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24/09/2002 | FRANCE | N°00-16242

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 septembre 2002, 00-16242


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par les sociétés GPK Finance et CLC Bourse, que sur les pourvois incident et incident subsidiaire relevés par les sociétés du "groupe" Guyomarc'h :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, 1er décembre 1998, n° 2005 P), que, par souci de simplification de la gestion des fonds communs de placement (FCP), l'administration fiscale a, dans une instruction d

u 13 janvier 1983, autorisé ceux-ci à procéder à un réajustement de la masse ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par les sociétés GPK Finance et CLC Bourse, que sur les pourvois incident et incident subsidiaire relevés par les sociétés du "groupe" Guyomarc'h :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, 1er décembre 1998, n° 2005 P), que, par souci de simplification de la gestion des fonds communs de placement (FCP), l'administration fiscale a, dans une instruction du 13 janvier 1983, autorisé ceux-ci à procéder à un réajustement de la masse des crédits d'impôt attachés aux produits perçus par le fonds au titre d'un exercice donné à raison des valeurs mobilières par lui détenues, afin de permettre, lors de la répartition desdits produits, le transfert, aux porteurs de parts du fonds, d'un crédit d'impôt unitaire de même montant pour chacune des parts de celui-ci, indépendamment de la date de leur souscription entre l'ouverture de cet exercice et la répartition des produits devant intervenir dans un délai de quatre mois à compter de la clôture du même exercice ; que cette mesure, qui avait pour effet de créer des crédits d'impôt ne correspondant à aucune retenue préalable au profit du Trésor public, à concurrence de la différence entre la masse des crédits d'impôt transférée par le FCP aux porteurs de parts et la masse des crédits d'impôt réellement délivrés au FCP par les émetteurs des valeurs mobilières détenues au sein du fonds, a été détournée de son objectif initial, par la multiplication des souscriptions de parts dans les jours précédant la répartition des produits, dans l'unique

but de créer artificiellement des crédits d'impôt supplémentaires au profit des entreprises souscriptrices, qui cédaient ces parts immédiatement après la répartition, mais étaient ainsi en mesure d'imputer les crédits d'impôt attachés aux produits qu'elles avaient perçus, sur l'impôt dont elles étaient elles-mêmes redevables ; que l'administration fiscale a décidé de mettre un terme à cette pratique et a procédé à des contrôles auprès des souscripteurs de parts de FCP ayant bénéficié de crédits d'impôt pour un montant important ; que des redressements ont ainsi été notifiés, en 1990 et 1991, sur le fondement de la procédure de l'abus de droit, à quatre sociétés du "groupe" Guyomarc'h : Guyomarc'h alimentaire, Royal canin, Guyomarc'h nutrition animale, devenue Evialis, et Diana ingrédients, qui, en 1987 et 1988, avaient souscrit, par l'intermédiaire des sociétés Conception bureautique et organisation du travail (CBOT) et auxiliaire de participation (SAP), des parts de FCP, dont la société de bourse Gorgeu Perquel Krucker (GPK), aujourd'hui dénommée CLC Bourse, était dépositaire, et la société Gestion patrimoniale et financière (GPF), devenue GPK Finance, la gérante ; qu'après avoir transigé avec l'administration fiscale, les sociétés du "groupe" Guyomarc'h ont assigné les sociétés GPK, GPF, SAP et CBOT en remboursement du montant des crédits d'impôt dont l'imputation leur avait été refusée par l'Administration, des pénalités fiscales qu'elles devaient, par conséquent, supporter et des commissions qu'elles avaient versées ; que par jugement du 6 juillet 1994, rectifié le 7 décembre 1994, le tribunal de commerce a condamné SAP et GPK, d'une part, et CBOT et GPK, d'autre part, à payer certaines sommes au "groupe" Guyomarc'h ;

que la cour d'appel ayant infirmé cette décision, par arrêt du 16 janvier 1996, en rejetant les demandes du "groupe" Guyomarc'h, celui-ci s'est pourvu en cassation ; que, par décision du 1er décembre 1998, l'arrêt de la cour d'appel a été cassé dans toutes ses dispositions, et la cause et les parties renvoyées devant la même cour ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses trois branches :

Attendu que GPK Finance et CLC Bourse font grief à l'arrêt de les avoir condamnées solidairement à payer une certaine somme à titre de dommages et intérêts aux sociétés du "groupe" Guyomarc'h, alors, selon le moyen :

