AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. Eric X..., secrétaire de rédaction à la société des Editions Larivière, a été désigné en qualité de délégué syndical et de représentant syndical au comité d'entreprise par le Syndicat national des journalistes le 28 février 2001 ; que l'employeur a poursuivi l'annulation de cette désignation en la tenant pour frauduleuse comme faite pour protéger le salarié contre un licenciement imminent ;
Sur le moyen unique :
Attendu qu'il est fait grief au jugement attaqué (tribunal d'instance de Clichy-la-Garenne, 26 juin 2001) d'avoir annulé la désignation de M. X..., alors, selon le moyen :
1 / que la désignation d'un délégué syndical ne peut être jugée frauduleuse que si elle a pour but exclusif la protection personnelle du salarié contre une mesure de licenciement, que M. X... qui, niant avoir eu connaissance d'une procédure de licenciement diligentée à son encontre avant sa désignation intervenue le 28 février à 12 h 29, contestait la sincérité des déclarations de l'éditeur, de l'éditeur-adjoint et du rédacteur en chef sur lesquelles se fondait la société des Editions Larivière pour affirmer qu'une convocation à un entretien préalable lui aurait été remise en mains propres le 28 février à 12 h et faisait valoir l'invraisemblance de la relation des événements décrits dans les témoignages versés par la société, si bien qu'en se bornant, pour relever l'existence d'une menace de licenciement connue du salarié, à viser les seules attestations produites par l'employeur sans répondre aux conclusions dont il était saisi, le tribunal a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / qu'il incombe à celui qui prétend que la désignation est frauduleuse d'en rapporter la preuve, et qu'une telle preuve est exclue en présence d'une activité antérieure du salarié de nature syndicale ou pour la défense des intérêts des salariés de l'entreprise, sans qu'il soit nécessaire pour le délégué d'établir le caractère constant de son action , qu'en déclarant frauduleuse la désignation de M. X... au motif que les pièces versées aux débats ne démontrent pas le caractère constant de l'action menée par l'intéressé au service de son syndicat, le tribunal a statué par un motif qui ajoute à la loi, violant ainsi l'article L. 412-11 du Code du travail ;
3 / que dans leurs conclusions, M. X... et le SNJ faisaient valoir, en se référant chaque fois précisément à des pièces et témoignages qu'ils produisaient, que le salarié était adhérent au SNJ bien avant son entrée dans la société des Editions Larivière, qu'antérieurement à sa désignation, il menait de véritables actions en vue d'instaurer une présence syndicale, jusque là inexistante dans l'entreprise, qu'il avait été à l'origine d'adhésion de salariés au SNJ, que ses positions syndicales notamment lors du passage aux 35 heures, étaient connues, de même que son intention de s'impliquer dans la cause syndicale à l'occasion de l'élection des délégués du personnel, qu'en se bornant à relever, pour retenir l'existence d'une fraude, que "les pièces versées aux débats ne démontrent pas l'action constante que M. X... a menée en faveur de son syndicat", sans analyser, fut-ce de façon sommaire, les éléments de preuve produits par le syndicat et le salarié, le tribunal a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que le tribunal d'instance, qui a répondu aux conclusions, a estimé la désignation frauduleuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille trois.