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11/03/2003 | FRANCE | N°00-21041

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 11 mars 2003, 00-21041


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 14 juin 2000), que les époux X... et la SA des Sablières X... (la société) ont vendu en janvier 1989 plusieurs fonds de commerce ou éléments de fonds de commerce qu'ils exploitaient, M. X... étant le dirigeant de la société ;

qu'ils ont fait l'objet en février 1992, d'un contrôle fiscal ayant abouti à des redressements qui portaient sur la répartition des valeurs incorporelles et corporelles entre l

e fonds de commerce personnel des époux X... et ceux de la société ; qu'ils ont a...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 14 juin 2000), que les époux X... et la SA des Sablières X... (la société) ont vendu en janvier 1989 plusieurs fonds de commerce ou éléments de fonds de commerce qu'ils exploitaient, M. X... étant le dirigeant de la société ;

qu'ils ont fait l'objet en février 1992, d'un contrôle fiscal ayant abouti à des redressements qui portaient sur la répartition des valeurs incorporelles et corporelles entre le fonds de commerce personnel des époux X... et ceux de la société ; qu'ils ont assigné l'expert comptable, la société SAEC et le notaire, rédacteur de l'acte de vente, en réparation des conséquences financières relatives aux redressements fiscaux, le premier, pour manquement à ses obligations professionnelles, le second, pour manquement à son devoir de conseil ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que les époux X... et la société Les Sablières X..., font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur action en responsabilité à l'encontre de la société SAEC, expert-comptable, alors, selon le moyen :

1 / que la faute du client retenue, si elle ne constitue pas la cause unique du dommage, ne peut avoir un effet totalement exonératoire ; qu'en l'espèce, il était constant que la SAEC, leur expert comptable habituel, avait réalisé deux études ayant pour objet, de son propre aveu, la première de déterminer le coût fiscal de la cession envisagée et la trésorerie dégagée, et la seconde, d'apprécier les conséquences fiscales et financières d'une modification de la répartition du prix entre les éléments d'actifs cédés, laquelle avait abouti à la cession du 3 janvier 1989 ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que la SAEC avait commis une faute en cautionnant sans contrôle les évaluations fausses des éléments d'actifs cédés, par la suite rectifiées par l'administration fiscale dans le cadre des redressements qu'ils ont subis ;

que dès lors, en exonérant intégralement l'expert-comptable de sa responsabilité professionnelle, au motif - impropre à établir que la faute de l'expert-comptable n'avait eu aucune conséquence dommageable - que M. X... avait pris le risque de subir un redressement fiscal en s'attribuant le patrimoine de la société des Sablières X..., bien que fût établi qu'en cautionnant sans contrôle ni réserve les évaluations proposées, la SAEC qui était chargée de réaliser les études comptables et fiscales préalables à la cession, avait participé à l'opération ayant entraîné les redressements auxquels ils ont été soumis, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;

2 / qu'à supposer même que le comportement reproché au seul M. X... fût totalement exonératoire à son égard de la responsabilité contractuelle encourue par l'expert-comptable en raison de la faute professionnelle commise, il ne pouvait l'être à l'égard de la SA des Sablières X..., personne morale distincte de M. X... ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 1147 du Code civil ;

3 / qu'enfin, les compétences personnelles du client ne dispensent pas l'expert-comptable de son devoir de conseil ; qu'en exonérant cependant la SAEC de toute responsabilité par la considération de la qualité d'homme d'affaires expérimenté de M. X..., la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu qu'en relevant que l'expert-comptable n'avait pas eu pour mission de proposer une répartition des valeurs corporelles et incorporelles des fonds de commerce entre les époux X... et la société des Sablières X... et que c'est par un choix délibéré que M. X... avait pris, en connaissance de cause, le risque de subir un redressement fiscal en s'attribuant le patrimoine de la société qu'il avait créée et qu'il dirigeait, la cour d'appel, dès lors que n'était pas caractérisée l'existence d'un lien de causalité entre les manquements allégués à l'encontre de l'expert-comptable et les redressements fiscaux et abstraction faite du motif surabondant dont fait état la troisième branche, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que les époux X... et la société des Sablières X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur action en responsabilité à l'encontre du notaire, rédacteur de l'acte de vente, alors, selon le moyen :

1 / que le notaire est tenu de s'assurer de l'efficacité des actes qu'il instrumente ; qu'en vertu de son devoir de conseil, il doit prévoir les conséquences fiscales de ses actes et avertir son client des risques qu'il encourt à ce titre ; qu'en l'espèce, ils soutenaient expressément dans leurs conclusions d'appel que, compte tenu des particularités et de l'importance de la cession de fonds de commerce en cause, Me Y..., qui n'ignorait pas le risque de confusion entre les fonds appartenant, d'une part aux époux X... et, d'autre part, à la société Sablières X..., devait les aviser des conséquences fiscales de la ventilation du prix de vente entre les différents éléments des différents fonds de commerce cédés et du risque encouru si cette répartition s'avérait erronée ; qu'il résulte des énonciations du jugement, confirmées par la cour d'appel, que Me Y... n'a pas exécuté cette obligation se bornant à reproduire les indications fournies par les parties à l'acte ; que dès lors, en exonérant le notaire ayant manqué à son devoir de conseil de toute responsabilité, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

2 / que comme ils le faisaient valoir, le notaire avait également engagé sa responsabilité en omettant de préciser dans l'acte qu'il rédigeait l'origine de propriété des différents sites créés par la SA des Sablières X... pour l'exploitation des carrières postérieurement au contrat de location gérance que lui avait consenti les époux X... lesquels faisaient partie d'un unique fonds de commerce, ce qui avait conduit l'administration fiscale à considérer que chaque nouveau site exploité par la Société des Sablières X... constituait un nouveau fonds de commerce créé par ladite société ; qu'en décidant le contraire, au motif erroné que M. X... était seul responsable des imprécisions de l'acte qu'il avait fait dresser par le notaire, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 1382 du Code civil ;

3 / qu'enfin, le notaire n'est pas dispensé de son devoir de conseil par les compétences personnelles de son client ; qu'en l'espèce, il était constant que Me Y..., notaire rédacteur de l'acte authentique de cession de fonds litigieux, s'était borné à reproduire les indications fournies par ses mandants, sans procéder à aucune vérification, demander aucune précision, ni les aviser des risques fiscaux découlant de l'acte rédigé par lui ; que dès lors, en écartant toute responsabilité du notaire par la considération de la qualité d'homme d'affaires expérimenté M. X..., la cour d'appel a encore violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que le notaire, qui n'a pas participé à la négociation, n'avait aucune raison de suspecter que les indications de répartition et de valeur des meubles, objet de la vente, étaient volontairement erronées ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant critiqué à la troisième branche, a pu décider que le préjudice dont M. X... et la société Les Sablières X... demandaient réparation, était imputable aux seuls agissements de M. X..., responsable des imprécisions de l'acte qu'il a fait dresser ; que le moyen qui ne peut être accueilli en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X... et la société des Sablières X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, les condamne à payer à la SAEC la somme de 2 250 euros et à M. Y... la somme de 2 250 euros ;

Condamne M. et Mme X... et la société des Sablières X... à une amende civile de 1 500 euros envers le Trésor public ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 00-21041
Date de la décision : 11/03/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers (1re Chambre, Section B), 14 juin 2000


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 11 mar. 2003, pourvoi n°00-21041


Composition du Tribunal
Président : Président : M. TRICOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:00.21041
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