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24/09/2002 | FRANCE | N°00-16241

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 septembre 2002, 00-16241


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint le pourvoi n° M 00-16.409 formé par les sociétés Havas advertising, anciennement dénommée SA
X...
(Roux, Séguala, Cayzac et Goudard), et Euro X... France, anciennement dénommée
X...
et associés, et le pourvoi n° D 00-16.241 formé par la société CDR créances, venant aux droits de la banque Colbert, venant elle-même aux droits des sociétés banque Finance plus et Finance plus gestion, qui attaquent le même arrêt ;

Donne acte aux sociétés Havas advertising et Euro X... France de ce qu'elles se sont désistées de ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint le pourvoi n° M 00-16.409 formé par les sociétés Havas advertising, anciennement dénommée SA
X...
(Roux, Séguala, Cayzac et Goudard), et Euro X... France, anciennement dénommée
X...
et associés, et le pourvoi n° D 00-16.241 formé par la société CDR créances, venant aux droits de la banque Colbert, venant elle-même aux droits des sociétés banque Finance plus et Finance plus gestion, qui attaquent le même arrêt ;

Donne acte aux sociétés Havas advertising et Euro X... France de ce qu'elles se sont désistées de leur pourvoi en tant que dirigé contre la société Lloyds Bank ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué que, par souci de simplification de la gestion des fonds communs de placement (FCP), l'administration fiscale a, dans une instruction du 13 janvier 1983, autorisé ceux-ci à procéder à un réajustement de la masse des crédits d'impôt attachés aux produits perçus par le fonds au titre d'un exercice donné à raison des valeurs mobilières par lui détenues, afin de permettre, lors de la répartition desdits produits, le transfert, aux porteurs de parts du fonds, d'un crédit d'impôt unitaire de même montant pour chacune des parts de celui-ci, indépendamment de la date de leur souscription entre l'ouverture de cet exercice et la répartition des produits devant intervenir dans un délai de quatre mois à compter de la clôture du même exercice ; que cette mesure, qui avait pour effet de créer des crédits d'impôt ne correspondant à aucune retenue préalable au profit du Trésor public, à concurrence de la différence entre la masse des crédits d'impôt transférée par le FCP aux porteurs de parts et la masse des crédits d'impôt réellement délivrés au FCP par les émetteurs des valeurs mobilières détenues au sein du fonds, a été détournée de son objectif initial, par la multiplication des souscriptions de parts dans les jours précédant la répartition des produits, dans l'unique but de créer artificiellement des crédits d'impôt supplémentaires au profit des entreprises souscriptrices, qui cédaient ces parts immédiatement après la répartition, mais étaient ainsi en mesure d'imputer les crédits d'impôt attachés aux produits qu'elles avaient perçus, sur l'impôt dont elles étaient elles-mêmes redevables ; que l'administration fiscale a décidé de mettre un terme à cette

pratique et a procédé à des contrôles auprès des souscripteurs de parts de FCP ayant bénéficié de crédits d'impôt pour un montant important ; que des redressements ont ainsi été notifiés, en décembre 1991, sur le fondement de la procédure de l'abus de droit, aux sociétés dites X... (société X... et associés et société Roux, Seguela, Cayzac et Goudard), qui, en 1988 et 1989, avaient souscrit, par l'intermédiaire de la Lloyds Bank, des parts de FCP, dont la banque Finance plus, était dépositaire, et la société Finance plus gestion, la gérante ; qu'après la mise en recouvrement des redressements, les sociétés X... ont présenté une réclamation auprès de l'administration fiscale, et ont parallèlement sollicité la banque Colbert pour être garanties des conséquences financières de ce litige ; que devant le refus de cette dernière, les sociétés X... l'ont assigné, en mai 1995, avec la Lloyds Bank devant le tribunal de commerce aux mêmes fins ; que par jugement du 25 septembre 1996, le tribunal a sursis à statuer jusqu'à ce qu'une décision intervienne sur les redressements fiscaux notifiés aux deux sociétés et contestés par elles ; que le 18 juin 1997, au cours de l'instance d'appel formé par la banque Colbert à l'encontre de ce jugement, les sociétés X... ont transigé avec l'administration fiscale ; que par arrêt du 10 mars 1998, la cour d'appel de Paris a réformé le jugement, rejeté les demandes des sociétés X... à l'encontre de la société Lloyds Bank, et a sursis à statuer sur les autres demandes dans l'attente de la réponse aux questions préjudicielles précédemment posées au Conseil d'Etat dans des affaires de même nature par des arrêts du 2 juillet 1997 ; que suite à l'avis rendu par celui-ci le 8 avril 1998, la cour d'appel a repris l'examen des demandes sur lesquelles elle avait sursis à statuer ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° D 00-16.241, pris en ses quatre branches :

