AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu qu'aux termes d'un acte du 1er septembre 1982 instrumenté par M. X..., notaire, les consorts Y... ont vendu à MM. Z..., entrepreneurs de travaux publics, des parcelles de terre à l'exception d'un hangar métallique qui restait la propriété des vendeurs, au profit desquels était, en outre stipulé un pacte de préférence ; que par acte passé devant le même notaire le 3 septembre 1982, Mme A..., propriétaire de diverses autres parcelles de terres agricoles a, cédé à MM. Z... le droit d'exploiter une carrière sur certaines de ces parcelles pour une durée de trois ans ; qu'il était convenu entre les parties que les consorts Z... s'obligeaient, à l'expiration de ce contrat, à acquérir ces parcelles et à céder à titre d'échange à Mme A... les parcelles acquises des consorts Y... et sur lesquelles étaient édifiés une grange et le hangar métallique resté propriété des consorts Y... ; que les consorts Z... s'engageaient à maintenir et à livrer ces bâtiments dans leur état au jour de la signature de la promesse d'échange et, dans l'hypothèse de leur démolition, à payer une indemnité forfaitaire de 49 000 francs ; que la grange a été détruite par un incendie en 1982 et M. Y... a vendu à un tiers le hangar métallique dont il était resté propriétaire ; qu'en 1984, Mme A... qui avait reçu notification de la cessation d'exploitation de la carrière a sollicité la réalisation de la promesse d'échange ; qu'en 1992, Mme A... a obtenu judiciairement la condamnation de MM. Z... à la dédommager à hauteur de 45 075 francs pour la grange et de 3 925 francs pour la perte du hangar métallique ; que les époux A... ont assigné M. X... en
réparation du dommage résultant des fautes qu'il aurait commises en insérant dans l'acte d'échange des clauses incompatibles, d'avoir sous-évalué la valeur des bâtiments litigieux et de ne pas avoir alerté Mme A... de l'existence d'un pacte de préférence stipulé au profit des consorts Y... ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. A... fait grief à la cour d'appel (Toulouse, 5 janvier 1999) d'avoir déclaré irrecevables les conclusions des époux A... du 10 novembre 1998, postérieures à l'ordonnance de clôture dont le rabat était demandé, sans se prononcer sur l'existence d'une cause grave justifiant sa révocation, ni assortir sa décision d'aucun motif, violant ainsi les articles 455 et 458, ensemble l'article 784 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel n'était pas tenue de se prononcer sur l'existence d'une cause grave de révocation de l'ordonnance de clôture, qui n'était pas invoquée, la seule référence générale et abstraite au principe de la contradiction ne pouvant y suppléer ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen pris en ses deux branches :
Attendu que M. A... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé qu'aucune faute ne pouvait être retenue à l'encontre du notaire du fait de la rédaction des clauses de l'acte du 3 septembre 1982, alors, selon le moyen :
1 / que pour rejeter les demandes des époux A..., la cour d'appel a énoncé qu'ils n'établissaient aucun manquement du notaire à ses obligations, inversant ainsi la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du Code civil ;
2 / que la cour d'appel, en ne répondant pas aux conclusions des époux A... faisant valoir que les bâtiments évalués à 49 000 francs dans l'acte avaient fait l'objet d'une évaluation plus de dix fois supérieure par l'assurance et que grâce à la rédaction ambiguë des clauses de l'acte, M. Z... s'était vu octroyer une somme de 522 812 francs pour les bâtiments laissant à Mme A... une indemnité de 42 192 francs, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que la preuve par un notaire de l'exécution de l'obligation de conseil qui lui incombe, peut résulter de toute circonstance ou document établissant que le client a été averti des risques inhérents à l'acte que ce notaire a instrumenté ; que c'est sans inverser la charge de la preuve que l'arrêt relève qu'il ne résultait ni des clauses de l'acte, ni de l'attestation produite, ni de la feuille manuscrite, que la faute alléguée fût établie ; qu'ensuite, répondant aux conclusions prétendument délaissées, l'arrêt retient qu'il n'était pas démontré que la somme due forfaitairement en cas de démolition n'avait pas été librement convenue ; que le moyen ne peut donc être accueilli en aucune de ses branches ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir décidé qu'aucune faute ne pouvait être retenue contre le notaire pour n'avoir pas mentionné le pacte de préférence dans l'acte d'échange, alors, selon le moyen, qu'en se bornant à énoncer que la réalisation d'un échange portant sur quelques unes des parcelles vendues n'emportait pas obligation de notifier l'acte prévu, les consorts Y... ne pouvant offrir les mêmes contreparties que celles proposées par M. et Mme A..., et qu'en statuant par ce motif inopérant sans rechercher si, avertie de l'existence du pacte de préférence, Mme A... aurait signé l'acte d'échange en l'état, de sorte que l'absence de notification de ce pacte lui avait causé un préjudice dès la signature de l'acte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'il résulte de l'arrêt que les époux Y... n'ayant pas demandé la réalisation du pacte de préférence, Mme A... ne justifiait d'aucun préjudice ; que par ce motif substitué, proposé par le mémoire en défense, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. A... à payer à M. X... la somme de 1 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf octobre deux mille deux.