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26/11/2002 | FRANCE | N°01-20219

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 novembre 2002, 01-20219


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X..., chirurgien-dentiste, a formé opposition à une contrainte décernée le 19 juin 1996 par la Caisse de retraite des chirurgiens-dentistes (CARCD) pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard afférentes à l'allocation vieillesse, à l'assurance décès-invalidité, à l'assurance vieillesse complémentaire et à l'avantage social vieillesse, et dues au titre de l'année 1995 ; que la cour d'appel a rejeté ses demandes tendant à saisir la Cour de jus

tice des Communautés européennes (CJCE) sur la nature juridique des régimes ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X..., chirurgien-dentiste, a formé opposition à une contrainte décernée le 19 juin 1996 par la Caisse de retraite des chirurgiens-dentistes (CARCD) pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard afférentes à l'allocation vieillesse, à l'assurance décès-invalidité, à l'assurance vieillesse complémentaire et à l'avantage social vieillesse, et dues au titre de l'année 1995 ; que la cour d'appel a rejeté ses demandes tendant à saisir la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) sur la nature juridique des régimes complémentaires gérés par la CARCD et à sursoir à statuer dans l'attente d'un jugement du tribunal de grande instance de Paris, et a validé la contrainte (Aix-en-Provence, 28 novembre 2000) ;

Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches :

Attendu que M. X... reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande de saisine de la CJCE, alors, selon le moyen :

1 / qu'un organisme à but non lucratif, gérant un régime d'assurance vieillesse destiné à compléter un régime de base obligatoire, institué par la loi à titre facultatif et fonctionnant selon le principe de la capitalisation, est une entreprise au sens des articles 81 et 82 (anciens articles 85 et 86 du Traité instituant la Communauté économique européenne), de sorte qu'il est soumis aux dispositions des articles R. 322-7 à R. 322-15 du Code de la mutualité comme des directives CEE n° 92-49 du 18 juin 1992 et 92-96 du 10 novembre 1992 ;

qu'en déniant cette qualité d'entreprise à la CARCD, sans rechercher si, outre le régime légal obligatoire, les régimes d'assurance vieillesse complémentaire obligatoire et complémentaire facultatif, gérés par elle étaient également fondés sur le principe de la solidarité et fonctionnaient selon le principe de la compensation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés, ainsi que des articles L.134-1, L.644-1 du Code de la sécurité sociale et R. 323-1 du Code de la mutualité ;

2 / qu'en s'abstenant encore de rechercher si, comme le soutenait également M. X..., l'ensemble des régimes complémentaires et de prévoyance en cause n'avaient pas été institués par la loi à titre facultatif, ce qui excluait leur caractère de régime légal obligatoire de sécurité sociale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 322-7 à R. 322-15, R. 323-1 du Code de la mutualité et L.134-1, L.644-1 du Code de la sécurité sociale, ainsi que des directives CEE n° 92-49 du 18 juin 1992 et 92-96 du 10 novembre 1992 ;

3 / qu'en tout état de cause, en refusant de reconnaître le statut d'entreprise de la CARCD à raison au moins du régime d'assurance vieillesse complémentaire facultatif dénommé "Apolline" géré par cet organisme en application de la loi "Madelin", la cour d'appel a violé par fausse application les articles L.644-1, alinéa 3, du Code de la sécurité sociale, 81 et 82 CE ;

4 / qu'en refusant, dans ces conditions, les parties devant saisir la Cour de justice des Communautés européennes, à fin de voir préciser si les régimes de retraite complémentaires, invalidité-décès, indemnités journalières et avantage social vieillesse (ASV) gérés par la CARCD sont des régimes légaux de sécurité sociale au sens du règlement CEE n° 1408/71 et de la jurisprudence communautaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ainsi que l'article 234 CE (ancien article 177 du Traité instituant la Communauté européenne) ;

5 / qu'en s'abstenant de rechercher si la CARCD, qui gère des régimes d'assurance vieillesse complémentaires institués ou fonctionnant à titre facultatif, n'était pas tenue de garantir la solvabilité de ces régimes, ainsi que de ne pas fausser la libre concurrence sur le marché des produits de retraite complémentaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 322-7 à R. 322-15 du Code de la mutualité, et 82 CE ;