1 / qu'il était acquis aux débats que les sociétés redressées du "groupe" Guyomarc'h se sont vues dans l'impossibilité de se prévaloir des dispositions fiscales dérogatoires et notifier un redressement fiscal sur le fondement de l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales en raison de l'abus de droit qu'elles ont reconnu dans la transaction signée avec l'Administration ; que les demanderesses au pourvoi faisaient valoir que ce dommage se serait ainsi nécessairement produit, quel que soit le fonctionnement régulier ou non des FCP ; qu'en énonçant que l'impossibilité de se prévaloir des dispositions fiscales dérogatoires trouvait nécessairement sa cause dans le non-respect par les gérants et dépositaires des fonds de l'article 100 de l'instruction du 13 janvier 1983, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1151 du Code civil ;

2 / que les transactions signées entre les sociétés du "groupe" Guyomarc'h et l'administration fiscale ont emporté renonciation des premières à contester les redressements effectués sur le fondement de l'abus de droit qui lui était reproché ; qu'en constatant l'existence de la transaction et en considérant néanmoins que le fonctionnement irrégulier des fonds communs de placement aurait privé le "groupe" Guyomarc'h de la possibilité de se prévaloir des dispositions fiscales dérogatoires, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 2052 et 1147 du Code civil ;

3 / qu'à supposer que les fonds communs de placement n'aient pas régulièrement fonctionné, les gérants et dépositaires ne pouvaient être condamnés que s'il en découlait directement un préjudice certain ; qu'en l'espèce, il n'était pas certain qu'en l'absence de transaction, l'Administration aurait privé les sociétés du "groupe" Guyomarc'h du bénéfice des dispositions fiscales dérogatoires motif pris d'un fonctionnement prétendument irrégulier des fonds communs de placement ; qu'en affirmant que le fonctionnement irrégulier des fonds communs de placement était le fait générateur de l'impossibilité de se prévaloir des dispositions fiscales dérogatoires, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu, que le préjudice invoqué par les sociétés du "groupe" Guyomarc'h trouve son origine dans les redressements qui, quel que soit leur fondement, leur ont été notifiés par l'administration fiscale ;

que la transaction, signée entre ces sociétés et l'Administration, n'a eu pour effet que de mettre fin à un contentieux sur le bien fondé de ces redressements, dont l'issue n'était pas certaine, en contrepartie d'une réduction importante du montant des sommes réclamées ; que compte tenu de l'avis et des décisions du Conseil d'Etat des 8 avril 1998, et 26 octobre 2001, il apparaît qu'en l'absence d'une telle transaction, et malgré la renonciation de l'Administration à se prévaloir, dans cette hypothèse, de la procédure de répression des abus de droit, la contestation du redressement engagée par les sociétés Guyomarc'h n'aurait eu de chance de succès, que dans la mesure où celles-ci auraient été en droit d'opposer à un redressement, dès lors fondé sur l'article 199 ter A du Code général des impôts par substitution de base légale, les dispositions de l'article L. 80 A du Livre des procédures fiscales, ce qui n'aurait été le cas, que si, grâce aux éléments recueillis auprès des fonds communs de placement concernés, seuls détenteurs de ceux-ci, elles avaient pu combattre les affirmations de l'administration fiscale en montrant que ces fonds avaient fonctionné en respectant les conditions auxquelles l'instruction 4 K-1-83 du 13 janvier 1983 subordonnait, dans son article 100, le bénéfice de l'interprétation qu'elle donnait ; que dès lors, la cour d'appel, qui a retenu que les fonds communs de placement en cause ne pouvaient être regardés comme ayant fonctionné dans des conditions conformes aux dispositions législatives, réglementaires et statutaires qui leur étaient applicables, a pu décider que la transaction n'avait pas rompu le lien de causalité et qu'elle ne pouvait être regardée comme la cause du dommage invoqué ; qu'ainsi, la cour d'appel a légalement justifié sa décision sans méconnaître les dispositions visées par le moyen ; que celui-ci n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en ses deux branches :

Attendu que GPK Finance et CLC Bourse font encore grief à l'arrêt de les avoir condamnées solidairement à payer une certaine somme à titre de dommages et intérêts aux sociétés du "groupe" Guyomarc'h, alors, selon le moyen :

