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21/01/2003 | FRANCE | N°99-11386

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 21 janvier 2003, 99-11386


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° W 99-11.386 et Y 99-12.929 qui attaquent le même arrêt ;

Attendu que la société Azur diffusion crémerie (ADC), créée en 1984, a assigné son expert-comptable, la société Campanella, en lui reprochant d'être responsable de la remise en cause par l'administration fiscale de l'exonération des bénéfices dont elle avait cru pouvoir bénéficier pour les exercices 1985, 1986 et 1987 en vertu de l'article 44 quater du Code général des impôts ;

que la société Campanella a appelé en garantie son assureur, la société la Mutuelle d...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° W 99-11.386 et Y 99-12.929 qui attaquent le même arrêt ;

Attendu que la société Azur diffusion crémerie (ADC), créée en 1984, a assigné son expert-comptable, la société Campanella, en lui reprochant d'être responsable de la remise en cause par l'administration fiscale de l'exonération des bénéfices dont elle avait cru pouvoir bénéficier pour les exercices 1985, 1986 et 1987 en vertu de l'article 44 quater du Code général des impôts ; que la société Campanella a appelé en garantie son assureur, la société la Mutuelle du Mans assurances IARD (la Mutuelle du Mans) ; que, par l'arrêt attaqué, la cour d'appel, ayant estimé que la société Campanella avait commis deux fautes professionnelles pour avoir, d'une part, déposé tardivement les déclarations fiscales de sa cliente et, d'autre part, omis d'attirer son attention sur le fait qu'elle n'était peut-être pas une entreprise nouvelle au sens de l'article 44 précité, l'a condamnée à indemniser la société ADC, avec la garantie de la Mutuelle du Mans ;

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Sur le premier moyen du pourvoi n° W 99-11 386 formé par la société ADC :

Attendu que la société ADC fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement sur le principe de la responsabilité et de n'avoir retenu qu'une responsabilité partielle à hauteur de la somme de 50 000 francs alors, selon le moyen, que la cour d'appel ne pouvait, sans contradiction, confirmer le jugement sur le principe de la responsabilité -ce qui incluait une responsabilité totale pour dépôt tardif des déclarations de résultat et impliquait réparation intégrale du préjudice subi en raison de cette faute- et limiter par ailleurs la réparation aux seules conséquences de la violation du devoir de conseil et donc à une responsabilité partielle ;

qu'ainsi l'arrêt n'est pas justifié au regard de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant, à l'instar des premiers juges, retenu à la charge de la société d'expertise-comptable des fautes de nature à engager sa responsabilité civile à l'égard de la société ADC, c'est sans se contredire qu'après avoir relevé cette convergence d'appréciation quant au "principe de la responsabilité", la cour d'appel a exclu une partie du préjudice retenu par les premiers juges, dépourvu selon elle de lien de causalité avec ces fautes ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses quatre branches, du pourvoi n° W 99-11.386 :

Attendu que la société ADC reproche aussi à l'arrêt d'avoir limité à 50 000 francs l'appréciation de ce préjudice alors, selon le moyen :

1 / que dès lors qu'il résultait des termes du jugement du tribunal administratif de Nice du 12 octobre 1995, confirmé par arrêt du 4 février 1998 de la cour administrative d'appel de Lyon, que le bénéfice de l'exonération prévue à l'article 44 quater du Code général des impôts avait été refusé à la société ADC au seul motif de la tardiveté de la déclaration de résultat, sans que les juridictions administratives se soient prononcées sur le motif pris de ce que la société ADC n'aurait pas été une entreprise nouvelle, la cour d'appel ne pouvait juger non établie l'existence d'un lien de causalité certain et direct entre le dépôt tardif des déclarations de résultat par la société Campanella et le paiement de l'imposition, sans méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1147 du Code civil ;

2 / qu'en se bornant à énoncer que le mal fondé du motif, tiré du fait que la société ADC n'aurait pas été une entreprise réellement nouvelle, n'aurait pas été établi, alors qu'il appartenait à la société Campanella, en défense au moyen tiré du rejet de la demande d'exonération par les juridictions administratives sur le seul fondement de la tardiveté du dépôt des déclarations de résultat, d'établir le bien-fondé de ce motif, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve, violant l'article 1315 du Code civil et n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil ;

3 / qu'en ne recherchant pas si, en tout état de cause, la société ADC n'avait pas été privée d'une chance de voir le moyen tiré du fait qu'elle n'aurait pas été une entreprise réellement nouvelle non soutenu par l'administration fiscale ou non retenu par les juridictions administratives, la cour d'appel a privé sa décision de tout fondement légal au regard de l'article 1147 du Code civil ;

