AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé le divorce des époux Y... à leurs torts partagés, alors, selon le moyen :
1 / qu'en application de l'article 495 du nouveau Code de procédure civile, l'ordonnance sur requête doit être motivée et copie de la requête et de l'ordonnance doit être laissée à la personne à laquelle elle est opposée ; que s'il peut être admis que l'ordonnance qui vise la requête en adopte les motifs et satisfait ainsi à l'exigence de motivation prévue par ce texte, la régularité de la mesure ordonnée et son opposabilité à la personne qui en fait l'objet supposent nécessairement qu'en tel cas, copie de la requête lui soit laissée avec l'ordonnance ; qu'en l'espèce, où la cour d'appel a considéré que la circonstance que copie de la requête n'a pas été notifiée à Mme X... était sans influence, au seul motif que la mission dévolue à l'huissier de justice était précisée sur l'ordonnance, a violé par refus d'application l'article 495 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2 / qu'en conséquence en énonçant que cette même circonstance n'était pas de nature à affecter le constat d'irrégularité ou de porter une atteinte illicite à l'intimité de la vie privée, la cour d'appel a également violé l'article 259-2 du Code civil, ensemble l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Mais attendu que les termes de l'ordonnance du président du tribunal de grande instance, remise en copie à Mme X..., commettant un huissier de justice pour dresser un constat d'adultère à son encontre dans un lieu déterminé par cet acte ou en tout autre lieu, permettaient à celle-ci de connaître le sens de la requête de M. Z... ainsi que les modalités essentielles de la mission dévolue à l'huissier de justice ; que l'irrégularité de procédure critiquée par le moyen n'a donc pas affecté la régularité du constat ni porté une atteinte illicite à l'intimité de la vie privée de l'intéressée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir fixé la résidence habituelle des deux enfants du couple au domicile du père, alors selon le moyen :
1 / qu'en application des articles 9 du Code civil et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, chacun a droit au respect de sa vie privée ; que ce droit interdit qu'il soit tenu compte des analyses pseudo-psychologiques émanant d'une personne non qualifiée pour les effectuer et figurant dans un rapport d'enquête sociale diligentée sur le fondement de l'article 287-2 du Code civil qui, après avoir relevé que la mère était apte tant sur le plan matériel que moral à élever les enfants dans de bonnes conditions et qu'il était indiscutable qu'elle présentait des capacités affectives et éducatives satisfaisantes, a stigmatisé sa vie privée et notamment l'origine africaine de son compagnon pour conclure à la fixation de la résidence des enfants chez le père, et ce bien que la mère ait expressément souligné et démontré le caractère tendancieux du rapport ainsi établi pour solliciter une contre-expertise ; que la cour d'appel, qui a purement et simplement adopté les conclusions du rapport d'expertise sociale et refusé d'ordonner une contre-enquête, a donc violé l'article 9 du Code civil, l'article 8 et l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2 / que Mme A... invoquait dans ses conclusions d'appel le fait que Matthieu et Marion résidaient chez elle depuis trois ans, ce qui n'a pas été pris en compte par l'enquêtrice sociale, que ses qualités éducatives n'étaient pas remises en cause et que les critères de stabilité devaient être pris en considération de façon permanente ; qu'elle produisait en outre le bilan psychologique de Marion établi le 5 juillet 1999 par une psychologue clinienne qui indiquait qu"il ne semblait pas souhaitable de modifier profondément son mode de vie, mais plutôt de continuer à le stabiliser" ; que la cour d'appel qui modifie la résidence qui est celle des enfants depuis trois ans, sans caractériser la moindre difficulté résultant de cette décision, et sans indiquer en quoi un brusque changement serait nécessaire au regard de l'intérêt des enfants, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 287 du Code civil ;
Mais attendu que sous le couvert de griefs non fondés de violation des articles 9 du Code civil, 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi que de manque de base légale au regard de l'article 287 du Code civil, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de Cassation le pouvoir souverain de la cour d'appel qui, par une décision motivée mentionnant puis réfutant les "diverses critiques" adressées au rapport de l'enquête sociale, reprend à son compte certaines des constatations de ce rapport pour en déduire qu'il est de l'intérêt des enfants de voir fixer leur résidence habituelle au domicile du père ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu les articles 274 et 276 du Code civil, tels qu'ils résultent de la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000 et l'article 23 de la même loi ;
Attendu que la prestation compensatoire prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge ; qu'une rente ne peut être allouée qu'à titre exceptionnel et sous forme viagère ;
Attendu que l'arrêt attaqué a condamné M. Z... à verser une prestation compensatoire sous la forme d'une rente mensuelle d'une durée de 5 années ;
Que cette décision, non conforme aux dispositions de la loi susvisée, applicables aux instances en cours qui n'ont pas donné lieu à une décision passée en force de chose jugée, doit en conséquence être annulée ;
Et sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile :
Vu l'article 271, alinéa 2, du Code civil ;
Attendu que, dans le cadre de la fixation d'une prestation compensatoire par le juge ou par les parties dans la convention visée à l'article 278 du Code civil ou à l'occasion d'une demande de révision, les parties fournissent au juge une déclaration certifiant sur l'honneur l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie ;
Attendu que l'arrêt attaqué a condamné M. Z... à verser une prestation compensatoire sans que la déclaration susvisée ait été versée aux débats ; que cette décision non conforme aux dispositions ci-dessus mentionnées de la loi du 30 juin 2000, doit en conséquence être annulée ;
PAR CES MOTIFS :
ANNULE, en ses seules dispositions relatives à la fixation de la prestation compensatoire, l'arrêt rendu le 10 janvier 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; renvoie la cause et les parties devant la même cour d'appel, statuant en formation ordinaire et autrement composée
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille deux.