La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/01/2003 | FRANCE | N°01-12026

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 janvier 2003, 01-12026


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 mars 2001) que, le 3 février 1986, une convention a été passée entre la Ville de Puteaux et le cabinet Edgar Quinet (le cabinet) aux termes de laquelle ce promoteur immobilier s'engageait notamment à réaliser, sur un terrain situé sur le territoire de la commune, un bâtiment, ainsi qu'un passage privé ouvert au public reliant deux voies publiques, et à accorder à la ville la jouissance perpétuelle, gratuite et exclusive d

e 100 boxes situés dans les sous-sols de l'immeuble à édifier ; qu'il étai...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 mars 2001) que, le 3 février 1986, une convention a été passée entre la Ville de Puteaux et le cabinet Edgar Quinet (le cabinet) aux termes de laquelle ce promoteur immobilier s'engageait notamment à réaliser, sur un terrain situé sur le territoire de la commune, un bâtiment, ainsi qu'un passage privé ouvert au public reliant deux voies publiques, et à accorder à la ville la jouissance perpétuelle, gratuite et exclusive de 100 boxes situés dans les sous-sols de l'immeuble à édifier ; qu'il était notamment précisé que les droits et obligations résultant de cette convention ne pourraient être cédés par le cabinet qu'avec "l'accord exprès et préalable de la Ville" ;

que, par décision du 4 août 1986, le permis de construire a été accordé au cabinet ; que, par acte authentique du 23 décembre 1986, reprenant intégralement le texte de la convention, le cabinet a vendu en l'état futur d'achèvement divers lots constitués d'emplacements pour des véhicules automobiles, locaux techniques et garages d'une part, à la société civile du Quai de Dion X..., et, d'autre part, à la société de développement de produits et de services (SDPS) ; que la SCI Quai de Dion Bouton, devenue la SNC Quai de Dion Bouton a ultérieurement apporté, lors d'un traité de fusion, les biens immobiliers en cause à la société rochefortaise de communication devenue la SA SR Téléperformance ; que, par acte du 1er mars 1996, ces deux sociétés ont fait assigner le cabinet et la Ville devant le tribunal de grande instance de Nanterre, aux fins, notamment, de voir prononcer la nullité de la convention du 3 février 1986, au moins en ses clauses 4 et 7 relatives à la jouissance des boxes ainsi que celle de l'acte de vente reproduisant la dite convention, et d'ordonner l'expulsion de la ville des lots litigieux ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que la commune de Puteaux fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'exception d'incompétence du juge judiciaire soulevée par elle, alors que la compétence du juge administratif pour connaître d'un contrat entre une personne publique et une personne privée est notamment déterminée par la présence dans ce contrat de clauses exorbitantes du droit commun de sorte que la cour d'appel de Versailles qui, pour rejeter l'exception d'incompétence, n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si l'obligation pour le cabinet Edgar Quinet d'obtenir l'autorisation préalable et expresse de la commune pour la cession des droits et obligations résultant de la convention du 3 février 1986 ne constituait pas une telle clause, n'a pas justifié légalement sa décision au regard de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III ;

Mais attendu que la cour d'appel, après avoir rappelé exactement que les clauses exorbitantes du droit commun sont celles conférant aux parties des droits ou mettant à leur charge des obligations étrangers par leur nature à ceux qui sont susceptibles d'être librement consentis par quiconque dans le cadre des lois civiles ou commerciales, a constaté que la convention litigieuse ne comportait pas de telles clauses et que les obligations mises à la charge du cabinet n'avaient pas pour fondement les prérogatives de puissance publique de la commune ;

qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal :

Attendu que la commune reproche encore à l'arrêt d'avoir constaté la nullité des seuls articles 4 et 7 de la convention du 3 février 1986, prononcé la nullité des dispositions de l'acte de vente en l'état futur d'achèvement du 23 décembre 1986, reprenant les articles précités, ainsi que celle du même acte intitulée "propriété-jouissance" énonçant que la jouissance des lots numéros 61 à 85, 93 à 103, 147 à 183, lui serait remise gracieusement alors qu'il appartient aux juges du fond saisis d'une action en nullité pour cause illicite, de rechercher la cause impulsive et déterminante à l'origine de la convention de sorte que la cour d'appel de Versailles qui s'est bornée à envisager la mise à disposition d'emplacements de stationnement sans rechercher si l'objectif de réalisation d'un passage piétonnier entre la rue Jean Jaurès et le quai de Dion Bouton et l'objectif de préserver l'harmonie architecturale du quartier notamment par la réduction de la hauteur du bâtiment à construire ne constituaient par la cause impulsive et déterminante de la convention passée entre la commune de Puteaux et le Cabinet Edgar Quinet, a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard des articles 1131 et 1161 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que la mise gratuite à la disposition de la ville d'emplacements de parking en contre-partie de la délivrance du permis de construire, avait été obtenue en violation des dispositions limitatives de l'article L. 332-6 du Code de l'urbanisme, de sorte qu'elle devait être réputée sans cause en application du dernier alinéa de ce texte ; que le moyen pris du manque de base légale au regard de l'article 1131 du Code civil et qui donc s'attaque à l'intégralité de l'acte est dès lors inopérant ;

