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14/01/2003 | FRANCE | N°00-22082

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 janvier 2003, 00-22082


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 septembre 2000) que la Banque de l'union occidentale (la BUO) avait ouvert un compte à la société Technique et participation (la société TP) ;

que par acte sous seing privé du 21 décembre 1990, Mme Béatrice X..., épouse du dirigeant, s'est portée caution solidaire de tous engagements de la société TP à concurrence de la somme de 1 800 000 francs ; que par acte authentique du 9 juillet 1992, l

a BUO a consenti à cette société, pour une durée de 6 ans, un crédit de 2 000 000...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 septembre 2000) que la Banque de l'union occidentale (la BUO) avait ouvert un compte à la société Technique et participation (la société TP) ;

que par acte sous seing privé du 21 décembre 1990, Mme Béatrice X..., épouse du dirigeant, s'est portée caution solidaire de tous engagements de la société TP à concurrence de la somme de 1 800 000 francs ; que par acte authentique du 9 juillet 1992, la BUO a consenti à cette société, pour une durée de 6 ans, un crédit de 2 000 000 francs garanti par un cautionnement hypothécaire sur des immeubles appartenant aux époux X... ; que le 25 mai 1994, la BUO a dénoncé ses concours ; que le 13 juin 1994, elle a cédé son fonds de commerce de banque à la société Banque Worms (la Banque Worms) ;

que le 29 mai 1996, cette dernière a mis en demeure la société TP de lui régler diverses sommes au titre du découvert en compte courant et du crédit "moyen terme" ; que cette demande étant demeurée vaine, elle a assigné la société TP et Mme X... aux mêmes fins ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer sur la demande la Banque Worms dans l'attente de l'issue de la plainte avec constitution de partie civile qu'elle avait déposée contre la banque alors, selon le moyen, qu'en se bornant à cette affirmation péremptoire, sans s'expliquer sur les raisons pour lesquelles la décision pénale à intervenir suite à la plainte formée par Mme X... contre la Banque Worms pour faux, usage de faux et tentative d'escroquerie au jugement ne serait pas susceptible d'influer sur la solution de l'instance civile dont elle était saisie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 4 du Code de procédure pénale ;

Mais attendu que Mme X... faisait valoir qu'au cours de l'instance civile, la banque, qui s'était refusée à lui communiquer l'acte de cession du fonds de commerce de la BUO, avait produit diverses attestations censées en rapporter le contenu ; qu'elle soutenait qu'ayant pu se procurer elle-même l'acte de cession, qu'elle avait produit aux débats, elle avait constaté que les attestations en avaient dénaturé le contenu, de manière à valider l'argumentaire de la banque, et prétendait que ces agissements constituaient divers délits dont elle avait saisi le juge d'instruction ; qu'elle demandait à la cour d'appel de surseoir à statuer au motif que cette plainte, étroitement liée à l'instance civile, était de nature à influer sur la solution du litige ; qu'en l'état d'une telle demande, la cour d'appel, qui s'apprêtait à statuer, non sur les attestations visées par la plainte, mais sur l'acte de cession lui-même, a légalement justifié sa décision en relevant "qu'aux termes de la plainte avec constitution de partie civile déposée par Béatrice X..., la procédure pénale engagée sur ladite plainte n'apparaît pas susceptible d'avoir une incidence sur l'issue du présent litige" ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses trois premières branches :

Attendu que Mme X... fait aussi grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la Banque Worms, venant aux droits de la BUO, diverses sommes au titre du découvert en compte courant et du crédit à moyen terme, avec les intérêts au taux légal à compter du 29 mai 1996, date de la mise en demeure, alors, selon le moyen :