4 / qu'enfin, à ce dernier égard, la société ADC avait invoqué les termes d'une lettre de l'administration fiscale en date du 28 avril 1992, envisageant une solution bienveillante sur la question de savoir si la société ADC était une entreprise nouvelle au sens de l'article 44 du Code général des impôts, mais écartant cette solution en raison des retards dans les déclarations de résultat ; qu'en ne recherchant pas si le contenu de cette lettre n'impliquait pas à tout le moins l'existence d'une chance sérieuse perdue de voir l'administration, s'il n'y avait pas eu des retards de déclarations imputables à la société Campanella, renoncer au contrôle fiscal, ou le juge écarter les prétentions de l'administration, la cour d'appel a privé sa décision de tout fondement légal au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que c'est par une appréciation souveraine des éléments de la cause et sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel a pu estimer que, faute par la société ADC d'établir que les impôts réclamés au titre de la perte du régime de faveur institué par l'article 44 quater du Code général des impôts n'étaient pas dus, il n'existait pas de lien de causalité entre les fautes retenues et les impôts, majorations et intérêts moratoires qu'elle avait dû payer à la suite de son redressement fiscal ;

Attendu, en second lieu, qu'il ne résulte pas des conclusions déposées en cause d'appel par la société ADC que celle-ci ait invoqué la perte d'une chance ;

D'où il suit que, nouveau et mélangé de fait en ses deux dernières branches, le moyen est irrecevable pour partie et mal fondé pour le surplus ;

Et sur le moyen unique, pris en sa première branche du pourvoi n° Y 99-12.929 formé par la Mutuelle du Mans assurances IARD, tel qu'énoncé au mémoire en demande et reproduit en annexe au présent arrêt :

Attendu que le grief, qui se fonde sur une erreur matérielle résultant de la substitution des initiales de la société Azur diffusion crémerie au nom de la société d'expertise comptable Campanella, est dépourvu de tout fondement ;

Mais sur la deuxième branche du même moyen :

Vu l'article 4, alinéa 3, des conditions minimales d'assurance de la responsabilité professionnelle des experts comptables et comptables agréés, figurant en annexe du décret n° 81-445 du 7 mai 1981 applicable en la cause ;

Attendu que, pour décider que la Mutuelle du Mans assurances devait garantir les conséquences pécuniaires de la responsabilité professionnelle de la société d'expertise comptable Campanella, l'arrêt attaqué retient que le versement des primes par cette société, pour la période se situant entre la prise d'effet du contrat d'assurance et son expiration avait pour contrepartie la garantie des dommages trouvant leur origine dans un fait survenu pendant cette période ;

Qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le texte susvisé ;

Et sur la troisième branche du même moyen :

Vu l'article 1315 du Code civil ;

Attendu que, pour statuer comme elle l'a fait, la cour d'appel a également retenu que la Mutuelle du Mans assurances ne justifiait pas que la société d'expertise comptable Campanella avait accepté la clause limitant la garantie aux réclamations formulées entre la date de prise d'effet et celle d'expiration de la police, en sorte que cette clause ne lui était pas opposable ;

Attendu, cependant, que dès lors qu'elle avait constaté que l'existence du contrat d'assurance de la responsabilité professionnelle de la société d'expertise comptable n'était pas contestée, ce dont il résultait qu'étaient au moins applicables les conditions minimales de cette garantie, telles qu'elles étaient prévues par voie réglementaire, de sorte qu'il incombait à l'assuré, qui l'invoquait, de justifier qu'il avait contracté à des conditions plus avantageuses, la cour d'appel, en se déterminant comme elle l'a fait, a inversé la charge de la preuve et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions condamnant la Mutuelle du Mans assurances à garantir la société d'expertise comptable Campanella des condamnations prononcées à son encontre au profit de la société Azur diffusion crémerie, l'arrêt rendu le 4 décembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne la société ADC aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 99-11386
Date de la décision : 21/01/2003
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

(Sur le 2e moyen, 2e branche) EXPERTS COMPTABLES ET COMPTABLES AGREES - Responsabilité - Assurance - Contrat type - Conditions minimales d'assurance - Portée.


Références :

Décret 81-445 du 07 mai 1981 annexe, art. 4 (conditions d'assurance des experts comptables et comptables agréés)

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence (8e chambre B), 04 décembre 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 21 jan. 2003, pourvoi n°99-11386


Composition du Tribunal
Président : Président : M. LEMONTEY

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:99.11386
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