AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X... ont acquis le 9 juin 1989 une chambre à farine auprès de la société nouvelle Les Maiseries de la Méditerranée en finançant cet achat au moyen d'un prêt dont le montant a été versé pour leur compte par la société Grands moulins de Paris, ce prêt étant remboursable en six annuités au taux de 12 % l'an ; qu'en contrepartie du prêt, les époux X... s'étaient engagés à s'approvisionner exclusivement auprès de la société Grands moulins de Paris ; que la société Grands moulins de Paris a réclamé judiciairement le paiement d'échéances du prêt restées impayées ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 85-1 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 81 CE, ensemble les articles 1 et 3 du règlement n° 1984/83 du 22 juin 1983 ;
Attendu que pour décider que le contrat d'approvisionnement conclu entre les parties devait être résilié, aux torts de la société Grands Moulins de Paris et rejeter sa demande en paiement, l'arrêt retient que celui-ci s'échelonne sur six années alors que le règlement d'exemption n° 1984/83 du 22 juin 1983 limite à cinq ans la durée maximum de conclusion de tels accords d'achat exclusif ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs sans examiner la portée de la clause litigieuse, alors que n'est pas nécessairement nul un accord ne remplissant pas les conditions posées par le règlement d'exemption s'il n'est pas établi qu'il a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que pour décider que le contrat d'approvisionnement conclu entre les parties devait être résilié aux torts de la société Grands Moulins de Paris et rejeter sa demande en paiement, l'arrêt retient encore que les conditions de prix qui étaient faites dans le cadre du contrat d'approvisionnement étaient assises sur la base des seuls tarifs fournisseurs et qu'il en résulte un abus dans la fixation du prix de la farine vendue ;
Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que le contrat prévoyait un prix d'approvisionnement connu et accepté des clients et révisable en fonction de la moyenne d'indices publiés précisément déterminés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que pour décider que le contrat d'approvisionnement conclu entre les parties devait être résilié, l'arrêt retient encore que les conditions de prix qui étaient faites dans le cadre du contrat d'approvisionnement étaient supérieures de 25 % par rapport aux prix de vente des farines pratiquées par les autres fournisseurs et qu'il en résulte un abus dans la fixation du prix de la farine vendue ;
Attendu qu'en statuant ainsi sans répondre aux conclusions du fournisseur selon lesquelles le prix de vente était réduit par l'effet d'une ristourne, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que pour décider que le contrat d'approvisionnement conclu entre les parties devait être résilié aux torts de la société Grands Moulins de Paris et rejeter sa demande en paiement, l'arrêt retient encore qu'était imposé un quota d'approvisionnement arrêté à 55 quintaux mensuels, soit nettement supérieur aux 40 quintaux habituellement nécessaires à l'exploitation des fonds de boulangerie des consorts X..., quota constitutif d'un abus ;
Attendu qu'en se déterminant par ces seuls motifs, sans relever que les consorts X... n'avaient pas librement consenti à la clause de quota, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 janvier 2000, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Grands Moulins de Paris ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. Métivet, conseiller le plus ancien qui en a délibéré, en remplacement du président, en son audience publique du onze février deux mille trois.