuelle des cautions, d'imputer les intérêts payés par le débiteur principal sur le solde restant dû par les cautions, la cour d'appel aurait violé, par refus d'application, l'article 114 de la loi du 25 juin 1999, ensemble l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, tel que modifié par cette loi ;
Mais attendu que le texte invoqué a introduit dans l'article 48 de la loi du 1er mars 1984 précitée une disposition nouvelle d'imputation des paiements opérés par le débiteur principal, seulement applicable dans les rapports de la caution avec l'établissement de crédit ;
qu'une telle disposition ne présente aucun caractère interprétatif, de sorte qu'à défaut de disposition expresse de la loi du 25 juin 1999, celle-ci n'est pas applicable à des situations consommées avant la date de son entrée en vigueur; que les juges du fond ayant constaté que les manquements de la banque concernaient la période du 27 juin 1990 au 9 novembre 1994, le moyen, en sa première branche, n'est pas davantage fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des époux X... et celle de la Caisse régionale du Crédit agricole mutuel de l'Oise ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille trois.