AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu qu'une ordonnance du 14 octobre 1999 a donné injonction à Mlle X... de payer à la Société d'aménagement urbain et rural (la SAUR) le montant de factures impayées ; qu'un jugement a fait partiellement droit à l'opposition de Mlle X... en décidant que l'action en paiement était prescrite au titre des quantités d'eau fournies d'avril 1997 à octobre 1997 ;
Attendu que la société SAUR fait grief au tribunal d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen :
1 / qu'il résulte de l'article 714 du Code civil et des articles 1 et 2 de la loi sur l'eau du 3 janvier 1992, que l'eau n'est pas susceptible d'appropriation, de propriété privative et, partant, ne peut être assimilée à une marchandise ; qu'en décidant le contraire, le Tribunal a violé les articles 714 du Code civil et 1 et 2 de la loi sur l'eau du 3 janvier 1992 ;
2 / que, tout en relevant que les factures de la SAUR étaient (notamment) ainsi libéllées : "Distribution de l'eau" et en qualifiant lui-même d'"usager" Mlle X..., le Tribunal, qui a retenu que les marchandises livrées tombaient sous le coup de la prescription, sans aucunement justifier que l'eau distribuée par la SAUR aux usagers faisait l'objet d'une vente, ni davantage que la SAUR vendait de l'eau qu'elle avait préalablement achetée, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 2272, alinéa 4, du Code civil ;
Mais attendu que le Tribunal a exactement décidé que l'article 2272, alinéa 4, du Code civil était applicable aux contrats de fourniture d'eau aux particuliers non marchands, l'eau, fût-elle un bien commun, étant susceptible d'appropriation et pouvant être assimilée à une marchandise ; qu'en fondant sa décision sur ce texte, le Tribunal a nécessairement jugé que la SAUR vendait de l'eau à ses abonnés ; d'où il suit que les griefs ne sont pas fondés ;
Mais sur la quatrième branche du moyen :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'en laissant sans réponse les conclusions selon lesquelles la SAUR soutenait que la prescription biennale prévue à l'article 2272, alinéa 4, du Code civil n'était pas applicable à la redevance d'assainissement qui constitue le prix d'une prestation de service et non celui d'une vente, le Tribunal n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré prescrite l'action en paiement de la redevance d'assainissement réclamée par la société SAUR pour la période antérieure au 22 octobre 1997, le jugement rendu le 5 septembre 2000, entre les parties, par le tribunal d'instance de Nîmes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance d'Alès ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq février deux mille trois.