AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que M. X... et 50 autres dockers du port de Sète, revendiquant la qualification de dockers professionnels au sens de l'article L. 511-2 du code des ports maritimes et soutenant qu'ils sont liés à leur employeur par contrat à durée indéterminée depuis leur embauche en qualité d'ouvriers "complémentaires", ont saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que les dockers font grief à l'arrêt attaqué (Montpellier, 23 mai 2000) de les avoir déboutés de leur demande alors, selon le moyen :
1 / qu'il résulte des dispositions de l'article 1er-II de la loi n° 92-496 du 9 juin 1992, modifiant l'article L. 511-2 du Code des ports maritimes, que les ouvriers dockers professionnels sont soit mensualisés, soit intermittents, et que relèvent de la catégorie des ouvriers dockers professionnels mensualisés ceux qui sont liés à leur employeur par un contrat à durée indéterminée, sans qu'il soit exigé qu'il leur faille être titulaire de la carte professionnelle ; de sorte qu'en considérant qu'il ressort de ces dispositions d'ordre public et d'interprétation restrictive que le critère déterminant de rattachement au statut des dockers professionnels est la possession de la carte "G" au 1er janvier 1992, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 511-2 du Code des ports maritimes ;
2 / qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 122-1, L. 122-1-1, 3 , L. 122-3-1 et L. 122-3-13 du Code du travail que les contrats à durée déterminée successifs non écrits et conclus pour pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise sont réputés conclus pour une durée indéterminée, sans que les contrats pour lesquels il est d'usage constant, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par accord collectif étendu, de ne pas conclure des contrats à durée indéterminée fassent exception à la règle ; de sorte qu'en rejetant la demande de requalification de ces contrats en contrats à durée déterminée sui generis, tout en constatant la permanence de l'emploi, au seul motif que l'employeur ne serait pas identifié et que l'activité des salariés s'inscrirait dans le cadre strictement défini par les dispositions du Code des ports maritimes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a privé sa décision de base légale tant au regard des dispositions précitées du Code du travail que de celles des articles L. 511-2 et L. 511-5 du Code des ports maritimes ;
3 / qu'il résulte des dispositions de la convention n° 137 de l'Organisation internationale du travail, signée à Genève le 25 juin 1973 et introduite dans notre ordre interne par décret n° 81-245 du 9 mars 1981, que sont des dockers professionnels les ouvriers disponibles de manière régulière pour un travail de docker et qui tirent leur revenu annuel principal de ce travail, des registres étant établis et tenus à jour pour leur immatriculation, et une priorité d'emploi leur étant reconnue ; de sorte que la cour d'appel, en réservant la qualité de dockers professionnels aux seuls titulaires de la carte "G", a fait prévaloir une interprétation de la loi du 9 juin 1992 non conforme à la convention n° 137 précitée, violant ainsi les dispositions de l'article L. 511-2 du Code des ports maritimes, telles que devant être interprétées à la lumière des articles 1 à 3 de la convention n° 137 de l'O.I.T. ;
Mais attendu qu'il résulte des dispositions des articles L. 511-1 à L. 511-5 du Code des ports maritimes relatifs à l'organisation de la main d'oeuvre dans les entreprises de manutention que dans les ports maritimes concernés, les dockers sont classés entre la catégorie des ouvriers dockers professionnels (mensualisés ou intermittents) et ouvriers dockers occasionnels ; que les entreprises de manutention portuaire ont l'obligation de recruter les ouvriers dockers professionnels mensualisés en priorité et, dans l'ordre, parmi les ouvriers professionnels intermittents puis parmi les ouvriers dockers occasionnels ; que ces derniers constituent une main d'oeuvre d'appoint, à laquelle il n'est fait appel qu'en cas d'insuffisance du nombre des dockers professionnels intermittents, et qui n'est pas tenue de se présenter à l'embauche et peut travailler ailleurs que sur le port sans autorisation spéciale ;
Et attendu que la cour d'appel ayant relevé que les intéressés, qui n'étaient pas titulaires de la carte professionnelle mentionnée à l'article L. 511-2 du Code des ports maritimes, avaient reçu une lettre du 26 mai 1993, indiquant à chacun d'eux les règles d'embauche leur précisant qu'ils étaient autorisés à se présenter à l'embauche du bureau central de la main d'oeuvre, lorsque les contrôleurs les y auraient invités ; que cette autorisation ne leur donnait aucun droit à la priorité d'embauche ni à l'attribution d'une carte professionnelle ; qu'elle a par ailleurs retenu que les conditions d'emploi étaient bien celles des ouvriers dockers occasionnels ; qu'elle a pu en déduire, sans encourir les griefs du moyen et sans violer les dispositions de la convention n° 137 de l'Organisation internationale du travail introduite dans le droit interne par décret n° 81-245 du 9 mars 1981, que les intéressés ne pouvaient prétendre à la qualité d'ouvrier docker professionnel telle qu'elle résulte du statut spécifique applicable à cette catégorie de salariés ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille deux.