AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt déféré, que la Société de cautionnement Le Débit de tabac, aux droits de laquelle est venue la Société européenne de cautionnement "Le Débit de tabac" (la caution), s'est portée caution solidaire envers la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (la SEITA), fournisseur de tabac de la société en nom collectif gérée par M. X... (le débiteur principal) ;
que ce dernier ayant été mis en redressement judiciaire, la caution a désintéressé la SEITA du montant de sa créance contre le débiteur principal, puis s'est retournée contre la Caisse régionale de Crédit mutuel du Sud-Ouest (la Caisse), qui avait consenti un cautionnement en sa faveur ; que la cour d'appel a "débouté" la caution sur le fondement des dispositions de l'article 2037 du Code civil, au motif qu'elle avait omis d'exercer l'action en revendication du stock de tabac dans laquelle elle était subrogée du fait du paiement effectué par elle entre les mains du créancier ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 568, alinéa 1er et 570, I, 2 du Code général des impôts ;
Attendu que l'Administration dispose d'un monopole de vente au détail des tabacs manufacturés qui oblige tout fournisseur de tabac à conserver la propriété des tabacs depuis leur entrée ou leur fabrication en France jusqu'à leur vente au détail après consignation chez le débitant et qui institue, au profit exclusif de ce fournisseur, un droit de propriété qui n'est pas transféré au créancier subrogé ;
Attendu que pour débouter la caution de son action à l'encontre de la sous-caution, l'arrêt retient que si la subrogation de la caution définie à l'article 2029 du Code civil ne comporte aucune limitation, la société Le Débit de tabac dans le courrier de son mandataire au représentant des créanciers du 3 avril 1996 reconnaît expressément son droit à revendiquer, en vertu de la subrogation, la propriété du stock de tabac exclu de l'actif comme propriété de la SEITA jusqu'à sa vente au détail, en sorte que la carence de la société Le Débit de tabac à exercer l'action en revendication du stock dans le délai légal empêche la Caisse de bénéficier à son tour du droit de propriété sur ce stock ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1356 du Code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande de la caution, l'arrêt retient encore que la société Le Débit de tabac dans le courrier de son mandataire au représentant des créanciers du 3 avril 1996 reconnaît expressément son droit à revendiquer, en vertu de la subrogation, la propriété du stock de tabac exclu de l'actif comme propriété de la SEITA jusqu'à sa vente au détail ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'opinion formulée par les parties sur un point de pur droit ne constitue pas un aveu judiciaire liant le juge, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que pour débouter la caution de son action, l'arrêt retient enfin que la caution bancaire accordée par la Caisse à M. X... au profit de la société Le Débit de tabac est expressément limitée aux "factures de tabac impayées à la SEITA" et ne peut être appliquée qu'à la valeur de vente du tabac à l'exclusion du montant des droits de consommation ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'acte de cautionnement stipulait que l'engagement couvrait "le montant des factures de tabac impayées", sans distinguer entre la valeur de vente du tabac et le droit de consommation sur le tabac, la cour d'appel a dénaturé cet l'acte et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 avril 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne la Caisse régionale du Crédit mutuel du Sud-Ouest aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la Caisse régionale de Crédit mutuel du Sud-Ouest à payer à la Société européenne de cautionnement Le Débit de tabac la somme de 1 800 euros ; rejette la demande de la Caisse régionale de Crédit mutuel du Sud-Ouest ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le conseiller doyen faisant fonctions de président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille deux.