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03/12/2002 | FRANCE | N°00-44423

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 décembre 2002, 00-44423


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les premier et deuxième moyens, réunis :

Attendu que M. X..., engagé le 30 mai 1988 par la société Les Garages de la Vilaine en qualité de directeur chargé de la gestion de deux garages, a été licencié pour faute grave le 26 octobre 1996 ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Rennes, 30 mai 2000) d'avoir rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Les Garages de la Vilaine à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement s

ans cause réelle et sérieuse, alors, selon le premier moyen :

1 / que ne commet pas de faut...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les premier et deuxième moyens, réunis :

Attendu que M. X..., engagé le 30 mai 1988 par la société Les Garages de la Vilaine en qualité de directeur chargé de la gestion de deux garages, a été licencié pour faute grave le 26 octobre 1996 ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Rennes, 30 mai 2000) d'avoir rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Les Garages de la Vilaine à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le premier moyen :

1 / que ne commet pas de faute le salarié qui, investi par son contrat de travail d'une mission de direction et de gestion de deux garages, assortie d'une délégation de pouvoir la plus étendue, d'une part, refuse de répondre à l'injonction de l'employeur de le tenir informé, avant tout commencement d'exécution, de la négociation de deux dossiers entrant dans le champ de la délégation de pouvoir précitée et, d'autre part, annule les rendez-vous fixés par l'employeur dans le cadre de ces dossiers ; qu'en décidant le contraire aux motifs que les instructions données entraient dans le champ de prérogatives patronales, que l'un des dossiers ressortissait de la stratégie de la société, et que le salarié devait rendre compte chaque mois de son activité, sans constater, ni que les dossiers litigieux étaient étrangers au champ de la délégation de pouvoir contractuelle, ni que le salarié s'abstenait de rendre compte chaque mois de son activité, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 1134 du Code civil, L. 121-1 et L. 120-1 du Code du travail ;

2 / que les juges ne peuvent dénaturer les termes clairs et précis d'un écrit ; qu'en l'état de la lettre de mise à pied signée par M. Y... qui reprochait à M. Z... d'avoir provoqué un accident avec un véhicule de l'entreprise, la cour d'appel, qui a relevé que M. X... avait prononcé un licenciement pour les mêmes faits que ceux ayant fondé la mise à pied, a dénaturé la lettre de licenciement signée par M. X... qui reprochait, en termes clairs et précis, à M. Z..., non pas d'avoir provoqué un accident, mais d'avoir, à la suite de cet accident, enfreint l'ordre qui lui avait été donné de n'utiliser qu'un véhicule Fiesta déterminé, en s'attribuant de sa propre initiative un véhicule Mondeo prêt à la vente, avec lequel le salarié avait ensuite parcouru plus de 5 000 kilomètres pendant ses quatre semaines de vacances ; que la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1134 du Code civil ;

3 / que les juges ne peuvent dénaturer les termes clairs et précis d'un écrit; qu'en relevant que M. X... avait, dans la lettre de licenciement signée par lui, ignoré la mise à pied prononcée par M. Y... et indiqué qu'il considérait cette décision comme nulle et non avenue, la cour d'appel a, de nouveau, dénaturé la lettre de licenciement précitée qui, d'une part, ne contient pas l'indication selon laquelle la mise à pied serait nulle et non avenue et qui, d'autre part, se réfère en termes clairs et précis à la lettre de mise à pied de M. Y..., en rappelant que ce dernier avait interdit à M. Z..., sur les instructions de l'exposant, d'utiliser tout autre véhicule qu'une Fiesta déterminée; que la Cour d'appel a, derechef, violé, par refus d'application, l'article 1134 du Code civil ;