1 ) que, comme elle le rappelait dans ses conclusions, l'article 10 du contrat, intitulé "Transfert du portefeuille de crédit cédé", stipulait "10.1 L'acheteur verse au vendeur ... une somme égale au montant nominal, à la date de la cession, des créances figurant dans le Portefeuille de Crédit Cédé... 10.2 : Concomitamment au paiement du Prix de Cession des Crédits par l'Acheteur, le Vendeur le subrogera dans tous les droits et actions du Vendeur à l'encontre des Débiteurs Cédés, conformément à l'article 1250, 1 , du Code civil. 10.3 : Concomitamment au paiement du Prix de Cession des Crédits, le Vendeur émettra en faveur de l'Acheteur, une quittance subrogative conforme en substance au modèle figurant en annexe VI" ; que la volonté des parties de procéder à une subrogation et non pas à une cession de créances ressortait donc clairement de ces stipulations et qu'à cet égard, la communication de l'annexe VI au contrat, ne comportant, selon l'article 10.3 précité, qu'un modèle de quittance subrogative, se révélait inopérante ; qu'en déduisant des seuls faits que les soldes débiteurs des comptes ouverts par la société TP dans les livres de la BUO figuraient à l'annexe III "Portefeuille de crédits cédés" et que Mme X... n'ait pas avancé les frais de constat relatif à l'annexe VI, l'existence d'une cession de créances corrélative à la cession globale de fonds de commerce, la cour d'appel n'a pas donné de fondement légal à sa décision au regard des articles 1250 et 1689 du Code civil ;

2 ) que les créances commerciales ne deviennent pas des éléments constitutifs du fonds de commerce et que la vente globale de ce fonds n'opère donc pas en elle-même transfert des dites créances à l'acheteur ; que par suite, en énonçant qu'en vertu de l'acte de cession du fonds de commerce du 13 juin 1994, la Banque Worms intervient dans le cadre d'une cession globale de fonds de commerce et de la cession de créances "corrélative", la cour d'appel a violé l'article 1690 du Code civil, ensemble l'article 1er de la loi du 17 mars 1909 ;

3 ) que le cautionnement souscrit au profit d'un créancier ne peut être étendu en faveur d'un tiers auquel le premier a cédé ses droits à défaut de manifestation de volonté de la part de la caution de s'engager envers le nouveau créancier ; qu'en se fondant sur de simples correspondances échangées entre les parties, dont le contenu n'est au demeurant pas précisé, ainsi que sur des paiements effectués par Mme X... au profit de la Banque Worms, lesquels pouvaient s'expliquer par le fait, invoqué par les conclusions de l'intéressée, qu'elle était personnellement cliente de ladite Banque depuis de nombreuses années, et ce bien avant la cession litigieuse (p.l6), la cour d'appel n'a pas caractérisé une manifestation non équivoque de volonté de la part de Mme X... d'étendre le cautionnement donné en faveur de la BUO à la Banque Worms, et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 2015 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient qu'aux termes du contrat du 13 juin 1994, la BUO a cédé à la Banque Worms son fonds de commerce et l'ensemble du portefeuille de prêts consentis à ses clients et de dépôts divers effectués par les clients de la BUO dans les livres de cette dernière avec transfert des comptes bancaires de la BUO à la Banque Worms, qu'à ce contrat étaient annexés un document intitulé "annexe III" comportant la liste des créances cédées au titre du portefeuille de crédits, ainsi qu'une quittance subrogative ; que les juges observent que les soldes débiteurs des comptes ouverts par la société TP dans les livres de la BUO figurent à l'annexe III, au titre des créances cédées, et que, si Mme X... a obtenu la désignation d'un huissier pour vérifier si la créance de la banque sur la société TP figurait dans la quittance subrogative constituant l'annexe VI du contrat de cession, elle s'est abstenue d'effectuer les démarches, qui lui incombaient, nécessaires à la mise en oeuvre de ce constat ; que, de ces constatations et énonciations, déduites de l'interprétation du contrat à laquelle elle a dû procéder en présence de clauses renvoyant tant aux dispositions de l'article 1250 qu'à celles de l'article 1690 du Code civil, et de son appréciation des éléments de preuve produits, la cour d'appel a déduit, non que la cession du fonds de commerce avait entraîné, par elle-même, le transfert des créances au profit de l'acheteur, mais que la société BUO avait cédé à la Banque Worms, outre son fonds de commerce de banque, les créances qu'elle détenait sur la société TP ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

Attendu, en second lieu, qu'une créance cédée dans le respect des dispositions de l'article 1690 du Code civil est transmise au cessionnaire avec tous ses accessoires, y compris le cautionnement, indépendamment de toute manifestation de volonté de la caution en ce sens ; qu'ayant retenu que les créances de la BUO sur la société TP avaient été cédées à la Banque Worms, la cour d'appel qui devait seulement rechercher, ainsi qu'elle l'a fait, si les formalités de l'article 1690 avaient été accomplies, n'était pas tenue de procéder à la recherche visée à la troisième branche, que sa décision rendait inopérante ;

D'où il suit qu'inopérant en ses deuxième et troisième branches, le moyen n'est pas fondé en sa première ;

