AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte aux demandeurs de leur désistement envers les sociétés Volkswagen et l'Unofi ;
Sur le moyen unique pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Chambéry, 13 décembre 1999) que, par jugement du 5 novembre 1991 le tribunal d'Albertville a prononcé le redressement judiciaire de la société des Quatre vallées, de M. X..., de Mme X..., de la SCI Arly Pasteur, de la Société Jean Jaurès, de l'EURL Le Panoramique, de la SCI La Piramenta, de la SCI Pont du Rhône, de la SCI Cristal et de la SCI Les Jorets, puis, par jugement du 13 octobre 1992, a prononcé la confusion des patrimoines de ces personnes physiques et morales et a fixé au 5 mai 1990 la date de cessation des paiements ; que M. Y..., agissant en qualité d'administrateur judiciaire de ces dix personnes physiques et morales, et celles-ci, ont assigné M. Z..., représentant des créanciers et la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, aux fins de voir condamner cette dernière "à la contre-valeur relative au comblement du passif de l'ensemble du groupe X...", en lui reprochant la signature, le 26 octobre 1988, de deux attestations sur le fondement desquelles la Société de développement régional lui aurait accordé un crédit ayant abouti à la déconfiture du groupe ;
Attendu que les personnes morales et physiques précitées ainsi que M. Y..., agissant en sa qualité d'administrateur judiciaire, font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leur action en responsabilité dirigée contre la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, alors, selon le moyen :
1 / que la première faute du Crédit agricole résultait de la certification auprès de la SDR, le 26 octobre 1988, en connaissance des difficultés financières de son client, le groupe X..., du fait non vérifié que les associés de la filiale SCI Cristal étaient en mesure d'effectuer un apport personnel de 3 300 000 francs, en sachant que ce fait était une condition suspensive du prêt consenti le 25 octobre 1988 par la SDR qui, dans la croyance erronée de la réalisation de la condition, avait remis les fonds à l'emprunteur dès le 3 novembre 1988 ; qu'en décidant le contraire, par des motifs inopérants tirés, d'une part, de ce "l'attestation de M. A..., notaire, en date du 5 novembre 1986, mentionnant divers biens mobiliers et immobiliers des époux X...", dépourvus d'explication sur la valeur de ce patrimoine à la date de la certification, et d'autre part, de ce "qu'aucun élément ne démontre que les attestations litigieuses soient directement à l'origine des difficultés financières du groupe X... et du dépôt de bilan intervenu trois ans après leur rédaction", quand il suffisait que le prêt litigieux eût accru l'endettement du groupe à la veille de sa cessation des paiements fixée au 5 mai 1990, soit 18 mois plus tard, enfin de ce que "ces attestations ne comportent pas d'affirmations péremptoires pouvant à elles seules être à l'origine de la croyance qu'aurait eue la SDR de l'apport effectif par les associés de la somme de 3 300 000 francs", quand il ne résultait pas des constatations de l'arrêt qu'un autre fait fût intervenu entre la certification litigieuse et le déblocage des fonds prêtés quelques jours plus tard, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
2 / que la seconde faute du Crédit agricole résultait de la certification auprès de la SDR, le 26 octobre 1988, en conscience de ce qu'il ne serait pas accordé à la SCI Cristal, filiale de son client, le groupe X..., un prêt de 400 000 francs, en sachant que ce fait était une conditions suspensive du prêt consenti le 25 octobre 1988 par la SDR qui, dans la croyance erronée de la réalisation de la condition, avait remis les fonds à l'emprunteur dès le 3 novembre 1988 ; qu'en décidant le contraire, par un motif inopérant tiré de ce qu'il ne s'agissait pas d'un "faux", la certification mentionnant seulement l'existence d'un accord de principe sur ce prêt" de 400 000 francs, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'après avoir constaté que le Crédit agricole produisait l'attestation de M. A..., notaire, en date du 5 novembre 1986, mentionnant les divers biens mobiliers et immobiliers propriétés des époux X..., l'arrêt relève qu'il n'est pas justifié qu'à l'époque du prêt litigieux cette situation patrimoniale se soit trouvée modifiée ; qu'il retient encore, par motifs propres et adoptés, qu'au vu de ces éléments, nécessairement fournis par M. X... en vue d'obtenir le prêt de la SDR, et alors qu'il n'est pas démontré que les associés de la SCI Cristal aient connu des difficultés financières, le Crédit agricole a pu indiquer de bonne foi que ceux-ci étaient en mesure d'apporter les fonds ;
qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu retenir que la faute alléguée n'était pas démontrée ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que la seconde attestation mentionnait seulement l'existence d'un accord de principe sur un prêt de 400 000 francs, la cour d'appel a pu en déduire que ce document ne constituait pas un faux ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société des Quatre vallées, M. X..., Mme X..., la SCI Arly Pasteur, la Société Jean Jaurès, l'EURL Le Panoramique, la SCI La Piramenta, la SCI Pont du Rhône, la SCI Cristal, la SCI Les Jorets, ainsi que M. Y..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, les condamne à payer à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie la somme globale de 1800 euros.
Condamne les demandeurs à une amende civile de 3 000 euros envers le Trésor public ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille deux.