AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 22 mai 2001) que par actes des 23 et 25 novembre 1994, le liquidateur de la société Nouvelle des chantiers normands réunis a vendu diverses parcelles à la commune de Courseulles-sur-Mer après que celle-ci ait exercé son droit de préemption ; que par jugement en date du 11 juillet 1995, le tribunal administratif de Caen a prononcé la nullité de la décision de préemption ;
que M. X... et la société X... marine, sur l'offre d'acquisition desquels la commune de Courseulles-sur-Mer avait fait valoir son droit de préemption, ont sollicité l'annulation des actes de vente des 23 et 25 novembre 1994 ;
Attendu que la commune de Courseulles-sur-Mer et M. Y..., ès qualité de liquidateur de la société Nouvelle de chantiers normands font grief à l'arrêt d'accueillir la demande alors que, selon le moyen :
1 / que sauf circonstances exceptionnelles qui n'étaient pas établies en l'espèce, l'action en nullité relative d'un contrat est une action attitrée, qui n'est ouverte qu'à celui des cocontractants que la règle transgressée a voulu protéger en établissant la nullité ; qu'en reconnaissant que constituait une nullité relative la nullité qui affectait le contrat de vente passé entre M. Y... et la commune de Courseulles-sur-Mer consécutivement à l'annulation de la décision de préemption, et en décidant, néanmoins, que M. X..., tiers à ce contrat, pouvait se prévaloir de la nullité relative qui l'entachait, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient, et violé l'article 31 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que l'action en nullité relative d'un contrat est une action attitrée, qui n'est ouverte qu'à celui des cocontractants que la règle transgressée a voulu protéger en établissant la nullité ; qu'en reconnaissant que constituait une nullité relative la nullité qui affectait le contrat de vente passé entre M. Y... et la commune de Courseulles-sur-Mer consécutivement à l'annulation de la décision de préemption, et en décidant, néanmoins, sans justifier, par des constatations concrètes, en quoi M. X..., tiers à ce contrat, avait qualifié pour se prévaloir de la nullité relative qui l'entachait, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle, et privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / et en tout état de cause, qu'à supposer que l'acquéreur évincé ait qualité pour exercer l'action en nullité relative d'un contrat de vente en raison de l'annulation de la décision de préemption, encore faut-il, pour prospérer dans cette action, qu'il y ait intérêt, ce qui suppose qu'il tienne encore des droits du contrat qu'il avait passé avec le vendeur avant la cession réalisée au profit du titulaire du droit de préemption et que ces droits aient été conservés dans leur état initial ; qu'en estimant qu'il n'apparaissait pas qu'il existait une impossibilité juridique à ce que M. Y... cède les parcelles litigieuses à M. Jacques X..., sans rechercher si les parcelles aliénables et les parcelles situées sur le domaine privé et le domaine public de la commune ne formaient pas un ensemble indivisible, ni établir que la vente de ces parcelles, dont certaines étaient la propriété de la commune, étaient, malgré cette circonstance, encore possible aux conditions déterminées par l'ordonnance du juge-commissaire qui l'avait autorisée, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du nouveau Code de procédure civile ;
4 / que l'action en nullité relative d'un contrat ne peut être intentée que par le ou les cocontractants que la loi a voulu protéger en établissant la nullité ; qu'en constatant que constituait une nullité relative la nullité affectant le contrat de vente conclu entre M. Y... ès qualités, et la commune de Courseulles-sur-Mer en raison de l'annulation de la décision de préemption pour décider que M. Jacques X... tiers à ce contrat pouvait se prévaloir de cette nullité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et ainsi violé l'article 1108 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que le juge-commissaire aux opérations de la liquidation judiciaire de la société Nouvelle des chantiers normands réunis avait autorisé la vente à M. X... d'un ensemble de parcelles situées sur la commune de Courseulles-sur-Mer dont il n'était pas contesté qu'elles appartenaient à la société Nouvelle des chantiers normands réunis, que destinataire d'une déclaration d'intention d'aliéner à M. X..., cette commune avait exercé son droit de préemption par une décision ultérieurement annulée par le tribunal administratif, que la nulllité qui résultait de cette décision était une nullité relative et que si aucun accord n'était intervenu entre le liquidateur et la société X... marine sur un droit initial à acquérir l'immeuble, M. X... qui était l'acquéreur évincé, avait un intérêt à agir à raison de l'exercice irrégulier du droit de préemption et était recevable en sa demande en annulation de la vente, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne, ensemble, la commune de Courseulles-sur-Mer et M. Y... ès qualités à payer la somme de 1 900 euros à M. X... et à la société X... marine, ensemble ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ès qualités ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille deux.