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14/01/2003 | FRANCE | N°00-20852

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 janvier 2003, 00-20852


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Nancy, 29 mars 2000), que la société française Nordon et compagnie (société Nordon) a sous-traité à la société de droit allemand Hermann Rappold et compagnie GmbH (Société Raco) les prestations relatives à l'étude, la construction et la livraison des équipements nécessaires à la désulfuration de deux centrales thermiques qu'elle-même devait

réaliser pour le compte de la société EDF et qu'elle s'engageait à lui régler par aco...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Nancy, 29 mars 2000), que la société française Nordon et compagnie (société Nordon) a sous-traité à la société de droit allemand Hermann Rappold et compagnie GmbH (Société Raco) les prestations relatives à l'étude, la construction et la livraison des équipements nécessaires à la désulfuration de deux centrales thermiques qu'elle-même devait réaliser pour le compte de la société EDF et qu'elle s'engageait à lui régler par acomptes successifs selon un échéancier où il était précisé que l'ultime fraction de 5 % due au titre de chacune des phases de travaux pouvait faire l'objet d'une retenue au-delà de la mise en service industriel, sauf fourniture, par le sous-traitant, d'une garantie autonome ; que d'ordre de ce dernier, la banque allemande société BHF Bank Aktiengesellschaft (Banque BHF) a, par acte du 1er septembre 1997, accordé à la société Nordon sa garantie à première demande pour paiement d'une somme maximum de 415 060 francs, représentant le montant de la retenue de garantie ; que la société Nordon a appelé cette garantie en se prévalant d'inexécutions contractuelles de son sous-traitant ; qu'alléguant que cet appel était abusif dès lors que la retenue de 5 % ne lui avait pas été payée, la société Raco a saisi le juge des référés pour qu'il interdise à la Banque BHF de verser la somme réclamée ;

Attendu que la société Raco fait grief à l'arrêt du rejet de ses prétentions, alors, selon le moyen :

1 / que, selon les propres constatations de l'arrêt, la garantie à première demande avait été souscrite par la BHF Bank conformément à l'article K in fine des spécifications contractuelles et était la réplique exacte, à la virgule et au mot près, du modèle contractuel imposé par ledit article ; que l'article K des spécifications contractuelles, relatif aux conditions de facturation, prévoyait, pour chaque prestation qu'elle réaliserait le paiement d'acomptes à hauteur de 95 % et d'un solde de 5 % payable à la mise en service industriel ; qu'il précisait in fine que "les termes de 5 % payables à la mise en service industriel sont payables contre garantie bancaire allant jusqu'à 36 mois après la mise en service industriel, suivant modèle n° 2 joint en annexe 2" ; qu'ainsi, il résultait des termes clairs et précis de la clause K in fine des spécifications contractuelles que la garantie à première demande exigée avait pour objet de couvrir la société Nordon des risques du paiement du solde du paiement de 5 % du marché à son sous-traitant au moment de la mise en service industriel de l'ouvrage, ce qui impliquait nécessairement que sa mise en oeuvre se trouvait subordonnée à ce paiement ; qu'en déclarant au contraire, pour dire justifié l'appel de cette garantie avant le paiement du solde de 5 %, qu'il ne ressortait d'aucune pièce que la garantie à première demande litigieuse avait pour objet de garantir le remboursement de ces 5 % du marché que la société Nordon lui aurait au préalable payés à la mise en service industriel, la cour d'appel a dénaturé la clause susvisée, en violation de l'article 1134 du Code civil ;

2 / qu'en retenant que la garantie pouvait être mise en oeuvre dans l'hypothèse où, après le versement de 95 % du marché par la société Nordon et avant la mise en service industriel, cette mise en service industriel n'intervenait pas dans les conditions contractuellement prévues, bien qu'il résultât sans équivoque de l'article K in fine des spécifications contractuelles que la garantie à première demande litigieuse ne pouvait être mise en oeuvre qu'après le paiement par la société Nordon des 5 % du solde du marché au moment de la mise en service industriel, ce qui excluait qu'elle puisse être appelée avant cette mise en service industriel, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