Mais attendu que l'arrêt énonce justement que la CARCD gère un régime d'assurance vieillesse légal obligatoire, fonctionnant sur la répartition et non la capitalisation, et fondé tant en ce qui concerne le régime de base que les régimes complémentaires obligatoires sur le principe de solidarité ; que la cour d'appel, abstraction faite des motifs critiqués par la troisième branche du moyen, surabondants dès lors qu'il ressort des pièces de procédure que la contrainte ne portait pas sur les cotisations relatives au régime complémentaire facultatif, en a exactement déduit que la CARCD ne constituait pas une entreprise au sens des articles 81 et 82 (85 et 86 anciens) du Traité instituant la Communauté économique européenne, et qu'il n'y a pas lieu de saisir le CJCE sur la nature juridique des cotisations réclamées par la contrainte et du régime légal obligatoire géré par la Caisse ;

Et attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit qu'il n'appartenait pas aux juridictions de sécurité sociale de contrôler la gestion de la Caisse ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur la septième branche du second moyen :

Attendu que M. X... reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de sursoir à statuer, alors, selon le moyen, qu'en postulant la capacité à agir de la CARCD, sans rechercher si, comme le soutenait M. X..., les articles L.213-1, L.216-1 du Code de la sécurité sociale et R. 122-1 du Code de la mutualité n'imposaient pas à cet organisme de faire approuver et déposer ses statuts, ce qui justifiait que fût ordonné le sursis à statuer dans l'attente du jugement du tribunal de grande instance de Paris saisi de la question des conséquences de cette irrégularité, sur la capacité à agir d'un autre organisme social se trouvant dans la méme situation, à savoir la CARMF, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés, ainsi que de l'article 378 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt énonce justement que la CARCD, instituée en application des articles L.621-1, L.622-5, R. 641-1 et R.641-6 et suivants du Code de la sécurité sociale, tient de ces seules dispositions, et non pas du Code de la mutualité, sa capacité juridique et sa qualité pour agir dans l'exécution des missions qui lui ont été confiées par la loi ; qu'ayant relevé qu'aucun texte applicable à la CARCD n'impose le dépôt de ses statuts en préfecture, la cour d'appel en a exactement déduit n'y avoir lieu à statuer dans l'attente d'une décision du tribunal de grande instance de Paris ;

Sur les cinquième et sixième branches du second moyen :

Attendu que M. X... fait également grief à l'arrêt attaqué d'avoir validé la contrainte, alors, selon le moyen :

1 / qu'en s'abstenant de rechercher si tout ou partie des sommes réclamées dans la contrainte n'était pas destinés à financer des régimes de nature conventionnelle, de sorte que l'annulation rétroactive, par arrêt du Conseil d'Etat en date du 13 novembre 1995, de l'arrêté ministériel portant approbation de la Convention nationale des chirurgiens-dentistes qui s'appliquait depuis 1994, avait nécessairement remis en cause le montant des sommes exigibles au titre de l'année 1997, la cour d'appel a privé encore sa décision de base légale au regard du texte susvisé, ainsi que des articles L.244-9, L.644-1, L.644-2, L.645-1 à L.645-5 et R.133-4 du Code de la sécurité sociale, et du principe de l'annulation rétroactive des actes administratifs ;

2 / qu'en palliant l'absence d'une telle convention, pourtant expressément imposée par l'article L.722-1 3 du Code de la sécurité sociale, par un "échange de lettres" qui ne pouvait pourtant en tenir lieu, la cour d'appel a violé par fausse application le texte susvisé, ainsi que les articles L.162-9 et L.162-11 du même Code ;

Mais attendu que l'arrêt retient que l'échange de lettres intervenu le 21 janvier 1987 entre la CNAMTS et la Confédération nationale des syndicats dentaires, qui a permis, en l'absence d'une convention nationale applicable, le remboursement des soins dentaires, prévoyait pendant la période provisoire précédant l'approbation d'une nouvelle convention nationale que les chirurgiens-dentistes s'engageaient à verser les cotisations afférentes aux avantages sociaux de maladie et de vieillesse ; que la cour d'appel a décidé à bon droit que cet accord, qui devait recevoir application à la suite de l'annulation par le Conseil d'Etat de l'arrêté ministériel portant approbation de la Convention nationale du 31 janvier 1991, rendait obligatoire le versement par les chirurgiens-dentistes de chacune des cotisations du régime de base et des régimes complémentaires obligatoires ;