1 / que le gérant d'un fonds commun de placement s'engage à placer les capitaux apportés par les souscripteurs, à répartir entre ces derniers, dans le respect des règles légales, réglementaires et statutaires, les produits des valeurs mobilières possédées en portefeuille et de leur transférer les crédits d'impôt attachés aux revenus distribués, calculés et déterminés suivant les textes fiscaux en vigueur ; que la délivrance des crédits d'impôt est une obligation accessoire et mécanique à la répartition des revenus ; qu'en considérant que les gérant et dépositaire avaient l'obligation de résultat, par la délivrance d'un certificat de crédit d'impôt, de permettre au souscripteur de bénéficier des dispositions fiscales dérogatoires permettant l'imputation du crédit d'impôt, la cour d'appel a méconnu l'objet du fonds commun de placement et l'obligation des gérant et dépositaire, violant ainsi les articles 11, 13 et 26 de la loi du 13 juillet 1979 et l'article 1147 du Code civil ;

2 / que les gérant et dépositaire d'un fonds commun de placement sont uniquement tenus de gérer les valeurs mobilières possédées en portefeuille ainsi que d'exécuter les ordres d'achat et revente des parts des fonds communs de placement que leur adressent les souscripteurs, lesquels maîtrisent seuls la fréquence des achats et ventes, le nombre et la durée de détention des parts ; que les gérants et dépositaires des fonds communs de placement n'ont pas à apprécier l'opportunité de la politique spécifique d'investissement décidée par chaque souscripteur ; qu'en considérant que les gérant et dépositaire avaient l'obligation de résultat de permettre au souscripteur de bénéficier des dispositions fiscales dérogatoires, la cour d'appel a méconnu l'objet du fonds commun de placement et l'obligation des gérant et dépositaire, violant ainsi les articles 11,13, 26 de la loi du 13 juillet 1979 et l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu, que, si les gérants et dépositaires de fonds communs de placement nont pas à apprécier l'opportunité de la politique spécifique d'investissement décidée par chaque souscripteur de parts de ceux-ci, le gérant d'un fonds commun de placement s'engage notamment, ainsi que le précise le moyen lui-même, à transférer aux souscripteurs les crédits d'impôt attachés aux revenus distribués, "calculés et déterminés suivant les textes fiscaux en vigueur" ; qu'en outre, comme l'a rappelé la cour d'appel, le dépositaire, qui reçoit les souscriptions, et exécute les ordres du gérant concernant les achats et ventes de titres, ainsi que ceux relatifs à l'exercice des droits de souscription et d'attribution attachés aux valeurs comprises dans le fonds, puis qui établit les certificats de crédit d'impôt calculés par le gérant, doit, selon l'article 11 de la loi du 13 juillet 1979, s'assurer que les opérations qu'il effectue sont conformes à la législation des fonds communs de placement et aux dispositions du règlement prévu à l'article 16 ; que dès lors, c'est à bon droit, que la cour d'appel a décidé que les gérants et dépositaires de fonds communs de placement étaient tenus d'une obligation de résultat quant à la délivrance d'un certificat de crédit d'impôt conforme à sa destination, c'est-à-dire propre à permettre aux souscripteurs de bénéficier des dispositions fiscales relatives aux parts de fonds communs de placement ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal, pris en ses quatre branches :

Attendu que GPK Finance et CLC Bourse font ensuite grief à l'arrêt de les avoir condamnées solidairement à payer une certaine somme à titre de dommages et intérêts aux sociétés du "groupe" Guyomarc'h, alors, selon le moyen :

1 / qu'en énonçant que les gérants et dépositaires des fonds ne rapportent pas la preuve, qui leur incomberait, que des souscriptions ont pu intervenir à tout moment, pour en déduire que les fonds n'avaient pas régulièrement fonctionné, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, violant ainsi l'article 1315 du Code civil ;

2 / que les gérants et dépositaires des fonds communs de placement avaient expressément opposé aux sociétés du "groupe" Guyomarc'h qu'aucune disposition ne leur faisait obligation de recevoir des souscriptions antérieurement à la clôture de l'exercice ; qu'en considérant qu'ils ne rapportaient pas la preuve de ce que les souscriptions ont pu intervenir à tout moment, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1315 du Code civil et 7 de la loi du 13 juillet 1979 ;