Attendu que la société CDR créances fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer une certaine somme à titre de dommages et intérêts aux sociétés Havas advertising et Euro X... France, alors, selon le moyen :

1 / qu'il était acquis aux débats que le "groupe" Euro (
X...
) s'est vu dans l'impossibilité de se prévaloir des dispositions fiscales dérogatoires et notifier un redressement fiscal sur le fondement de l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales en raison de l'abus de droit qu'il a reconnu dans la transaction signée avec l'administration ; que le CDR faisait valoir que ce dommage se serait ainsi nécessairement produit, quel que soit le fonctionnement régulier ou non, des FCP ; qu'en énonçant que l'impossibilité de se prévaloir des dispositions fiscales dérogatoires trouvait nécessairement sa cause dans le non respect par les gérants et dépositaires des fonds de l'article 100 de l'instruction du 13 janvier 1983, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1151 du Code civil ;

2 / que cette transaction signée entre les sociétés du "groupe" Euro (
X...
) et l'administration fiscale ont emporté renonciation des premières à contester les redressements effectués sur le fondement de l'abus de droit qui lui était reproché ; qu'en constatant l'existence de la transaction et en considérant néanmoins que le fonctionnement irrégulier des fonds communs de placement aurait privé le "groupe" Euro de la possibilité de se prévaloir des dispositions fiscales dérogatoires, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 2052 et 1147 du Code civil ;

3 / qu'à supposer que les fonds communs de placement n'aient pas régulièrement fonctionné, les gérants et dépositaires ne pouvaient être condamnés que s'il en découlait directement un préjudice certain ; qu'en l'espèce, il n'était pas certain qu'en l'absence de transaction, l'administration aurait privé les sociétés du "groupe" Euro (
X...
) du bénéfice des dispositions fiscales dérogatoires motif pris d'un fonctionnement prétendument irrégulier des fonds communs de placement ; qu'en affirmant que le fonctionnement irrégulier des fonds communs de placement était le fait générateur de l'impossibilité de se prévaloir des dispositions fiscales dérogatoires, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil ;

4 / qu'en intégrant dans l'indemnisation due par les gérants et dépositaires des fonds commun de placement la majoration fiscale de 20 % réglée par le "groupe" Euro (
X...
) en raison de l'abus de droit commis par ce dernier, la cour d'appel a méconnu le principe de la personnalité des peines, violant ainsi l'article 121-1 du nouveau Code pénal, ensembles les articles 6 et 7 de la convention européenne des droits de l'homme, et a intégré dans les dommages et intérêts un chef de dommage ne correspondant pas à un intérêt légitime juridiquement protégé, violant ainsi les articles 1147 et 1151 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que le préjudice invoqué par les sociétés Havas advertising et Euro X... France trouve son origine dans le redressement qui, quel que soit son fondement, leur a été notifié par l'administration fiscale ; que la transaction, signée entre ces sociétés et l'administration, n'a eu pour effet que de mettre fin à un contentieux sur le bien fondé de ce redressement, dont l'issue n'était pas certaine, en contrepartie d'une réduction importante du montant des sommes réclamées ; que compte tenu de l'avis et des décisions du Conseil d'Etat des 8 avril 1998, et 26 octobre 2001, il apparaît qu'en l'absence d'une telle transaction, et malgré la renonciation de l'administration à se prévaloir, dans cette hypothèse, de la procédure de répression des abus de droit, la contestation du redressement engagée par les sociétés X... n'aurait eu de chance de succès, que dans la mesure où celles-ci auraient été en droit d'opposer à un redressement, dès lors fondé sur l'article 199 ter A du Code général des impôts par substitution de base légale, les dispositions de l'article L. 80 A du Livre des procédures fiscales, ce qui n'aurait été le cas, que si, grâce aux éléments recueillis auprès des fonds communs de placement concernés, elles avaient pu combattre les affirmations de l'administration fiscale en montrant que ces fonds avaient fonctionné en respectant les conditions auxquelles l'instruction 4 k-1-83 du 13 janvier 1983 subordonnait, dans son article 100, le bénéfice de l'interprétation qu'elle donnait ; que dès lors, la cour d'appel, qui a retenu que les fonds communs de placement en cause ne pouvaient être regardés comme ayant fonctionné dans des conditions conformes aux dispositions législatives, réglementaires et statutaires qui leur étaient applicables, a pu décider que la transaction n'avait pas rompu le lien de causalité et qu'elle ne pouvait être regardée comme la cause du dommage invoqué ; qu'ainsi, la cour d'appel a légalement justifié sa décision sans méconnaître les dispositions visées par les trois premières branches du moyen ;

