AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les premier et deuxième moyens, réunis :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande principale en divorce des époux Y... et d'avoir prononcé celui-ci à ses torts exclusifs sur la demande de l'épouse alors, selon le moyen :
1 / qu'en vertu des articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile, le juge est tenu de respecter les termes du litige tels qu'ils résultent des prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce nul ne contestait qu'une séparation de fait des époux existait au sein du domicile conjugal et qu'elle résultait de l'initiative prise par Mme Z... d'aller s'installer dans une partie distincte dudit domicile ; qu'en remettant toutefois en cause la rupture de la vie commune à l'initiative de l'épouse, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les textes susvisés ;
2 / que l'article 242 du Code civil prévoit que le divorce peut être prononcé aux torts de l'un des époux lorsque des faits qui lui sont imputables constituent une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations résultant du mariage et rendent intolérable le maintien de la vie commune ; que, par ailleurs, l'article 215, alinéa 1er, du Code civil édicte que les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie ;
qu'en l'espèce la séparation de fait supportée de manière permanente par M. X... constituait une violation de l'obligation de communauté de vie rendant intolérable le maintien de la vie conjugale et devant entraîner le prononcé du divorce sur le fondement de l'article 242 précité ; qu'en remettant en cause, par une dénaturation des termes du litige, l'initiative de Mme Z... de la séparation de fait des époux, la cour d'appel a violé les dispositions des textes précités ;
3 / que, si le fait de couper l'électricité dans la partie du domicile conjugal occupé par le conjoint et la recherche de relations affectives avec des tierces personnes peuvent constituer une violation des devoirs et obligations du mariage, il appartenait à la cour d'appel, ainsi qu'il lui était demandé, de rechercher si la séparation de fait des époux depuis deux ans et demi et le délaissement du mari n'étaient pas de nature à enlever à ces faits le caractère de gravité pouvant en faire une cause de divorce ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 242 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que Mme X... fait valoir que son mari n'apporte la preuve d'aucune violation par elle des devoirs et obligations résultant du mariage et retient que M. X... ne fournit pas de documents probants démontrant clairement que l'épouse aurait décidé de la séparation de fait des époux à sa seule initiative ; que la demande principale du mari n'est pas fondée et qu'en revanche il résulte des attestations produites que M. X... a coupé l'électricité dans la partie du logement occupée par son épouse dans le but de la déterminer à quitter le domicile conjugal fixé dans un immeuble qui appartenait en propre au mari et qu'en répondant à une annonce matrimoniale il a manifesté sa volonté d'avoir des relations affectives avec des tierces personnes ;
Que par ces constatations et énonciations, la cour d'appel, sans méconnaître les termes du litige et sans avoir à procéder à une recherche inutile dès lors qu'elle retenait souverainement l'absence de faute prouvée de l'épouse, a légalement justifié sa décision ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à verser des dommages-intérêts à son épouse en réparation du préjudice moral résultant de la rupture du lien conjugal alors, selon le moyen, que l'allocation de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 266 du Code civil suppose l'identification d'un préjudice déterminé résultant de la dissolution du mariage ; que, pour s'opposer à une telle demande de réparation formulée par l'épouse, M. X... a fait valoir dans ses conclusions récapitulatives l'indifférence profonde manifestée par Mme Z... à son égard depuis des années ; qu'en outre il résulte des propres constatations de l'arrêt que les époux vivaient séparés de fait, dans une mésentente certaine, bien avant l'ouverture de la procédure de divorce ; qu'au regard de tels éléments, la cour d'appel devait préciser quel était néanmoins le préjudice moral résultant pour l'épouse de la rupture du lien conjugal ; qu'en se bornant à statuer en termes généraux et "par principe" pour accueillir la demande de réparation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la rupture du mariage après une longue vie commune, par suite du comportement de l'époux, a occasionné un préjudice moral à l'épouse ;
Qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel, se fondant sur la durée de presque 20 ans du mariage, a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu les articles 274 et 275-1 du Code civil tels qu'ils résultent de la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000 et l'article 23 de cette loi ;
Attendu que la prestation compensatoire prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge ; que, lorsque le débiteur n'est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l'article 275 du Code civil, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de 8 années, sous forme de versements mensuels ou annuels indexés, selon les règles applicables aux pensions alimentaires ;
Attendu que l'arrêt retient que compte tenu de la consistance du patrimoine propre de l'époux permettant le versement d'un capital, il convient d'allouer à la femme, au titre de la prestation compensatoire, une certaine somme en capital et une rente mensuelle jusqu'à ce que l'époux ait atteint l'âge de 65 ans ;
Que cette décision, non conforme aux dispositions de la loi susvisée, applicables aux instances en cours qui n'ont pas donné lieu à une décision passée en force de chose jugée, doit, en conséquence, être censurée ;
Et sur le moyen relevé d'office après avis donné aux parties
:
Vu l'article 271, alinéa 2, du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 30 juin 2000 et l'article 23 de la même loi ;
Attendu que dans le cadre de la fixation d'une prestation compensatoire par le juge ou par les parties dans la convention visée à l'article 278 du Code civil ou à l'occasion d'une demande de révision, les parties fournissent au juge une déclaration certifiant sur l'honneur l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie ;
Attendu que l'arrêt attaqué a condamné M. X... au paiement d'une prestation compensatoire au vu d'éléments de preuve sans que les parties aient fourni une déclaration sur l'honneur ;
Qu'en statuant ainsi, par une décision non conforme aux dispositions de la loi du 30 juin 2000 applicables aux instances en cours qui n'ont pas donné lieu à une décision passée en force de chose jugée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions relatives à la prestation compensatoire, l'arrêt rendu le 3 août 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme Z... ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille trois.