AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux octobre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller ANZANI et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Le PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE PARIS,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 1er juillet 2002, qui, dans l'information suivie contre Rosana X..., du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a annulé des actes de la procédure et ordonné sa mise en liberté ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 336 du Code des douanes et 173 du Code de procédure pénale ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que des fonctionnaires des douanes ont procédé, à l'aéroport de Roissy, au contrôle d'une passagère en provenance de Sao Paulo ;
que celle-ci, questionnée en langue espagnole, a répondu qu'elle n'avait rien à déclarer ; qu'à la même question posée en langue portugaise, elle a donné la même réponse ; qu'après présentation de son passeport brésilien, Rosana X... a fait l'objet d'une visite à corps qui a permis la découverte de 4 kg de cocaïne ; que les fonctionnaires des douanes lui ont alors notifié, en langue espagnole, la saisie de la drogue, ainsi que sa mise en retenue douanière à compter de 15 heures 15 ; qu'à 19 heures 30, les services de l'OCRTIS lui ont notifié son placement en garde à vue, et ont poursuivi la procédure avec l'assistance d'un interprète en langue portugaise ;
Attendu que, pour faire droit à la requête en annulation de la procédure formulée par Rosana X... au motif que son placement en retenue douanière lui aurait été notifié dans une langue qu'elle ne comprenait pas, les juges énoncent "qu'ayant recours à un tiers parlant portugais pour s'assurer que Rosana X... comprenait l'espagnol, les fonctionnaires des douanes ont révélé leur incapacité à communiquer avec celle-ci en langue espagnole" ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que, d'une part, il ressort du procès-verbal établi par les fonctionnaires des douanes que la langue espagnole était "parlée, comprise et acceptée par l'intéressée", et alors que, d'autre part, la présence de l'interprète en langue portugaise pendant le déroulement de la procédure ultérieure ne saurait, à elle seule, établir que celle-ci ne comprenait pas la langue espagnole, la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 1er juillet 2002, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Joly conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Anzani conseiller rapporteur, Mme Mazars, MM. Beyer, Pometan conseillers de la chambre, MM. Desportes, Ponsot, Valat, Mme Salmeron conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Chemithe ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;