4 / que la modification d'un contrat de travail résulte de la seule volonté des deux parties de modifier ce contrat, peu important qu'ait ou non été établi un avenant écrit ; que la preuve de l'échange des consentements peut être rapportée par tout moyen ; qu'en se bornant à relever que M. Y... était directeur de la concession de Saint-Malo, et qu'en outre, M. X... ne disposait d'aucun pouvoir de gestion du personnel de ce garage, son contrat de travail ne prévoyant pas d'extension de ses fonctions à ce garage, sans rechercher, comme l'y invitait M. X... dans ses conclusions d'appel et dans les motifs du jugement entrepris dont il sollicitait la confirmation, si les fonctions de direction, initialement définies par le contrat de travail du salarié, n'avaient pas été ultérieurement élargies à celles de directeur général de la concession de Saint-Malo, ce dont il serait résulté que M. Y..., recruté en qualité de directeur opérationnel, lui était hiérarchiquement subordonné, et si la volonté des parties d'élargir les attributions de M. X... ne résultait pas, d'une part, des termes de la convention de concession sur le garage de Saint-Malo signée par l'employeur et le concédant Ford, d'autre part, de la note interne à l'entreprise du 16 janvier 1996 relative au profil de l'emploi de directeur opérationnel pour lequel M. Y... a été recruté, et enfin, du courrier de l'employeur du 12 juillet 1995 indiquant à un salarié de la concession Saint-Malo que celui-ci

devait, pour les questions relatives à son statut, s'adresser à M. X..., un large domaine opérationnel ayant été délégué à celui-ci, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134 du Code civil et L. 121-1 du Code du travail ;

5 / que ne répondant aucunement aux conclusions d'appel ni au jugement entrepris précités, par lesquels M. X... avait, au surplus, précisé, d'une part, que la convention de concession signée entre la société Les Garages de la Vilaine et la société Ford France indiquait expressément que M. X... assurerait les fonctions de directeur général de la concession de Saint-Malo en attendant la nomination d'un directeur général, avec l'accord de Ford, d'autre part, que la preuve d'une telle nomination n'était pas rapportée, et enfin, que la note interne du 16 janvier 1996, dont M. X... était destinataire, mentionnait la nécessité de recruter un responsable opérationnel rattaché hiérarchiquement à la direction opérationnelle du groupe, autrement dit à M. X... lui-même, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en méconnaissance de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

6 / que ne commet pas de faute le salarié qui, investi par son contrat de travail d'une mission de direction et de gestion assortie d'une délégation la plus étendue, fait exécuter par huissier sa propre décision de licenciement, après que l'employeur a rapporté cette mesure ;

qu'en relevant qu'à supposer que M. X... ait pu intervenir dans la concession de Saint-Malo, il se devait de respecter la décision de l'employeur de rapporter la mesure de licenciement, la cour d'appel, qui a méconnu l'élargissement des fonctions de M. X... sur lequel elle a appuyé son raisonnement a, là encore, violé, par refus d'application, les dispositions des articles 1134 du Code civil et L. 121-1 du Code du travail ;

7 / qu'il résulte de l'article L. 122-14-3 du Code du travail que les juges du fond doivent, par une décision motivée, examiner les motifs de licenciement invoqués par l'employeur et décider si la rupture procède d'une cause réelle et sérieuse ; qu'en se bornant à relever que les autres faits relatés dans la lettre de licenciement illustrent la difficulté pour M. X... d'intégrer la place et les prérogatives du nouveau mandataire social, sans aucunement rechercher si les faits ainsi visés étaient démontrés par les pièces soumises à son examen, ni même préciser de quels faits il s'agissait, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 122-14-3 et L. 122-14-4 du Code du travail ;

et alors, selon le deuxième moyen :

1 / que les motifs de licenciement invoqués par l'employeur doivent constituer la vraie cause du licenciement; qu'en se bornant à constater que M. X... ne démontre pas que la proposition de l'employeur du 29 mai 1995 entraînait une réduction de ses responsabilités, ni, par voie de conséquence, que son refus de cette proposition constituait la vraie cause du licenciement, sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions d'appel de M. X..., si la lettre du 29 mai 1995 n'indiquait pas qu'il n'assurerait plus que la direction opérationnelle de l'entreprise, et que, dans l'avenir, les fonctions de directeur administratif, de directeur des ressources humaines et de responsable de développement logistique lui seraient retirées, et en n'examinant, en outre, aucunement le contenu de cette lettre du 29 mai 1995, dont il résultait que M. A... s'octroyait la responsabilité générale de l'entreprise avec la prise des décisions structurantes et la participation aux réunions périodiques de l'encadrement, ce qui vidait de leur substance, à terme, les fonctions de direction de M. X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 122-14-4 du Code du travail ;