Attendu, en second lieu, que la cour d'appel, uniquement saisie d'une action en responsabilité civile, et qui se devait, par conséquent d'apprécier l'existence et l'importance du dommage invoqué par les sociétés Havas advertising et Euro X... France, consécutivement au manquement qu'elle a estimé avoir été commis par les gérants et dépositaires des fonds commun de placement auprès desquels les sociétés précitées avaient souscrit des parts, a pu considérer, sans méconnaître les dispositions visées par la quatrième branche du moyen, que le préjudice indemnisable desdites sociétés devait tenir compte de l'appauvrissement qu'elles avaient supporté à raison des pénalités fiscales par elles réglées ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° D 00-16.241, pris en ses deux branches :

Attendu que la société CDR Créances fait également grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer une certaine somme à titre de dommages et intérêts aux sociétés Havas advertising et Euro X... France, alors, selon le moyen :

1 / que le gérant d'un fonds commun de placement s'engage à placer les capitaux apportés par les souscripteurs, à répartir entre ces derniers, dans le respect des règles légales, réglementaires et statutaires, les produits des valeurs mobilières possédées en portefeuille et de leur transférer les crédits d'impôt attachés aux revenus distribués, calculés et déterminés suivant les textes fiscaux en vigueur ; que la délivrance des crédits d'impôt est une obligation accessoire et mécanique à la répartition des revenus ; qu'en considérant que les gérants et dépositaires avaient l'obligation de résultat, par la délivrance d'un certificat de crédit d'impôt, de permettre au souscripteur de bénéficier des dispositions fiscales dérogatoires permettant l'imputation du crédit d'impôt, la cour d'appel a méconnu l'objet du fonds commun de placement et l'obligation des gérant et dépositaire, violant ainsi les articles 11, 13 et 26 de la loi du 13 juillet 1979 et l'article 1147 du Code civil ;

2 / que les gérant et dépositaire d'un fonds commun de placement sont uniquement tenus de gérer les valeurs mobilières possédées en portefeuille ainsi que d'exécuter les ordres d'achat et revente des parts des fonds communs de placement que leur adressent les souscripteurs, lesquels maîtrisent seuls la fréquence des achats et ventes, le nombre et la durée de détention des parts ; que les gérants et dépositaires des fonds communs de placement n'ont pas à apprécier l'opportunité de la politique spécifique d'investissement décidée par chaque souscripteur ; qu'en considérant que les gérant et dépositaire avaient l'obligation de résultat de permettre au souscripteur de bénéficier des dispositions fiscales dérogatoires, la cour d'appel a méconnu l'objet du fonds commun de placement et l'obligation des gérant et dépositaire, violant ainsi les articles 11,13, 26 de la loi du 13 juillet 1979 et l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu, que, si les gérants et dépositaires de fonds communs de placement nont pas à apprécier l'opportunité de la politique spécifique d'investissement décidée par chaque souscripteur de parts de ceux-ci, le gérant d'un fonds commun de placement s'engage notamment, ainsi que le précise le moyen lui-même, à transférer aux souscripteurs les crédits d'impôt attachés aux revenus distribués, "calculés et déterminés suivant les textes fiscaux en vigueur" ; qu'en outre, comme l'a rappelé la cour d'appel, le dépositaire, qui reçoit les souscriptions, et exécute les ordres du gérant concernant les achats et ventes de titres, ainsi que ceux relatifs à l'exercice des droits de souscription et d'attribution attachés aux valeurs comprises dans le fonds, puis qui établit les certificats de crédit d'impôt calculés par le gérant, doit, selon l'article 11 de la loi du 13 juillet 1979, s'assurer que les opérations qu'il effectue sont conformes à la législation des fonds communs de placement et aux dispositions du règlement prévu à l'article 16 ; que dès lors, c'est à bon droit, que la cour d'appel a décidé que les gérants et dépositaires de fonds commun de placement étaient tenus d'une obligation de résultat quant à la délivrance d'un certificat de crédit d'impôt conforme à sa destination, c'est-à-dire propre à permettre aux souscripteurs de bénéficier des dispositions fiscales relatives aux parts de fonds communs de placement ; qu'ainsi le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen du pourvoi n° D 00-16.241, pris en ses deux branches :