3 / que les articles H et I des spécifications contractuelles définissaient l'objet, les conditions et délais des obligations contractuelles de garantie lui incombant en sa qualité de fournisseur, à savoir, comme l'a relevé la cour d'appel, l'obligation de conformité des ouvrages réalisés aux spécifications techniques et la garantie des vices apparents ou cachés ; qu'il était en outre stipulé à l'article I.5 desdites spécifications contractuelles qu'au cas où elle serait défaillante, l'exécution desdites obligations se trouvait garantie par la lettre d'engagement de la société Didier Werke, sa société-mère, de prendre à sa charge la bonne fin du contrat et les garanties contractuelles précitées ; que, cependant, les articles H et I ne prévoyaient aucune sûreté complémentaire, et en particulier aucune garantie bancaire, dans le cas où elle n'exécuterait pas ses obligations de délivrance conforme et de garantie des désordres apparents ou cachés affectant les ouvrages réalisés ; que dès lors, en déclarant que la garantie à première demande litigieuse couvrait aussi ses obligations envers la société Nordon au titre des garanties énoncées aux chapitres H et I du contrat, la cour d'appel a méconnu la loi des parties et a, encore, violé l'article 1134 du Code civil ;

4 / qu'à supposer même que la garantie à première demande litigieuse ait pu être mise en jeu au cas où elle manquait à ses obligations contractuelles relatives à l'exécution des travaux objet du marché de base, encore fallait-il que de tels manquements aient été établis par la société Nordon ; qu'il résultait au contraire des propres constatations de l'arrêt que la société Nordon n'établissait aucunement les manquements qu'elle lui imputait, une expertise judiciaire l'opposant, ainsi que la société Nordon, Raco et leurs autres partenaires sur l'imputabilité des désordres et les responsabilités encourues, étant en cours ; qu'en déclarant cependant que l'appel de la garantie par la société Nordon n'était pas manifestement abusif, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que s'il faisait référence, pour limiter la portée de l'engagement souscrit par la banque, au montant de la retenue de garantie prévue au contrat de base en ajoutant qu'elle n'avait pas été pratiquée, l'acte du 1er septembre 1997 indiquait aussi que l'établissement financier s'engageait irrévocablement et inconditionnellement envers la société Nordon à lui payer, dans cette limite, et sur sa seule affirmation de l'existence de manquements contractuels imputables au fournisseur Raco, la somme réclamée ; qu'en l'état de cette formulation de l'engagement litigieux, et alors que le bien-fondé de la thèse développée par la société Raco supposait de rechercher par l'analyse détaillée et l'interprétation du contrat de base quelle avait été la volonté commune des parties, l'arrêt en a exactement déduit qu'en tout état de cause, les conditions dans lesquelles la société Nordon avait appelé la garantie étaient exclusives de tout abus manifeste ; qu'indépendamment des motifs inopérants que critiquent les trois premières branches du moyen, l'arrêt, qui n'a pas violé le texte visé au moyen, a pu statuer comme il a fait ;

Et attendu, en second lieu, que la garantie litigieuse, étant, selon des motifs de l'arrêt que ne critique pas le pourvoi, une garantie autonome, indépendante du contrat de base, il en résultait que les conditions d'exécution de ce contrat et l'existence ou non des manquements allégués de la société Raco étaient dépourvues d'incidence pour l'appréciation des droits du bénéficiaire auquel aucune exception tirée de celles-ci n'était opposable ;

D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses trois premières branches, est mal fondé en sa quatrième ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Hermann Rappold et compagnie GmbH, dite Raco, aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 00-20852
Date de la décision : 14/01/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy (2e chambre commerciale), 29 mars 2000


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 14 jan. 2003, pourvoi n°00-20852


Composition du Tribunal
Président : Président : M. DUMAS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:00.20852
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