2 / que M. X... avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, que la volonté de M. A... de reprendre lui-même la direction des concessions, autrement dit sa propre fonction, était démontré par le fait que son poste a été supprimé juste après son licenciement, lequel était, dès lors, de nature économique ; qu'en ne répondant aucunement à ces conclusions d'appel, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en méconnaissance de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que les motifs critiqués par les deuxième, troisième et septième branches du premier moyen sont surabondants ;

que, pour le surplus, sous couvert des griefs non fondés de violation de la loi, manque de base légale et défaut de réponse à conclusions, les moyens ne tendent qu'à remettre en discussion devant la Cour de Cassation les éléments de fait et de preuve souverainement appréciés par les juges du fond ; que les moyens ne peuvent être accueillis ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. X... fait encore grief à l'arrêt d'avoir condamné la société Les Garages de la Vilaine à lui verser une indemnité contractuelle de rupture réduite à 300 000 francs au lieu de celle de 1 422 157 francs faisant l'objet de sa demande, alors, selon le moyen :

1 / que l'indemnité contractuelle de licenciement a pour objet, non pas d'indemniser le salarié en fonction de l'ancienneté des services rendus, mais de pénaliser l'employeur qui a licencié le salarié dans des conditions non autorisées par la clause prévoyant cette indemnité ; que le juge ne peut réduire l'indemnité contractuelle de licenciement au motif tiré d'une atteinte au droit de licencier de l'employeur que s'il constate qu'au moment de la conclusion du contrat ayant institué l'indemnité, l'employeur se trouvait dans l'impossibilité financière de s'acquitter de cette indemnité, et qu'en conséquence, il était dans l'impossibilité de rompre le contrat de travail ; qu'en réduisant comme étant excessif le montant de l'indemnité contractuelle de licenciement aux motifs inopérants que celle-ci porte atteinte par son montant au droit de licencier, qu'elle instaure une garantie d'emploi très supérieure au préjudice réellement subi, et que le salarié ne totalise que huit années d'ancienneté, sans aucunement constater qu'au jour de l'établissement de la clause pénale, l'employeur était dans l'impossibilité financière de s'acquitter de l'indemnité prévue, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'alinéa 1 de l'article 1152 du Code civil et, par fausse application, l'alinéa 2 de cette disposition ;

2 / que l'article 1152 du Code civil n'impose pas au juge de limiter la clause pénale au préjudice subi ; qu'en relevant de manière inopérante que l'indemnité est manifestement excessive, dès lors qu'elle est supérieure au préjudice subi, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1152, alinéa 2, du Code civil ;

3 / que la disproportion manifeste s'apprécie en comparant le montant de la peine conventionnellement fixée et celui du préjudice effectivement subi ; que, si le juge apprécie souverainement le préjudice subi et fixe librement le montant de l'indemnité qu'il trouve excessive, il ne peut allouer une somme inférieure au dommage subi ; qu'en considérant, de manière inopérante, que la situation de M. X... ne pouvait être qualifiée de précaire et qu'il avait préparé son licenciement de longue date, sans aucunement comparer le montant de l'indemnité fixée contractuellement avec la perte de rémunération subie, ni rechercher si la somme allouée de 300 000 francs n'était pas inférieure à ce préjudice, quand il résulte des constatations de l'arrêt que les revenus mensuels de l'exposant après son licenciement étaient de 42 000 francs (salaire mensuel brut), puis de 30 000 francs (allocation mensuelle ASSEDIC), et que l'indemnité contractuelle de licenciement équivalait, par mois, au tiers du salaire mensuel brut perçu en dernier lieu par le salarié, dont il était constant qu'il s'élevait à la somme de 76 113,66 francs, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1152, alinéa 2, du Code civil ;

Mais attendu que l'indemnité de licenciement, lorsqu'elle est prévue par le contrat de travail, a le caractère d'une clause pénale qui peut être réduite par le juge si elle présente un caractère manifestement excessif ;

Et attendu que la cour d'appel, qui, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche du moyen, a motivé sa décision de réduire la clause pénale à une somme, non inférieure au préjudice subi, qu'elle a souverainement appréciée, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille deux.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 00-44423
Date de la décision : 03/12/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Indemnité de licenciement - Indemnité contractuelle - Caractère d'une clause pénale - Possibilité de réduction judiciaire.


Références :

Code civil 1152, alinéa 2

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes (Cinquième chambre prud'homale), 30 mai 2000


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 déc. 2002, pourvoi n°00-44423


Composition du Tribunal
Président : Président : M. RANSAC conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:00.44423
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