Attendu que la société CDR créances fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer une certaine somme à titre de dommages et intérêts aux sociétés Havas advertising et Euro X... France, alors, selon le moyen :

1 / qu'en énonçant que les gérants et dépositaires des fonds ne rapportaient pas la preuve, qui leur incomberait, que des souscriptions ont pu intervenir à tout moment, pour en déduire que les fonds n'avaient pas régulièrement fonctionné, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, violant ainsi l'article 1315 du Code civil ;

2 / que les gérants et dépositaires des fonds communs de placement avaient expressément opposé aux sociétés Havas advertising et Euro X... France qu'aucune disposition ne leur faisait obligation de recevoir des souscriptions antérieurement à la clôture de l'exercice ; qu'en considérant qu'ils ne rapportaient pas la preuve de ce que les souscriptions ont pu intervenir à tout moment, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 7 de la loi du 13 juillet 1979 ;

Mais attendu qu'il appartenait aux gérants et dépositaires des fonds communs de placement, tenus d'une obligation de résultat quant à la délivrance d'un certificat de crédit d'impôt conforme à sa destination, de rapporter la preuve qu'ils avaient exécuté celle-ci ; que dès lors, la cour d'appel a exactement retenu qu'ils se devaient de démontrer que les conditions auxquelles l'article 100 de l'instruction 4K-1-83 du 13 janvier 1983 subordonnait le bénéfice de la mesure d'assouplissement génératrice de la majeure partie des crédits d'impôt transférés aux porteurs de parts avaient été, par eux, respectées ; qu'ainsi, au vu des différents éléments qui lui ont été soumis, la cour d'appel a pu estimer que les gérants et dépositaires des fonds ne rapportaient pas la preuve qui leur incombait que des souscriptions aux fonds communs de placement concernés avaient pu intervenir à tout moment ; qu'en l'état de ses énonciations et appréciations, et dès lors que même si la possibilité de souscription à tout moment consacrée par l'article 7 de la loi du 13 juillet 1979, n'exclut pas des souscriptions entre la clôture de l'exercice comptable et la date de répartition des produits encaissés au cours de celui-ci, l'absence de recherche de souscriptions autres que celles des fondateurs du fonds commun de placement avant l'encaissement par celui-ci de tous les produits du portefeuille au titre d'un exercice donné, puis la multiplication de telles souscriptions entre cette date et la distribution desdits produits, est contraire à la nature même du fonds, qui suppose, lorsqu'il fonctionne normalement, une répartition au profit de tous les souscripteurs de produits résultant majoritairement de leurs investissements en capital dans le fonds au cours de l'exercice comptable, et non une répartition de produits provenant pour l'essentiel d'une transformation artificielle de capital en revenus, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen, pris en ses deux branches n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du pourvoi n° M 00-16.409, pris en ses trois branches :

Attendu que les sociétés Havas advertising et Euro X... France font grief à l'arrêt d'avoir décidé que leur demande tendant à la restitution des commissions versées aux dépositaires et gérants des fonds auxquels elles ont souscrit n'était fondée sur aucun moyen de droit, alors, selon le moyen :

