AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu qu'il est reproché au jugement attaqué (tribunal d'instance du 3e arrondissement de Paris, 24 avril 2001) d'avoir débouté la société Jager jeune de sa demande en annulation de la désignation de M. X... en qualité de délégué syndical par le syndicat CGT commerce et services de Paris, alors, selon le moyen :
1 / qu'est frauduleuse la désignation d'un délégué syndical qui n'est pas motivée par la défense des intérêts collectifs des salariés de l'entreprise mais est destinée à conférer à l'intéressé une protection légale pour faire échec au licenciement dont il est menacé, ce que le juge doit apprécier à la date de la désignation ; qu'il suffit pour que la désignation soit frauduleuse que le syndicat et le salarié aient connaissance de l'intention de l'employeur de licencier ce dernier, peu important que la procédure de licenciement n'ait pas déjà été mise en oeuvre ni donc qu'elle soit en l'état interrompue par des décisions administratives non définitives ; que dès lors, en se fondant, pour considérer qu'il ne pouvait pas être tenu compte d'une manoeuvre destinée à faire échec à la menace de licenciement pesant sur le salarié sur la circonstance contingente que "la procédure de licenciement poursuivie par la société Jager jeune à l'encontre de M. X... se trouve actuellement sans effet, alors même que le recours hiérarchique formé par la société à l'encontre du refus implicite de l'inspecteur du travail de l'autorisation de licenciement ne revêt pas un caractère suspensif de cette décision", le tribunal d'instance s'est déterminé par un motif inopérant qui prive sa décision de base légale au regard de l'article L. 412-11 du Code du
travail ;
2 / qu'après avoir constaté que M. X... ne contestait ni son éloignement géographique ni ses arrêts de maladie et admis que cette situation pouvait faire obstacle à une bonne exécution du mandat de délégué syndical, le tribunal d'instance a considéré que tel n'était pas le cas en l'espèce dès lors qu'il résultait de l'examen des procès-verbaux des réunions du comité d'entreprise de l'année 2000 que l'intéressé était régulièrement présent lors des réunions du comité d'entreprise et participait activement aux discussions portant sur des enjeux importants pour la défense des salariés ; que, cependant, la société Jager jeune n'avait pas versé aux débats de procès-verbaux postérieurs au 4 mai 2000 en faisant valoir que M. X... était en arrêt de maladie depuis le 10 mai 2000 et qu'il était acquis par les certificats médicaux qu'il avait déménagé à Valensole depuis au moins le mois de novembre 2000 ; qu'à supposer même que le tribunal d'instance ait eu connaissance des procès-verbaux postérieurs, la référence à eux serait inopérante dès lors que les possibilités qu'avait l'intéressé d'exécuter convenablement son mandat de délégué syndical devait s'apprécier en fonction de la situation existant à la date de la désignation litigieuse et de son évolution prévisible, et non en fonction de la situation passée ; qu'en statuant de la sorte, il a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-12 du Code du travail ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que le tribunal d'instance a estimé que la désignation de M. X... en qualité de délégué syndical n'était pas frauduleuse et que sa situation personnelle n'était pas un obstacle à l'exercice de son mandat représentatif ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Jager jeune à payer à M. X... et au Syndicat CGT la somme de 2 200 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille trois.