AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Saint-Dizier, 2 décembre 2002), que M. X..., agissant en sa double qualité d'électeur et de mandataire du syndicat CFE-CGC, et M. Y..., agissant en qualité d'électeur, ont saisi le Tribunal d'une contestation portant sur l'inscription sur la liste électorale de la commune de Saint-Dizier établie en vue des élections prud'homales, dans le collège salarié de la section de l'encadrement, de 58 employés de l'Etablissement industriel équipement de la Société nationale des chemins de fer français (la SNCF) ;
Attendu que la SNCF fait grief au jugement d'avoir constaté que 51 de ces salariés ayant une qualification d'agents de maîtrise ne bénéficiaient pas d'une délégation écrite de commandement régulière, et d'avoir ordonné leur radiation de la section de l'encadrement et leur inscription dans la section "commerce et services commerciaux" de la liste électorale prud'homale de la commune de Saint-Dizier, alors, selon le moyen :
1 / que, faute de s'être expliqué sur le moyen tiré par la SNCF de ce que les intéressés devaient être inscrits dans la section de l'encadrement au titre des deux premières catégories de l'article L. 513-1, alinéa 3, du Code du travail, le jugement attaqué est insuffisamment motivé ; qu'il encourt donc la cassation pour violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que le législateur n'ayant pas précisé que la délégation écrite de commandement dont devaient bénéficier les agents de maîtrise pour être électeurs dans la section de l'encadrement, devait nécessairement être personnelle et comporter une signature, le jugement attaqué, en refusant de tenir compte de l'accord des partenaires sociaux et de la réglementation interne de la SNCF et en exigeant une délégation personnelle signée de l'employeur pour chaque agent de maîtrise, a violé, par fausse interprétation, l'article L. 513-1, alinéa 3, du Code du travail ;
Mais attendu, d'une part, que le jugement retient que les 58 salariés concernés par le recours occupent des postes qui correspondent à des fonctions d'agent de maîtrise, ainsi que cela résulte des documents versés aux débats et notamment des écritures de la SNCF ; que le Tribunal n'avait, dès lors, pas à s'expliquer sur des moyens que ces constatations, procédant d'une appréciation souveraine des éléments de preuve relatifs à la qualité d'agent de maîtrise des intéressés, rendaient inopérants ;
Et attendu, d'autre part, que, selon l'article L. 513-1, alinéa 3, du Code du travail, sont électeurs dans la section de l'encadrement les agents de maîtrise qui ont une délégation écrite de commandement ; que le jugement énonce que la délégation permettant d'assimiler un agent de maîtrise à un cadre doit conférer personnellement à l'intéressé des pouvoirs distincts de ceux qui sont normalement exercés par tout agent de maîtrise, qu'il s'agit donc d'une désignation intuitu personae dont la forme importe peu dès lors qu'elle est contenue dans un document écrit et individuel émanant de l'employeur, qu'il n'est pas possible de déroger aux dispositions législatives relatives aux élections prud'homales, qui sont d'ordre public, par des dispositions de nature réglementaire ou conventionnelle et que la réglementation interne à la SNCF ne peut produire aucun effet sur des règles électorales relevant de la compétence exclusive du législateur ;
Que, dès lors, c'est sans encourir le grief du moyen que, faisant une exacte application des dispositions de l'article précité, le Tribunal a justement décidé que les salariés concernés ne bénéficiaient pas d'une délégation écrite de commandement de leur employeur et devaient être radiés de la section de l'encadrement de la liste électorale prud'homale ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la Société nationale des chemins de fer français à payer MM. X... et Y... la somme globale de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille trois.