Sur le même moyen, pris en sa quatrième branche :

Attendu que Mme X... fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que l'acte du 9 juillet 1992 par lequel un cautionnement hypothécaire garantissait le crédit à moyen terme de 2 millions de francs stipulait que l'engagement des époux X... était strictement limité aux biens hypothéqués, l'action de la banque ne pouvant s'exercer sur d'autres biens ; que cette stipulation limitant l'engagement des cautions à la valeur des biens hypothéqués était incompatible avec un cautionnement illimité et n'aurait eu aucun sens si ce crédit avait été garanti également par le cautionnement général donné par les époux X... le 21 décembre 1990 ; qu'en se fondant sur le seul fait qu'à la lettre, l'acte de 1992 ne comportait pas de renonciation de la Banque au cautionnement général donné en 1990, pour décider que le crédit à moyen terme était également garanti par ce cautionnement général, la cour d'appel a violé l'article 2015 du Code civil ;

Mais attendu que la stipulation d'un cautionnement garantissant une dette particulière, selon laquelle l'engagement de la caution est limité à la valeur des biens donnés en hypothèque, n'est pas incompatible avec le cautionnement personnel antérieurement consenti, à concurrence d'un certain montant, par la même personne pour tous les engagements du même débiteur envers le créancier ; que la cour d'appel, qui a relevé qu'il ne résultait pas de l'acte de cautionnement hypothécaire du 9 juillet 1992 que la banque avait entendu renoncer au cautionnement solidaire de l'ensemble des engagements de la société TP au profit d'un cautionnement hypothécaire souscrit en garantie du seul crédit à moyen terme, en a déduit à bon droit que la novation n'était pas démontrée et que le cautionnement donné le 21 décembre 1990, à concurrence de 1 800 000 francs, demeurait valable ; que le grief n'est pas fondé ;

Et sur le même moyen, pris en sa cinquième branche :

Attendu que Mme X... fait le même reproche à l'arrêt alors, selon le moyen, que l'absence de contestation des "tickets d'agios" ne vaut pas renonciation à agir et que Mme X... soutenait que l'inscription des intérêts sur le prêt à moyen terme au débit du compte courant avait eu pour effet de majorer le taux des intérêts convenu pour ce prêt, soit 13,5 % ; qu'en effet, alors que la convention du 9 juillet 1992 prévoyait une capitalisation seulement annuelle des intérêts, ces intérêts s'étaient trouvés capitalisés tous les trimestres, et aussitôt productifs d'intérêts au taux du découvert en compte soit 15 %, de sorte que, du fait de leur report sur le compte courant, les intérêts dus sur le crédit à moyen terme se trouvaient capitalisés quatre fois par an au lieu d'une seule fois et générateurs au surplus, à chaque trimestre, d'intérêts au taux de 15 % au lieu de 13 % ; qu'en s'abstenant de toute recherche sur ce point au seul prétexte que l'intéressée n'aurait pas à l'époque contesté les tickets d'agios dressés à chaque trimestre pour le compte courant, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que les intérêts trimestriels du prêt, qui étaient prélevés sur le compte courant de la société, faisaient l'objet de "tickets d'agios", adressés trimestriellement à la société TP, qui indiquaient le montant des intérêts débiteurs, leur mode de calcul, le solde en capital et le taux effectif global, les intérêts relatifs au crédit à moyen terme étant distincts de ceux relatifs au solde débiteur du compte courant, et que la société TP ne les a jamais contestés ; qu'en l'état de ces constatations, d'où il résulte que les opérations que ces documents constataient avaient été acceptées par le titulaire du compte, la cour d'appel a légalement justifié sa décision déclarant la Banque Worms fondée à réclamer le paiement du solde débiteur de ce compte ; que le grief n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 00-22082
Date de la décision : 14/01/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CAUTIONNEMENT - Etendue - Accessoires de la dette cautionnée - Cession de créance.

CAUTIONNEMENT - Etendue - Engagement au profit d'une banque - Cautionnements successifs - Novation (non).

CAUTIONNEMENT - Etendue - Intérêts du capital cautionné - "Tickets d'agios" - Constatations suffisantes.


Références :

Code civil 1134, 1690 et 2015

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles (16e chambre civile), 28 septembre 2000


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 14 jan. 2003, pourvoi n°00-22082


Composition du Tribunal
Président : Président : M. DUMAS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:00.22082
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