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03/12/2002 | FRANCE | N°00-22307

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 03 décembre 2002, 00-22307


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 septembre 2000), que dans le cadre des relations commerciales qu'il entretenait avec la société HES, le Crédit du Nord a souscrit plusieurs lettres de garantie à première demande au profit de la Banque mauricienne "Mauritius commercial bank Ltd" pour des montants s'élevant au total à 600 000 francs, lui-même obtenant, selon deux actes des 22 et 25 janvier 1991, d'être contre-garanti, à concurrence

des sommes de 300 000 et 150 000 francs par le nantissement de valeurs ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 septembre 2000), que dans le cadre des relations commerciales qu'il entretenait avec la société HES, le Crédit du Nord a souscrit plusieurs lettres de garantie à première demande au profit de la Banque mauricienne "Mauritius commercial bank Ltd" pour des montants s'élevant au total à 600 000 francs, lui-même obtenant, selon deux actes des 22 et 25 janvier 1991, d'être contre-garanti, à concurrence des sommes de 300 000 et 150 000 francs par le nantissement de valeurs mobilières appartenant à Mme X... ; que l'une des lettres de garantie, datée du 20 décembre 1990, n'ayant pas précisé qu'elle était émise "d'ordre" de la société HES, elle a été annulée et remplacée le 28 janvier 1991 par une autre, rédigée en termes identiques, mais dûment complétée ; que le 8 août 1991 la banque "Mauritius commercial bank Ltd" a appelé les garanties et notamment "celle émise le 20 décembre 1990" ; qu'après avoir réglé, le Crédit du Nord a débité à son profit, le 26 août 1991, le compte courant de la société HES, alors administrée provisoirement par M. Y..., d'une somme de 205 000 francs représentant à cette date le montant de son solde créditeur mais que, la société HES ayant été mise en redressement judiciaire le 4 septembre 1991, il a contre-passé cette écriture pour remettre, le 14 septembre 1991, le solde créditeur au même M. Y..., qui venait d'être désigné comme administrateur judiciaire ; qu'après avoir vainement demandé à Mme X... de l'autoriser à affecter son gage en paiement, le Crédit du Nord l'a fait assigner à cette fin ; que, pour sa défense, Mme X... a soutenu que l'acte de nantissement du 22 janvier 1991 ne se référant qu'à la lettre de garantie du 20 décembre 1990 qui avait été novée par celle du 28 janvier 1991, il ne garantissait pas cette nouvelle obligation et prétendu que le Crédit du Nord avait commis des fautes, d'abord en annulant "dans des conditions hasardeuses" et

alors qu'il n'y était pas légalement tenu, l'écriture au débit du compte de la société du 26 août 1991, ensuite en la privant indûment de la jouissance de son portefeuille de titres ainsi qu'en la contraignant à défendre à l'instance ; que retenant, notamment, que l'établissement de crédit n'avait pas commis de faute en annulant, sur l'ordre de l'administrateur judiciaire, une écriture au débit du compte de la société que n'avait pas autorisée, en son temps, l'administrateur provisoire, la cour d'appel a rejeté les prétentions de Mme X... ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :

1 / que la lettre d'appel en paiement de la Mauritius commercial bank du 8 août 1991 ne vise que l'engagement du 20 décembre 1990, soit l'engagement annulé sans faire la moindre référence à l'engagement nouveau du 28 janvier 1991 et la deuxième lettre de garantie de la banque en date du 28 janvier 1991, produite aux débats, précise expressément "cette garantie annule et remplace celle du 20 décembre 1990" ; qu'en énonçant comme elle l'a fait, qu'il résulte des documents produits aux débats et notamment de la lettre d'appel en paiement de la Mauritius commercial bank en date du 8 août 1991, que c'est bien en vertu de l'engagement pris par lettre du 20 décembre 1990 et reformulé le 28 janvier 1991 que le Crédit du Nord a réglé la somme de 300 000 francs, la cour d'appel a fait dire aux documents susvisés produits aux débats autre chose que ce qui était écrit et par suite, les a dénaturés en violation de l'article 1134 du Code civil ;

2 / que l'article 1273 du Code civil prévoit expressément que la volonté d'opérer novation doit résulter de l'acte ; qu'au regard de ce texte, c'est dans l'acte créateur de l'obligation nouvelle que doit être appréciée l'intention novatoire des parties ; qu'en l'espèce, le Crédit du Nord ayant consenti à la Mauritius Bank la deuxième garantie de 300 000 francs par télex du 28 janvier 1991, c'est d'abord dans les termes de ce document que la cour d'appel se devait de rechercher l'intention novatoire des parties ; ce n'était qu'en cas d'absence d'écrit ou d'imprécision du télex du 28 janvier 1991 sur ce point que la cour d'appel pouvait recourir aux autres correspondances échangées entre les parties ;

