AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. André X... et Gabriel X... étaient associés de fait dans un commerce de charcuterie exploité à Nice sous l'enseigne "charcuterie X..." ; que par acte du 30 avril 1994, M. Gabriel X... a cédé à M. André X... la totalité de ses parts dans la société de fait exploitant ce fonds de commerce ; que se prévalant de la violation d'une clause intitulée "interdiction de se rétablir" figurant à l'acte, au regard des conditions d'exploitation par M. Gabriel X... d'un fonds de charcuterie, ainsi que de la violation de la cession du nom commercial, M. André X... a assigné son frère en paiement de dommages-intérêts et aux fins qu'il lui soit interdit d'utiliser dans son commerce le nom X... ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. André X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'action en garantie contre l'éviction qu'il formait contre M. Gabriel X..., alors, selon le moyen, que quoiqu'il soit dit que le vendeur ne sera soumis à aucune garantie, il demeure cependant tenu de celle qui résulte d'un fait qui lui est personnel ; qu'il s'ensuit que celui qui a cédé à autrui le signe distinctif que constitue son nom patronymique doit garantir le cessionnaire contre son fait personnel, et qu'il ne peut, dès lors, faire concurrence à ce cessionnaire en se servant, dans le même secteur commercial que lui, de son nom patronymique ; que la cour d'appel qui écarte l'action en garantie de M. André X... parce que M. Gabriel X... ne se sert, pour exercer le même métier que lui, de son nom patronymique, qu'en le faisant précéder, ou en le faisant suivre de son prénom, et en l'accompagnant de l'indication "fabrique de charcuterie ou "fabrication de charcuterie" a violé l'article 1628 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le nom commercial utilisé par M. André X... était "charcuterie X... ", la cour d'appel, qui a constaté que M. Gabriel X... utilise son nom patronymique toujours accompagné de son prénom et de l'indication "fabrique de charcuterie" ou "fabrication de charcuterie", a pu en déduire qu'il ne méconnaissait pas les obligations découlant de l'acte de cession ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que pour décider que M. Gabriel X... n'avait pas méconnu la clause litigieuse, l'arrêt retient que cette clause lui interdit d'exploiter dans un rayon de 20 kilomètres à vol d'oiseau de Nice un fonds de commerce dans la même activité artisanale que celle de son frère André ; qu'en se rétablissant dans une commune située à 23,5 kilomètres, M. Gabriel X... a respecté le rayon de 20 kilomètres imposée par la clause de non-rétablissement et que M. Gabriel X... ne saurait empêcher les clients de se présenter à son établissement même s'il s'agit de clients venus de Nice ;
Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que la clause litigieuse stipulait que "M. Gabriel X... s'oblige à ne pas exploiter directement ou indirectement, par voie de création ou par toute autre manière, un quelconque fonds de commerce susceptible de faire concurrence, en tout ou partie, au fonds exploité précédemment par la société de fait X... et dorénavant par M. André X... , dans un rayon de 20 kilomètres à vol d'oiseau pendant une durée de trois ans", ce dont il se déduisait qu'il était interdit à M. Gabriel X... d'exploiter un fonds servant des clients appartenant à la zone de chalandise protégée, peu important que ce fonds fût situé en dehors de cette même zone, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a décidé que M. Gabriel X... n'avait pas méconnu la clause intitulée "interdiction de se rétablir" figurant à l'acte de cession du 30 avril 1994, l'arrêt rendu le 3 novembre 2000, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne M. Gabriel X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, le condamne à payer à M. André X... la somme de 1 800 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille trois.