Sur les quatre premières branches du second moyen :

Attendu que M. X... reproche également à l'arrêt attaqué d'avoir validé la contrainte, alors, selon le moyen :

1 / qu'il résulte des articles L.244-9, R.122-3, R.133-3 et R.133-4 du Code de la sécurité sociale que la contrainte est décernée et signée par le directeur d'un organisme de sécurité sociale ou un agent ayant reçu délégation spéciale à cet effet ; qu'en refusant de constater la nullité de la contrainte délivrée au docteur X..., au seul motif que ladite contrainte préciserait elle-même avoir été décernée par le directeur de la CARCD, la cour d'appel a dénaturé ce document, en violation de l'article 1134 du Code civil ;

2 / qu'en validant la contrainte litigieuse, sans répondre aux conclusions de M. X... qui soutenait que ladite contrainte ne comportait qu'un paraphe illisible, de sorte qu'il était impossible de déterminer si son signataire était bien habilité à agir au nom et sous la responsabilité du directeur de la caisse litigieuse, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / qu'en statuant ainsi, tout en constatant que la contrainte n'indiquait que le montant réclamé et la période de référence, ce qui était nettement insuffisant au regard des règles de régularité de forme des contraintes, lesquelles s'appliquent sans qu'il soit besoin d'établir le préjudice résultant de l'irrégularité, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L.244-9 du Code de la sécurité sociale ;

4 / que la contrainte, prévue par les articles L.244-9, R.133-3 à R.133-7 et R.741-8 du Code de la sécurité sociale, ne peut être mise en uvre que pour le recouvrement des seules cotisations et majorations de retard dues pour le financement du régime général, des régimes de base gérés par des organismes de sécurité sociale, ainsi que de l'assurance personnelle ou volontaire ; qu'en statuant ainsi, au motif que la CARCD serait un organisme de sécurité sociale, sans rechercher si la contrainte litigieuse ne visait pas, notamment, des sommes réclamées au titre d'autres régimes que ceux-ci, ce qui la rendait nulle au moins pour ces sommes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

Mais attendu que la cour d'appel qui a examiné la contrainte a estimé qu'il était précisé que ce document avait été signé par le directeur de la CARCD ; qu'elle a ainsi répondu aux conclusions prétendument délaissées ;

Et attendu qu'il résulte des énonciations de la cour d'appel que la contrainte comportait l'indication du montant des cotisations et de la période à laquelle celles-ci se rapportaient, ainsi que par référence à la mise en demeure du 6 décembre 1995, dont la régularité n'est pas contestée, la nature et l'objet de chacune des cotisations réclamées au titre de l'allocation vieillesse, de l'assurance invalidité-décès, de l'assurance complémentaire vieillesse et de l'avantage social vieillesse ;

qu'ayant fait ressortir que cette contrainte avait été délivrée pour le recouvrement des cotisations du régime de base et des régimes complémentaires obligatoires, et non pas du régime complémentaire facultatif, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. X... à payer à la Caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes la somme de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille deux.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 01-20219
Date de la décision : 26/11/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

SECURITE SOCIALE - ALLOCATION VIEILLESSE POUR PERSONNES NON SALARIEES - Professions libérales - Dentistes - Caisse de retraite des chirurgiens-dentistes (CARCD) - Statuts - Gestion d'un régime obligatoire - Capacité juridique - Statuts.

SECURITE SOCIALE - ALLOCATION VIEILLESSE POUR PERSONNES NON SALARIEES - Professions libérales - Cotisations - Recouvrement - Contrainte - Enonciations suffisantes.


Références :

Code de la sécurité sociale L621-1, L622-5, R641-1 et R641-6, L244-9

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence (14e Chambre sociale), 28 novembre 2000


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 nov. 2002, pourvoi n°01-20219


Composition du Tribunal
Président : Président : M. SARGOS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:01.20219
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