3 / que l'arrêt énonce que les sociétés CLC Bourse et GPK Finance sont muettes sur la méconnaissance des dispositions réglementaires et prudentielles relatives à la détention de liquidités alléguée par les sociétés du "groupe" Guyomarc'h ; qu'il résulte cependant des conclusions des exposantes qu'elles avaient au contraire soutenu que la détention de liquidités était parfaitement conforme aux dispositions légales et réglementaires et à l'instruction du 13 janvier 1983 et qu'elle était nécessitée par l'obligation de permettre aux souscripteurs de revendre à tout moment les parts détenues ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé les conclusions des exposantes, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ;

4 / qu'en énonçant que les sociétés CLC Bourse et GPK Finance n'apportent pas la preuve, qui leur incomberait que les dispositions invoquées par les sociétés du "groupe" Guyomarc'h ont été par elles respectées, pour en déduire qu'elles avaient failli à leur obligation, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, violant ainsi l'article 1315 du Code civil ;

Mais attendu qu'il appartenait aux gérants et dépositaires des fonds communs de placement, tenus d'une obligation de résultat quant à la délivrance d'un certificat de crédit d'impôt conforme à sa destination, de rapporter la preuve qu'ils avaient exécuté celle-ci ; que dès lors, la cour d'appel a exactement retenu qu'ils se devaient de démontrer que les conditions auxquelles l'article 100 de l'instruction 4 K-1-83 du 13 janvier 1983 subordonnait le bénéfice de la mesure d'assouplissement génératrice de la majeure partie des crédits d'impôt transférés aux porteurs de parts avaient été, par eux, respectées ; qu'ainsi, au vu des différents éléments qui lui ont été soumis, et hors toute dénaturation, la cour d'appel a pu estimer que les gérants et dépositaires des fonds ne démontraient pas que les souscriptions n'avaient pas excédé le plafond statutaire de 100 millions de francs, ni que les fonds Danae 3 et Danae 11 n'avaient pas méconnu les dispositions législatives relatives à l'enregistrement des "coupons courus", à "l'interdiction d'emprunter", ainsi que les dispositions réglementaires et prudentielles relatives à la détention de liquidités et à la division des risques, et que la preuve n'était pas rapportée que les souscriptions aux fonds communs de placement concernés par le litige avaient pu intervenir à tout moment ; qu'en l'état de ses énonciations et appréciations, et dès lors que , même si cette possibilité de souscription à tout moment, consacrée par l'article 7 de la loi du 13 juillet 1979, n'exclut pas des souscriptions entre la clôture de l'exercice comptable et la date de répartition des

produits encaissés au cours de celui-ci, l'absence de recherche de souscriptions autres que celles des fondateurs du fonds commun de placement avant l'encaissement par celui-ci de tous les produits du portefeuille au titre d'un exercice donné, puis la multiplication de telles souscriptions entre cette date et la distribution desdits produits, est contraire à la nature même du fonds, qui suppose, lorsqu'il fonctionne normalement, une répartition au profit de tous les souscripteurs de produits résultant majoritairement de leurs investissements en capital dans le fonds au cours de l'exercice comptable, et non une répartition de produits provenant pour l'essentiel d'une transformation artificielle de capital en revenus, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses deux branches :

Attendu que les sociétés du "groupe" Guyomarc'h font grief à l'arrêt d'avoir fixé au jour du prononcé de l'arrêt le point de départ des intérêts dus sur les sommes que CLC Bourse et GPK Finance ont été condamnées à leur payer, alors, selon le moyen :

1 / que dans leurs conclusions récapitulatives signifiées le 13 décembre 1999, elles avaient indiqué que le point de départ des intérêts afférents aux sommes dues par les banques devait être fixé à la date du paiement de ces sommes à l'administration fiscale ; qu'aucune des parties au litige n'a contesté le point de départ ainsi invoqué ; qu'en fixant le point de départ de ces intérêts à une date différente de celle figurant dans leurs conclusions et non contestée par leurs adversaires, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que les intérêts résultant du retard dans le paiement d'une somme, même indemnitaire, dont le montant est déterminé sans l'intervention du juge, courent du jour de la sommation de payer ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a condamné les banques à leur rembourser certaines sommes réglées à l'administration fiscale, dont l'évaluation ne nécessitait pas l'intervention de juge puisqu'elles préexistaient à sa décision ; qu'en fixant néanmoins à la date de sa décision le point de départ de ces intérêts, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1153 du Code civil et par fausse application, l'article 1153-1 du même Code ;

