AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 186 du Livre des procédures fiscales, et l'article 2257 du Code civil ;
Attendu, selon ces textes, que dans tous les cas où il n'est pas prévu un délai de prescription plus court, le droit de reprise de l'administration s'exerce pendant dix ans à partir du jour du fait générateur de l'impôt, mais qu'à l'égard d'une créance qui dépend d'une condition la prescription ne court pas jusqu'à ce que la condition arrive ;
Attendu, selon le jugement attaqué, qu'en 1979, le Crédit immobilier de France a acquis des terrains sous le bénéfice d'une exonération des droits d'enregistrement, en contrepartie du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée et de l'engagement d'édifier sur ceux-ci des immeubles d'habitation dans un délai de quatre ans ; que les constructions n'ayant pas été réalisées dans le délai imparti, malgré une prorogation de celui-ci, l'administration fiscale lui a notifié un redressement de droits d'enregistrement en décembre 1990, qui a été mis en recouvrement en avril 1991 ; qu'après avoir vainement sollicité la décharge de cette imposition auprès de l'administration, le Crédit immobilier de France a assigné celle-ci devant le tribunal de grande instance de Dunkerque pour obtenir l'annulation de ce rappel ;
Attendu que, pour faire droit à cette demande en constatant qu'au moment de la notification de redressement le droit de reprise de l'administration fiscale était prescrit, le tribunal, qui a rappelé que les droits d'enregistrement n'étaient dus qu'à défaut de construction des terrains acquis dans un délai de quatre ans, éventuellement prorogé, à compter de leur acquisition, a considéré que la formation de l'obligation conditionnelle était intervenue, en l'espèce, le 31 décembre 1979, date de l'acte le plus récent d'acquisition, et que, par conséquent, le délai de prescription décennale avait couru à compter de cette date ;
Attendu, qu'en statuant ainsi, alors qu'en cas de déchéance du régime de faveur initialement accordé en raison du non respect de l'engagement de construction, le délai de prescription du droit de reprise de l'administration ne commence à courir que le premier jour suivant l'expiration du délai, éventuellement prorogé, imparti à l'acquéreur pour justifier de l'achèvement des constructions, le tribunal a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 8 octobre 1997, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Dunkerque ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Lille ;
Condamne le Crédit immobilier de France aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande du Crédit immobilier de France ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille deux.