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03/12/2002 | FRANCE | N°00-21738

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 03 décembre 2002, 00-21738


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que la société Lucky Luke licensing (LLL), détentrice des droits attachés aux bandes dessinées créées par Maurice X..., dit Morris, a, par convention du 1er juillet 1998, autorisé la société 6PO, devenue Gem's éditions, à éditer et commercialiser un album sous l'intitulé "Hommage à Morris", ou sous tout autre nom à soumettre à son acceptation, et à utiliser pour ce faire tous les signes distinctifs permettant de reconnaître l'oeuvre dont s'agit ; que l'ou

vrage ayant été réalisé avec une couverture portant le titre "Le père de Lucky ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que la société Lucky Luke licensing (LLL), détentrice des droits attachés aux bandes dessinées créées par Maurice X..., dit Morris, a, par convention du 1er juillet 1998, autorisé la société 6PO, devenue Gem's éditions, à éditer et commercialiser un album sous l'intitulé "Hommage à Morris", ou sous tout autre nom à soumettre à son acceptation, et à utiliser pour ce faire tous les signes distinctifs permettant de reconnaître l'oeuvre dont s'agit ; que l'ouvrage ayant été réalisé avec une couverture portant le titre "Le père de Lucky Luke", le juge des référés, le 4 février 1999, a interdit à la société Gem's éditions et au groupe Verneuil, diffuseur, d'en poursuivre la publication, sa présentation le faisant apparaître, en violation du contrat, comme un nouveau livre de la série "Lucky Luke" ; que cette ordonnance a donné lieu, le 2 mars 1999, à un refus de rétractation, malgré le collage effectué sur les exemplaires imprimés d'une bande correctrice portant le titre "Hommage à Morris" ; que la cour d'appel a confirmé ces deux décisions ;

Sur les deux premiers moyens, réunis, pris en leurs diverses branches :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt (Aix-en-Provence, 29 juin 2000) de confirmer la première ordonnance, alors, d'abord, qu'en retenant, à raison du titre apposé "Le père de Lucky Luke", que la nature d'hommage au dessinateur Morris n'était pas évidente et que le risque de confusion avec une nouvelle aventure du personnage Lucky Luke constituait un trouble manifestement illicite justifiant une mesure d'interdiction, il méconnaîtrait ses propres constatations relatives à l'utilisation, conforme à l'autorisation contractuelle, des caractéristiques immuables du cow-boy solitaire sur la couverture de l'ouvrage à l'intitulé litigieux, violant ainsi l'article 873, alinéa 1, du nouveau Code de procédure civile ; ensuite, qu'en décidant que le silence gardé par LLL postérieurement à l'envoi préalable de la maquette de couverture titrée "Le père de Lucky Luke", malgré l'indication donnée par elle, le 16 décembre 1998, d'une réponse à venir avant le 31 décembre au plus tard et jamais manifestée dans ce délai, n'avait pas valu acceptation tacite de sa part, il violerait l'article 1134 du Code civil ; enfin, qu'en interdisant l'édition et la diffusion d'un livre sans s'interroger sur la proportionnalité de la mesure avec le risque de confusion relevé, ni la limiter dans le temps, ni rechercher si des dommages-intérêts n'auraient pas constitué une réparation suffisante, il méconnaîtrait l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, et, à deux autres reprises encore, l'article 873, alinéa 1, du même code ;

Mais attendu, sur la seconde branche du premier moyen, que la cour d'appel, replaçant dans son contexte la lettre évoquée de la société LLL, a souverainement observé que, loin d'exprimer son éventuel consentement au remplacement du titre "Hommage à Morris"par "Le père de Lucky Luke", elle était une protestation contre une telle initiative ;

Et attendu, sur la première branche du même moyen et sur les trois branches du deuxième, qu'elle a relevé, d'une part, que l'intention des parties avait été de réaliser un album en hommage à Morris, mais en aucun cas une nouvelle aventure de son héros, que la manière du dessin de couverture réussissait déjà une remarquable imitation de celle de l'auteur, et que, en l'espèce, la substitution du titre "Le père de Lucky Luke" à celui initialement envisagé, faisant percevoir le personnage ainsi désigné comme un nouveau caractère de l'univers créé par Morris, effaçait toute référence au nom de ce dernier et à l'hommage censé lui être rendu ; d'autre part, que l'ouvrage devant être incessamment vendu à quelque 170 000 exemplaires, le dommage inhérent au risque de confusion et déception dénoncé, insusceptible d'indemnités réparatrices, devait être conjuré par une interdiction de diffusion ; que de ces constatations, la cour d'appel a pu déduire l'existence d'un trouble manifestement illicite engendré par la violation sérieusement alléguée d'obligations contractuelles, et, dans l'exercice de son pouvoir souverain, prononcer une mesure qui, prohibitrice d'initiatives aux apparences tout-à-fait irrégulières, et arrêtée dans l'attente d'une décision sur le fond ou d'un accord entre parties, n'avait pas à être autrement précisée quant à sa durée ; d'où il suit que les critiques sont inopérantes ;

Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé aussi la seconde ordonnance, alors qu'en ne recherchant pas si le collage de la bande correctrice "Hommage à Morris" sur la couverture n'avait pas fait disparaître le trouble manifestement illicite ayant motivé l'interdiction, et en s'abstenant à nouveau de s'interroger sur sa proportionnalité au préjudice allégué par LLL malgré le recours au procédé évoqué, il serait doublement privé de base légale au regard de l'article 873, alinéa 1, du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'en relevant que le remède matériel ainsi apporté, parfaitement perceptible à la vue et au toucher, laissait deviner par transparence les mentions masquées, que la tranche de l'album portait toujours "Le père de Lucky Luke", et que sa présentation s'en trouvait commercialement inacceptable, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Groupe Verneuil aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille deux.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 00-21738
Date de la décision : 03/12/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

(Sur les 2 premiers moyens) REFERE - Mesures conservatoires ou de remise en état - Trouble manifestement illicite - Publication d'un ouvrage - Risque de confusion.


Références :

Nouveau Code de procédure civile 873

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence (2e chambre civile), 29 juin 2000


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 03 déc. 2002, pourvoi n°00-21738


Composition du Tribunal
Président : Président : M. LEMONTEY

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:00.21738
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