AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. Julien X..., alors âgé de 14 ans, passager du véhicule conduit par sa mère Véronique Y..., agent de l'Etat, a été blessé lors d'un accident de la circulation impliquant le véhicule de M. Z..., assuré auprès de la compagnie Groupama d'Oc, qui, comme Mme Y..., est décédé des suites de cet accident ; que M. X..., devenu majeur a assigné en réparation la compagnie Groupama d'Oc, la Mutuelle générale de l'éducation nationale du Lot et de l'Ariège, le service social militaire, la Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes et la compagnie Axa, assureur du véhicule conduit par sa mère ; que la compagnie Groupama d'Oc a appelé en la cause l'agent judiciaire du Trésor (l'AJT) et la Mutuelle assurances de l'éducation ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt, confirmatif sur ce point, d'avoir condamné Groupama d'Oc à payer à M. X... et au Fonds de garantie automobile des indemnités d'un certain montant, alors, selon le moyen, qu'en cas de pluralité de véhicules, et s'il y a plusieurs assureurs I'offre est faite par l'assureur mandaté par les autres ; que le Groupama d'Oc avait fait valoir qu'il appartenait à la compagnie Axa, dans le cadre de la convention ICA, de soumettre des offres au passager du véhicule dont elle garantissait la responsabilité civile ; que la cour d'appel, qui a condamné le Groupama au paiement d'indemnités pour avoir présenté des offres jugées manifestement insuffisantes, sans s'expliquer sur le moyen par lequel le Groupama contestait être mandaté pour soumettre les offres d'indemnisation, n'a pas satisfait aux exigences des articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 211-9 et L. 211-14 du Code des assurances ;
Mais attendu que par motifs propres et adoptés, l'arrêt relève que l'accident a eu lieu le 4 mai 1991, que Groupama d'Oc a fait une première offre d'indemnisation le 11 février 1993 pour 30 000 francs, portée à 50 000 francs le 5 mars 1993, que le montant des offres de Groupama d'Oc dans la présente instance s'élève pour le seul préjudice corporel de M. X... à la somme de 808 000 francs, que le total des sommes allouées à M. X... au titre de son seul préjudice corporel s'élève à 1 206 000 francs ; que la seule comparaison entre les offres faites par Groupama d'Oc en 1993 et ce qu'elle a fait valoir dans ses conclusions à l'instance, alors que très rapidement il apparaissait très clairement la gravité des blessures et des séquelles possibles, démontre le caractère manifestement très insuffisant de l'offre qui avait été proposée par Groupama d'Oc ; que l'erreur systématique commise par Groupama d'Oc en se prévalant de l'indemnité versée par la compagnie Axa ayant pour cause un contrat souscrit par Véronique Y..., et n'ayant de rapport qu'avec les chefs de préjudice subi par M. X... du fait du décès de sa mère, rend la conduite du Groupama d'Oc encore plus fautive ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, dont il résultait que Groupama d'Oc, ayant formulé des offres d'indemnisation au profit du passager transporté d'un véhicule assuré par une autre compagnie, n'avait pas contesté, ce faisant, agir en qualité d'assureur mandaté, ni assumer cette qualité en tant qu'assureur du conducteur impliqué encourant la plus grande part de responsabilité au sens de la convention indemnisation pour le compte d'autrui (ICA), la cour d'appel, répondant aux conclusions prétendûment délaissées, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 1 et 5 de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959, ensemble les articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985 et l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que le recours subrogatoire de l'Etat en remboursement des prestations qu'il a versées s'exerce dans les limites de l'indemnité qui répare le préjudice économique subi par les ayants droit de la victime du fait du décès de celle-ci ;
Attendu que pour condamner Groupama d'Oc à payer à l'AJT la totalité de la créance invoquée au titre de prestations versées par l'Etat au profit de M. X... à la suite du décès de Mme Y..., agent de l'Education nationale, l'arrêt énonce, par motifs propres, que les divers postes de cette créance viennent s'imputer sur les indemnités soumises à recours et que les prétentions dirigées par l'appelante contre l'AJT "ne sauraient prospérer", et, par motifs adoptés, que la demande de l'AJT, non contestée, étant entièrement fondée en droit tant en son principe qu'en son montant, le "préjudice" subi par l'Etat s'élève à la somme de 308 689,22 francs que doit payer Groupama d'Oc ; que par ailleurs, en raison du recours de l'Etat, il ne revient rien à M. X... au titre de son préjudice économique lié au décès de sa mère, dont le montant est arrêté par les parties à la somme de 93 528 francs outre des frais funéraires pareillement fixés à 12 166 francs ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'assiette du recours de l'Etat était inférieure au montant de la créance invoquée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Vu les articles 31 et 33, alinéa 3, de la loi du 5 juillet 1985, ensemble l'article 1382 du Code civil ;
Attendu, selon le second de ces textes, que lorsqu'il est prévu par contrat, le recours subrogatoire de l'assureur qui a versé à la victime une avance sur indemnité du fait de l'accident peut être exercé contre l'assureur de la personne tenue à réparation dans la limite du solde subsistant après paiement aux tiers visés à l'article 29, ce solde comprenant non seulement, le cas échéant, l'indemnité complémentaire pouvant revenir aux ayants droit au titre de la réparation de leur préjudice économique mais encore la part des indemnités de caractère personnel échappant au recours des tiers payeurs ;
Attendu que pour condamner Groupama d'Oc à rembourser à la compagnie Axa la somme de 49 563 francs représentant le solde réclamé au titre d'un contrat souscrit par Mme Y..., l'arrêt énonce que ce remboursement "doit porter sur l'indemnisation allouée à la victime au titre du préjudice moral et du préjudice économique" ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors, d'une part, qu'il ressortait des conclusions des parties que la créance de la compagnie Axa, d'un montant total de 308 689,22 francs, avait été partiellement couverte par le règlement, à l'initiative du Groupama d'Oc, d'une somme de 220 000 francs représentant le montant de l'indemnité réparant le préjudice moral subi par M. X... à la suite du décès de sa mère, d'autre part, qu'elle constatait, par ailleurs, que l'indemnité de 93 528 francs réparant le préjudice économique subi par M. X... à la suite de ce décès était entièrement absorbée par la créance de l'Etat, tiers payeur subrogé, ce dont il résultait qu'aucun solde subsistant ne permettait ce remboursement supplémentaire, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions condamnant Groupama d'Oc à payer à l'agent judiciaire du Trésor la somme de 308 689,22 francs et à rembourser à la compagnie Axa la somme de 49 563 francs, l'arrêt rendu le 6 juin 2000, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de Groupama d'Oc, de l'agent judiciaire du Trésor et de la compagnie d'assurances Axa ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille trois.