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10/10/2002 | FRANCE | N°00-11972

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 10 octobre 2002, 00-11972


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'association "Réseau Voltaire pour la liberté d'expression" (l'association) a publié, dans une Note d'information n° 129-130 datée du 29 juillet au 11 août 1997, un article intitulé "L'affaire X...", et sous-titré "Le 22 août 1997, S.S. le pape Jean-Paul II se recueillera sur la tombe du professeur Jérôme X... à Chalo-Saint-Mars, près d'Etampes", "Jérôme X... : un médecin antisémite, antimaçonniq

ue, homophobe et anti-IVG" ; que l'article prétendait illustrer ces allégations en ret...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'association "Réseau Voltaire pour la liberté d'expression" (l'association) a publié, dans une Note d'information n° 129-130 datée du 29 juillet au 11 août 1997, un article intitulé "L'affaire X...", et sous-titré "Le 22 août 1997, S.S. le pape Jean-Paul II se recueillera sur la tombe du professeur Jérôme X... à Chalo-Saint-Mars, près d'Etampes", "Jérôme X... : un médecin antisémite, antimaçonnique, homophobe et anti-IVG" ; que l'article prétendait illustrer ces allégations en retraçant la carrière de Jérôme X..., décédé le 3 avril 1994 ; que l'article mentionnait notamment son action contre l'avortement, sa crainte d'un "complot judéo-maçonnique dirigé par les Y... et dont le but était de détruire la civilisation chrétienne en la réduisant démographiquement par la propagation de l'homosexualité et de l'IVG", la publication d'un livre intitulé "L'Enceinte concentrationnaire", "de type négationniste", soutenant que "la destruction de six embryons congelés serait un crime aussi grave que l'extermination de six millions de juifs" ; que par actes d'huissier de justice des 22 septembre et 3 octobre 1997, Mme Birthe Z... veuve X..., Mme Karin X... épouse A..., Mme Clara X... épouse B..., Mme Anouk X... épouse C..., M. Thomas X... (les consorts X...), agissant en qualité d'héritiers de Jérôme X..., ont fait assigner devant le tribunal de grande instance l'association et M. D..., directeur de la publication des Notes d'information du Réseau Voltaire, en réparation du préjudice causé par la diffamation envers la mémoire d'un mort, sur le fondement des articles 29, alinéa 1er, 32 et 34 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt du 11 juin 1999 d'avoir rejeté cette demande, alors, selon le moyen :

1 ) que pour que la diffamation dirigée contre la mémoire des morts ouvre doit à réparation, il n'est pas nécessaire que les propos ou les écrits incriminés contiennent l'imputation de faits précis contre les héritiers ; qu'il suffit qu'elle ait été commise avec l'intention de nuire aux héritiers de la personne décédée, en faisant allusion directement ou indirectement à eux dans l'écrit diffamatoire ; qu'en l'espèce, l'écrit diffamatoire, qui traitait le professeur X... de médecin "antisémite, antimaçonnique, homophobe et négationniste", ajoutait que "la famille de Jérôme X... a fondé une "Associati on des amis du professeur X..." ; qu'il faisait donc une allusion directe aux membres de sa famille, accusés d'être les conjoint ou enfants d'un médecin prétendument "antisémite, antimaçonnique, homophobe et négationniste" et portait ainsi atteinte à leur honneur et à leur considération ; qu'en jugeant cependant que les consorts X... ne pouvaient fonder leur action sur les dispositions de l'article 34 de la loi du 29 juillet 1881, faute pour eux de remplir les conditions exigées par ce texte, la cour d'appel l'a violé par refus d'application ;