Mais attendu que la cour d'appel, saisie d'une action en responsabilité civile, et qui se devait, par conséquent, d'apprécier l'existence et l'importance du dommage invoqué par les sociétés du "groupe" Guyomarc'h avant de pouvoir fixer le montant des dommages et intérêts pouvant leur être alloué, a, à bon droit, décidé, sans méconnaître les dispositions visées par le moyen, que les sommes ainsi déterminées porteraient intérêts au taux légal à compter de sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen du pourvoi incident subsidiaire, pris en ses deux branches :

Attendu que les sociétés du "groupe" Guyomarc'h reprochent à l'arrêt d'avoir infirmé la décision des premiers juges en ce qu'elle retenait la responsabilité des sociétés SAP et CBOT, et d'avoir rejeté leurs demandes tendant à la condamnation solidaire des sociétés GPK, CLC, SAP et CBOT à leur restituer intégralement le montant des commissions augmentées des intérêts à compter des dates de paiement, ou subsidiairement des assignations, alors, selon le moyen :

1 / que viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt qui ne répond pas aux conclusions d'appel faisant valoir l'absence de toute prestation effective des intermédiaires SAP et CBOT ;

2 / que prive sa décision de toute base légale au regard de l'article 1131 du Code civil, la cour d'appel qui s'abstient de rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions d'appel, si, au jour de la signature du contrat, la contrepartie offerte par les sociétés GPK-GPF-SAP et CBOT était fallacieuse ou chimérique en raison de la nullité pour contrariété à l'ordre public desdites conventions ;

Mais attendu qu'après avoir rappelé que les sociétés du "groupe" Guyomarc'h soutenaient que les sociétés CBOT et SAP, sans consistance ni activités réelles, auraient été créées, sur instructions du directeur général de GPK Gestion, à l'effet de percevoir, en contrepartie des crédits d'impôt certifiés, de substantielles commissions à titre de partage de performance, la cour d'appel a estimé, au vu des éléments qui lui étaient fournis, qu'il s'agissait là de simples allégations non étayées par des moyens de preuves ; qu'elle a, en outre, souligné que l'existence de la cause des obligations que comporte un contrat synallagmatique tel que le contrat de "compte conseillé" souscrit entre les sociétés du "groupe" Guyomarc'h et les sociétés SAP et CBOT devait s'apprécier au moment de sa formation, et elle a relevé à cet égard que la cause du paiement des commissions par le "groupe" Guyomarc'h, au moment où le contrat s'était formé, était l'achat ou la vente par l'intermédiaire de SAP et CBOT de parts de FCP, dont la gestion devait permettre l'obtention des crédits d'impôt, et ce quels que fussent les redressements fiscaux intervenus par la suite ; qu'en l'état de ses constatations et énonciations, la cour d'appel qui, a répondu aux conclusions dont elle était saisie, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur la quatrième branche du deuxième moyen du pourvoi principal :

Attendu que GPK Finance et CLC Bourse font encore grief à l'arrêt de les avoir condamnées solidairement à payer une certaine somme à titre de dommages et intérêts aux sociétés du "groupe" Guyomarc'h, alors, selon le moyen, qu'en intégrant dans l'indemnisation due par les gérants et dépositaires des fonds commun de placement la majoration fiscale de 20 % réglée par les sociétés du "groupe" Guyomarc'h en raison de l'abus de droit commis par ces dernières, la cour d'appel a méconnu le principe de la personnalité des peines, violant ainsi l'article 121-1 du nouveau Code pénal, ensembles les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, et a intégré dans les dommages et intérêts un chef de dommage ne correspondant pas à un intérêt légitime juridiquement protégé, violant ainsi les articles 1147 et 1151 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, uniquement saisie d'une action en responsabilité civile, et qui se devait, par conséquent d'apprécier l'existence et l'importance du dommage subi par les sociétés du "groupe" Guyomarc'h consécutivement au manquement qu'elle a estimé avoir été commis par les gérants et dépositaires des fonds commun de placement auprès desquels ces sociétés avaient souscrit des parts, a pu considérer que le préjudice indemnisable de ces dernières devait tenir compte de l'appauvrissement qu'elles avaient supporté à raison des pénalités fiscales par elles réglées sans méconnaître les dispositions visées par le moyen ; que celui-ci n'est pas fondé ;

