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19/12/2002 | FRANCE | N°00-13097

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 décembre 2002, 00-13097


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en ses deux branches :

Attendu que Jean X..., salarié de 1965 à 1993 des établissements Bonduel Textiles comme préparateur en colorants et magasinier droguiste, a déclaré, le 7 mars 1993, une maladie professionnelle prévue par le tableau 10-Ter ; qu'après avoir recueilli l'avis du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de Lille, la Caisse primaire d'assurance maladie a refusé de prendre en charge l'affection au tit

re des maladies professionnelles ; que le tribunal des affaires de sécurité s...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en ses deux branches :

Attendu que Jean X..., salarié de 1965 à 1993 des établissements Bonduel Textiles comme préparateur en colorants et magasinier droguiste, a déclaré, le 7 mars 1993, une maladie professionnelle prévue par le tableau 10-Ter ; qu'après avoir recueilli l'avis du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de Lille, la Caisse primaire d'assurance maladie a refusé de prendre en charge l'affection au titre des maladies professionnelles ; que le tribunal des affaires de sécurité sociale a, le 4 septembre 1997, fait procéder à une enquête administrative par la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales ; qu'il a, le 26 mars 1998, saisi en application de l'article R. 142-24-2 du Code de la sécurité sociale le CRRMP de Nancy avec mission de dire si la maladie avait pour origine

l'exposition professionnelle ; que ce comité a émis l'avis que si Jean X... a été incontestablement exposé à des poussières de bichromate de potassium, il a présenté un tabagisme non négligeable, et que le caractère multifactoriel du cancer du poumon ne permettait pas d'établir que cette affection avait été directement causée par le travail habituel ; que, le 18 mars 1999, le tribunal des affaires de sécurité sociale a dit que la maladie déclarée ne relevait pas de la législation professionnelle ; que la cour d'appel a infirmé ce jugement et accueilli la demande de Jean X... (Douai, 8 janvier 2000) ;

Attendu que la Caisse primaire d'assurance maladie et la société Bonduel Textiles reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen unique du pourvoi principal :

1 / qu'il résulte des dispositions de l'article L. 461-1, alinéa 5, du Code de la sécurité sociale que l'avis rendu par le CRRMP sur tous éléments d'ordre médical s'impose à la Caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L 315-2 ; qu'en remettant lui-même en cause les deux avis rendus en l'espèce par les comités de reconnaissance des maladies professionnelles du Nord et de Lorraine-Champagne-Ardennes quant à l'incidence respective du travail et du tabagisme de Jean X... sur l'apparition de l'affection litigieuse, la cour d'appel a violé par fausse application les textes susvisés ;

2 / qu'en statuant ainsi, et en ajoutant même que le tabagisme n'était pas l'unique cause de la maladie de Jean X..., la cour d'appel a tranché une difficulté d'ordre médical sans mettre en oeuvre la procédure d'expertise technique visée à l'article L 141-1 du Code de la sécurité sociale, qu'elle a donc violé par fausse application ainsi que l'article R 142-24 du même code ;

et alors, selon le moyen unique du pourvoi incident :

1 / que les avis rendus par les CRRMP sur les éléments d'ordre médical s'imposent à la Caisse ; qu'en remettant en cause les avis motivés donnés par les deux comités régionaux s'étant prononcés contre la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de Jean X..., la cour d'appel a violé les articles L. 461-1, L. 315-2 et R. 142-24-2 du Code de la sécurité sociale ;

2 / que lorsque le différend fait apparaître une difficulté d'ordre médical relative à l'état du malade ou de la victime d'une maladie professionnelle, les juges du fond ne peuvent statuer qu'après la mise en oeuvre de la procédure d'expertise médicale ; que constitue une question d'ordre médical la recherche du lien de causalité entre un risque professionnel et l'affection du salarié, a fortiori lorsqu'il s'agit de déterminer si l'affection est imputable au travail ou à une autre cause personnelle au salarié, préexistante ou concomitante à l'exposition au risque professionnel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait aucunement décider que le tabagisme avéré de Jean X... n'était pas la cause unique de sa maladie, sur la seule foi de certificats non contradictoires, sans diligenter l'expertise médicale obligatoire de l'article L. 141-1 du Code de la sécurité sociale ; qu'en retenant néanmoins le caractère professionnel de la maladie, au prétexte que le tabagisme n'était pas la cause unique de cette maladie, la cour d'appel a donc violé l'article L. 141-1 du Code de la sécurité sociale ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article R. 461-1, alinéa 3, du Code de la sécurité sociale que si une ou plusieurs des conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un des tableaux de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle a été directement causée par le travail habituel ; que ce texte n'exige pas que le travail habituel soit la cause unique ou essentielle de la maladie ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que Jean X... a été atteint d'un cancer pulmonaire prévu par le tableau 10-Ter, et que les conditions de celui-ci tenant au délai de prise en charge et à la durée de l'exposition aux bichromates alcalins sont remplies ;

Et attendu que l'arrêt retient que le Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Nancy a estimé que Jean X... avait été exposé de manière constante et habituelle au bichromate de potassium à l'occasion de ses fonctions, et qu'il présentait également des antécédents d'intoxication tabagique, de sorte que sa maladie avait une origine multifactorielle ; que la cour d'appel, sans remettre en cause l'avis du comité régional, a pu en déduire que la maladie de Jean X... a été directement causée par son travail habituel dans les conditions prévues par l'article L. 461-3 du Code de la sécurité sociale ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Bonduel Textiles ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille deux.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 00-13097
Date de la décision : 19/12/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Maladies professionnelles - Origine professionnelle - Conditions - Lien de causalité - Travail habituel - Cause unique ou essentielle - Nécessité (non) .

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Maladies professionnelles - Tableaux annexés au décret du 31 décembre 1946 - Tableau 10 ter (cancer broncho-pulmonaire primitif) - Application - Conditions - Défaut - Portée

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Maladie du salarié - Accident du travail ou maladie professionnelle - Maladie professionnelle - Origine professionnelle - Condition

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Maladies professionnelles - Origine professionnelle - Conditions - Lien de causalité - Travail habituel - Applications diverses - Maladie d'origine multifactorielle

Il résulte de l'article L. 461-1, alinéa 3, du Code de la sécurité sociale que si une ou plusieurs des conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un des tableaux de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle a été directement causée par le travail habituel ; que ce texte n'exige pas que le travail habituel soit la cause unique ou essentielle de la maladie ; une cour d'appel, ayant relevé, d'une part, qu'un salarié était atteint d'une maladie désignée au tableau 10 ter dont l'une des conditions n'était pas satisfaite, et d'autre part, qu'il avait été exposé par son travail à un agent cancérigène, et qu'il présentait également des signes d'intoxication tabagique, de sorte que sa maladie avait une origine multifactorielle, a pu en déduire que cette maladie avait été directement causée par son travail habituel.


Références :

Code de la sécurité sociale L461-1 al. 3

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 28 janvier 2000

A RAPPROCHER : Chambre sociale, 1998-11-05, Bulletin 1998, V, n° 475, p. 355 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 déc. 2002, pourvoi n°00-13097, Bull. civ. 2002 V N° 402 p. 395
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2002 V N° 402 p. 395

Composition du Tribunal
Président : M. Sargos .
Avocat général : M. Lyon-Caen.
Rapporteur ?: M. Dupuis.
Avocat(s) : la SCP Peignot et Garreau, la SCP Gatineau, M. Georges.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:00.13097
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