2 ) que l'écrit diffamatoire ajoutait que parmi les administrateurs fondateurs de "l'Association des amis du professeur X...", "on trouve une fille du défunt, Clara E..., directeur de cabinet de Colette F..., d'abord au ministère de la Solidarité entre les générations, puis aujourd'hui au Fonds d'action sociale" ; qu'il faisait donc une allusion directe à Mme Clara E..., fille du professeur X..., dont il affirmait qu'il était un médecin "antisémite, antimaçonnique, homophobe et négationniste" ; qu'il portait atteinte à l'honneur et à la considération de Mme Clara E... ; qu'en rejetant cependant l'action de celle-ci, la cour d'appel a violé l'article 34 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Mais attendu que l'arrêt retient que la demande est fondée principalement sur l'infraction de diffamations dirigées contre la mémoire d'un mort, prévue par l'article 34 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'aux termes de ce texte, la poursuite de tels faits n'est possible que dans le cas où les auteurs de diffamations ont eu l'intention de porter atteinte à la considération des héritiers, époux ou légataires universels vivants ; que, selon les consorts X..., M. D... et l'association ont diffamé la mémoire du professeur X... et ont eu la volonté de nuire à la famille du défunt, en particulier à sa fille, Mme Clara X..., épouse B..., citée dans l'article ; que si celle-ci est nommée dans le dernier alinéa de l'article relatif aux activités des membres de la famille X..., les propos qui lui sont consacrés se bornent à faire état de ses fonctions au cabinet de Mme Colette F... au ministère de la Solidarité entre les générations, puis au Fonds d'action sociale ; que ces propos ne traduisent ainsi aucune volonté particulière de nuire à cette personne ;

que les autres membres de la famille sont évoqués uniquement comme fondateurs d'une association des amis du professeur X... ; que l'article ne contient aucune mention susceptible de traduire une volonté de porter atteinte aux enfants ou à la veuve du professeur X... qui était seul visé par les qualificatifs estimés diffamatoires par les plaignants ;

Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que l'action des consorts X..., fondée sur les dispositions de l'article 34 de la loi de 1881 ne pouvait être accueillie, faute pour eux de remplir les conditions exigées par ce texte ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt du 19 novembre 1999 de les avoir déboutés de leur demande subsidiaire fondée sur l'article 1382 du Code civil, alors, selon le moyen, qu'en ne recherchant pas, comme cela le lui était expressément demandé, si les imputations diffamatoires faites à l'encontre de leur mari et père ne constituaient pas des fautes de nature à causer un préjudice aux consorts X... en raison de l'affection qu'ils lui portaient, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;

Que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués par le moyen, la décision se trouve légalement justifié ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les consorts X... aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille deux.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 00-11972
Date de la décision : 10/10/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

PRESSE - Abus de la liberté d'expression - Définition - Atteinte à la mémoire d'un mort - Atteinte à l'honneur ou à la considération des héritiers, époux ou légataires universels vivants - Intention de porter atteinte à leur réputation - Nécessité .

PRESSE - Abus de la liberté d'expression - Définition - Atteinte à la mémoire d'un mort - Atteinte à l'honneur ou à la considération des héritiers, époux ou légataires universels vivants - Seule indication dans un article de leurs noms, de leurs fonctions et de leur qualité de fondateur d'une association des amis du défunt - Portée

L'action en réparation du préjudice causé par l'infraction de diffamation envers la mémoire d'un mort, prévue par l'article 34 de la loi du 29 juillet 1881, ne peut être accueillie du seul fait de l'indication, dans un article diffamatoire envers le défunt, des noms des héritiers, époux ou légataires universels vivants, avec la mention de leurs fonctions ou de leur qualité de fondateur d'une association des amis du défunt, en l'absence de mentions établissant l'intention de porter atteinte à la réputation de ces personnes.


Références :

Code civil 1382
Loi du 29 juillet 1881 art. 34

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 juin 1999


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 10 oct. 2002, pourvoi n°00-11972, Bull. civ. 2002 II N° 222 p. 175
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2002 II N° 222 p. 175

Composition du Tribunal
Président : M. Ancel .
Avocat général : Premier avocat général :M. Benmakhlouf.
Rapporteur ?: M. Guerder.
Avocat(s) : la SCP Boré, Xavier et Boré.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:00.11972
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