Mais, sur la première branche du deuxième moyen du pourvoi principal :

Vu les articles 1147 et 1151 du Code civil ;

Attendu que pour condamner solidairement les sociétés GPK Finance et CLC Bourse à payer aux sociétés du "groupe" Guyomarc'h une certaine somme correspondant pour partie au montant des commissions que ces dernières indiquaient avoir versées, la cour d'appel, après avoir interprété cette demande comme une demande indemnitaire, puis rappelé que les conséquences dommageables qui résultent des fautes commises s'entendent de la perte éprouvée, a considéré qu'en l'espèce, celle-ci comprenait notamment le montant des commissions que les sociétés souscriptrices avaient dû acquitter, peu important que les versements aient été faits à des intermédiaires dès lors qu'ils avaient constitué, pour les intéressées, un appauvrissement ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'appauvrissement subi par les sociétés du "groupe" Guyomarc'h à concurrence des commissions, dont il importe peu qu'elles aient été versées à des intermédiaires, trouvait sa cause dans l'achat et la vente des parts de fonds communs de placement, opérations dont l'exécution n'est pas contestée, et ne constituait pas une suite immédiate et directe de l'inexécution par les gérants et dépositaires des fonds de leur obligation de délivrance d'un certificat de crédit d'impôt conforme à sa destination, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et, sur le premier moyen du pourvoi incident subsidiaire, pris en sa première branche :

Vu l'article 1147 du Code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande d'indemnisation présentée par les sociétés du "groupe" Guyomarc'h à concurrence du gain fiscal dont elles ont été privées par la remise en cause par l'Administration de la valeur libératoire des crédits d'impôt qui leur avaient été transférés par les fonds communs de placement, la cour d'appel a considéré que celles-ci, qui stigmatisaient dans leurs écritures le caractère irrégulier de la gestion de ces fonds en ce qu'elle avait un objectif exclusivement fiscal, n'établissaient pas que s'ils avaient fonctionné conformément à leur nature et dans des conditions régulières, ils auraient été aptes à leur procurer le gain fiscal prétendument manqué, et que dès lors, le préjudice invoqué du chef du paiement du redressement consécutif au refus d'imputation desdits crédits d'impôt n'était pas caractérisé en son élément de certitude requis pour ouvrir droit à réparation ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les gérants et dépositaires des fonds commun de placement étaient tenus d'une obligation de résultat quant à la délivrance d'un certificat de crédit d'impôt conforme à sa destination, et étaient seuls responsables des choix et modalités de fonctionnement des fonds, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné les sociétés CLC Bourse et GPK Finance à payer, à titre de dommages et intérêts, aux sociétés Guyomarc'h alimentaire, Royal canin, Guyomarc'h nutrition animale, devenue Evialis, et Diana ingrédients une somme déterminée en retenant le montant des commissions versées par ces dernières, et en ce qu'il a débouté celles-ci de leurs prétentions relatives à l'indemnisation du préjudice qu'elles invoquaient du chef du paiement des droits en principal, l'arrêt rendu le 29 mars 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes des sociétés GPK Finance, CLC Bourse, des sociétés du "groupe" Guyomarc'h, et des sociétés CBOT et SAP ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille deux.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 00-16242
Date de la décision : 24/09/2002
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

MONNAIE - Fonds commun de placement - Gérants et dépositaires - Obligations et responsabilité - Obligation de résultat quant à la délivrance d'un certificat de crédit d'impôt.

IMPOTS ET TAXES - Contributions directes - Impôt sur le revenu - Fonds commun de placement - Obligations des gérants et dépositaires.


Références :

CGI 199 ter A. CGI 79-2
Code civil 1147, 1251-3 et 1382
Instruction 4K-1-83 du 13 janvier 1983 art. 100
Livre des procédures fiscales L80 A
Loi 79-594 du 13 juillet 1979 art. 7 et 11

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (1re chambre civile, section G), 29 mars 2000


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 sep. 2002, pourvoi n°00-16242


Composition du Tribunal
Président : Président : M. DUMAS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:00.16242
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