Sur le troisième moyen du pourvoi principal :

Attendu que la commune reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à la condamnation des sociétés SR Téléperformance et SNC Quai de Dion Bouton, en application de la théorie de l'enrichissement sans cause à lui rembourser le prix des parkings et à celle, subsidiairement, du cabinet à l'indemniser de la perte résultant pour elle de l'annulation des droits qui lui avaient été consentis par la convention du 3 février 1986, alors que l'article 1371 du Code civil autorise à engager une action fondée sur la théorie de l'enrichissement sans cause dans le cas d'une faute résultant d"une négligence ou d'une imprudence de sorte que la cour d'appel qui n'a pas recherché si la faute de la commune de Puteaux ne constituait pas une négligence ou une imprudence, a privé son arrêt d'un défaut de base légale au regard des dispositions de cet article ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que la commune s'était fait concéder irrégulièrement un droit de jouissance sur des lots litigieux en contrepartie de la délivrance du permis de construire après modification du plan d'occupation des sols ; qu'elle a ainsi caractérisé une faute non réductible à une simple négligence ou imprudence ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi provoqué du Cabinet Edgar Quinet, pris en ses deux branches :

Attendu que la cabinet Edgar Quinet fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en enrichissement sans cause dirigée contre les sociétés SR Téléperformance et Quai de Dion Bouton, alors, selon le moyen, d'une part, que la cour d'appel a constaté que les sociétés SR Téléperformance et Quai de Dion Bouton avaient acquis l'immeuble situé 5 bis, ... et ... pour elles de laisser la jouissance de certains lots à la commune de Puteaux ; que cette charge imposée aux acquéreurs avait nécessairement été prise en compte dans le prix de vente en diminuant d'autant la valeur de l'immeuble acquis par rapport à un immeuble libre de tout droit de jouissance à titre gratuit ; qu'en estimant qu'il n'était pas démontré que le prix payé par les acquéreurs aurait été minoré du fait de la jouissance gratuite consentie à la ville, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 1371 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'en déboutant la société Edgar Quinet au motif que celle-ci aurait contribué de manière fautive à la réalisation de son appauvrissement, sans

rechercher si, pour autant, la société devait nécessairement être privé de toute indemnité, ce qui n'était pas le cas, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1371 du Code civil ;

Mais attendu que le moyen se heurte à la constatation souveraine de la cour d'appel, selon laquelle, le cabinet n'ayant pas été en mesure de démontrer que le prix payé par les appelants aurait été minoré du fait de la jouissance consentie à la commune, la preuve de l'enrichissement de ces deux sociétés n'était pas rapportée, ce dont il résultait que celle de l'appauvrissement du cabinet ne l'était pas davantage ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses deux branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et provoqué ;

Laisse tant à la Commune de Puteaux qu'au Cabinet Edgar Quinet la charge des dépens afférents à leur pourvoi respectif ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne in solidum la Commune de Puteaux et le Cabinet Edgar Quinet à payer à la SNC Le Quai de Dion Bouton la somme de 1 500 euros ;

condamne la Commune de Puteaux à payer la somme de 1 500 euros à la société Téléperformance, rejette la demande du Cabinet Edgar Quinet ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 01-12026
Date de la décision : 14/01/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

(Sur le premier moyen) SEPARATION DES POUVOIRS - Critère de distinction entre les deux ordres de juridiction - Existence de clauses exorbitantes du droit commun - Définition de ces clauses.

(Sur le 3e moyen) ENRICHISSEMENT SANS CAUSE - Cas - Action fondée sur un enrichissement résultant d'une négligence ou d'une imprudence - Exclusion en cas de faute non réductible à une simple négligence ou imprudence.


Références :

Code civil 1371
Loi du 16 août 1790
Loi du 24 août 1790

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles (3e Chambre civile), 23 mars 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 14 jan. 2003, pourvoi n°01-12026


Composition du Tribunal
Président : Président : M. LEMONTEY

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:01.12026
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award