qu'en statuant comme elle a fait, en s'abstenant de rechercher s'il ne résultait pas des termes de ce télex du 28 janvier 1991, l'intention de la banque de substituer la deuxième garantie de 300 000 francs à la première de même montant accordée le 20 décembre 1990, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1271 et 1273 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant dû procéder à une interprétation, exclusive de dénaturation, des deux lettres de garantie successivement souscrites qu'il était nécessaire de rapprocher et de combiner pour en déterminer le sens et la portée, la cour d'appel a retenu qu'en rédigeant l'acte du 28 janvier 1991, le Crédit du Nord s'était borné à "reformuler" sans rien y modifier l'engagement pris le 20 décembre 1990 pour en exclure toute ambiguïté ; qu'en l'état de ces motifs, dont il se déduisait que le Crédit du Nord n'ayant pas eu l'intention d'éteindre son premier engagement pour y substituer une nouvelle obligation, aucune novation n'avait pu se produire, la cour d'appel a justifié légalement sa décision ;

que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que Mme X... fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1 / qu'aux termes de l'article 7 du nouveau Code de procédure civile, le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans les débats ; que la qualité d'administrateur provisoire de la société HES de M. Y... en date du 9 juillet 1991 ne ressort ni de l'assignation ni des conclusions des parties ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2 / que lorsque le juge se fonde sur un fait qui n'est pas visé dans les conclusions des parties, il a l'obligation d'indiquer l'origine et la nature des renseignements qui lui ont servi à motiver sa décision et de préciser les documents de preuve qui lui ont permis de constater le fait considéré de manière à permettre à la Cour de Cassation de vérifier que ces éléments de preuve ont été versés aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties ; qu'en toute hypothèse, en se bornant à affirmer comme elle l'a fait que M. Y... a été dans un premier temps nommé administrateur provisoire de la société HES le 9 juillet 1991, sans indiquer de quels documents de preuve elle a tiré cette information, ce qui ne permet pas de vérifier que ces documents ont été soumis à la libre contradiction des parties, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que lorsqu'elle relève d'office un moyen non invoqué, la cour d'appel doit inviter les parties à présenter leurs observations ; qu'il est constant que l'opération annulée par la banque au préjudice de la caution est une opération antérieure au jugement de liquidation judiciaire et qu'elle a été effectuée en paiement d'une créance régulièrement arrivée à échéance avant le jugement de règlement judiciaire ; que dans ses conclusions, Chantal X... a toujours critiqué l'attitude fautive de la banque qui de sa propre initiative, a recrédité le compte courant de la société HES au préjudice de la garantie de la somme de 205 000 francs sans que cette opération soit clairement explicitée ; qu'à aucun moment, pour justifier cette opération à l'égard de la garantie, le Crédit du Nord dans ses conclusions n'a prétendu qu'elle avait eu lieu "d'ordre de M. Y..." ; qu'en relevant comme elle l'a fait d'office un tel moyen, mélangé de fait et de droit, sans recueillir au préalable les observations des parties, la cour d'appel a violé ensemble les articles 7 et 16 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'il ressort des écritures d'appel que même s'il n'en avait pas indiqué la date précise, laquelle était dépourvue d'incidence sur la solution du litige, le Crédit du Nord avait mentionné que la société HES avait été placée, dans les semaines ayant précédé sa mise en redressement judiciaire, sous l'administration provisoire de M. Y... ;

Attendu, en second lieu, que Mme X... soutenant que le Crédit du Nord avait engagé sa responsabilité en annulant, sans y être légalement tenu, le débit enregistré le 26 août 1991, il appartenait aux juges du fond de vérifier, de leur propre autorité, à partir des éléments de preuve qui leur étaient soumis et dont ils ont souverainement apprécié la portée, si les conditions d'application de cette responsabilité se trouvaient ou non réunies et notamment si la faute alléguée était établie, alors que l'établissement de crédit faisait valoir qu'il avait dû restituer les fonds, après l'ouverture de la procédure collective, à la demande de l'administrateur judiciaire ; que dès lors la cour d'appel, qui n'a introduit dans le débat aucun élément nouveau, n'encourt pas le grief de la troisième branche ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que Mme X... fait encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de dommages-intérêts devant réparer le préjudice consécutif à la rétention fautive par la banque des parts Finord qu'elle avait gagées à son profit et les tracas occasionnés par la procédure, alors, selon le moyen, qu'en vertu de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile la cassation qui interviendra sur les deux premiers moyens de cassation entraînera par voie de conséquence nécessaire la cassation de la disposition l'ayant déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts ;

Mais attendu que les deux premiers moyens ayant été rejetés, le troisième doit l'être également par voie de conséquence ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille deux.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 00-22307
Date de la décision : 03/12/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre civile, section A), 12 septembre 2000


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 03 déc. 2002, pourvoi n°00-22307


Composition du Tribunal
Président : Président : M. DUMAS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:00.22307
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