1 / que satisfait aux exigences de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile et fonde en droit sa prétention, le plaideur qui, pour justifier sa demande de restitution de la rémunération versée en contrepartie d'une prestation inexécutée, invoque la méconnaissance par son cocontractant de son obligation de résultat, la résolution pour inexécution du contrat et formule une demande de restitution du prix payé ; qu'au vu de ces conclusions, la cour d'appel a constaté que les banques Finance plus et Finance plus gestion n'avaient pas exécuté les obligations de résultat qu'elles avaient souscrites au profit des sociétés exposantes et que celles-ci ont demandé, dans leurs dernières écritures, la restitution des commissions payées aux banques, en invoquant notamment la résolution pour inexécution des contrats passés avec les banques ; qu'en estimant que cette prétention des sociétés exposantes n'était justifiée par aucun moyen de droit, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 954, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;

2 / qu'en tout état de cause, dès lors que le juge constate qu'a été méconnue l'obligation de résultat mise à la charge des banques de délivrer des certificats de crédit d'impôt exempts de vice et emportant valeur libératoire, il lui appartient de tirer les conséquences de l'inexécution qu'il constate ; que dès lors que la cour a relevé la méconnaissance par les banques de leur obligation de délivrer des certificats conformes à leur destination, il lui appartenait d'en tirer les conséquences notamment quant à la résolution de la convention qui emporte l'obligation de restituer le prix payé ; qu'en refusant cependant de prononcer la restitution des sommes versées en contrepartie de l'engagement non tenu, le juge n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation de l'article 1184 du Code civil ;

3 / que dans leurs conclusions récapitulatives, les souscripteurs de parts faisaient valoir que les substantielles commissions versées à titre de droit d'entrée et de sortie des fonds constituaient la contrepartie de l'engagement des banques résultant des simulations chiffrées faisant apparaître les montants et les dates d'imputation des crédits d'impôt annoncés sans aucune réserve comme éléments de rentabilité de chaque opération de trésorerie proposée et que les banques sont tenues d'une obligation de résultat quant à l'existence, au montant et par suite à la valeur libératoire des crédits d'impôt qu'elles déterminent et certifient ; qu'en considérant qu'il est constant que la cause du paiement serait l'obtention des crédits d'impôt, quels que fussent les redressements fiscaux intervenus par la suite, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si les commissions n'avaient pas pour cause les montants et les dates d'imputation des crédits d'impôt annoncés sans aucune réserve comme élément de rentabilité de chaque opération, au moment de la souscription des parts, la cour a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1131 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel, qui a rappelé la teneur de la prétention subsidiaire des sociétés Havas advertising et Euro X... France concernant les commissions versées, et le motif invoqué au soutien de celle-ci, sans que cet énoncé soit critiqué par un grief de dénaturation, a fait l'exacte application de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, en retenant que ces conclusions ne formulaient expressément aucun moyen de droit propre à justifier cette prétention et qu'elle ne pouvait ni suppléer la carence des parties dans l'exposé de leurs moyens, ni rechercher dans leurs précédentes écritures ceux qu'elles avaient éventuellement présentés ou invoqués ;

Attendu, en second lieu, que la cour d'appel a ajouté qu'en admettant qu'elle doive y voir l'allégation d'un défaut de cause au versement des commissions, il y avait lieu de relever que l'existence de la cause des obligations que comporte un contrat synallagmatique doit s'apprécier au moment de la formation de celui-ci, et qu'en l'espèce, la cause du paiement des commissions était, au moment où se sont formés les contrats, l'achat ou la vente de parts de fonds communs de placement, dont la gestion devait permettre l'obtention des crédits d'impôt, et ce quels que fussent les redressements fiscaux intervenus par la suite ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a, à bon droit, décidé que la demande formée aux fins de résolution ou de nullité des conventions passées entre les parties ne pouvait, dans ces conditions, qu'être rejetée ;

Qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;

Sur le cinquième moyen du pourvoi n° M 00-16.409, pris en ses deux branches :

Attendu que les sociétés Havas advertising et Euro X... France font aussi grief à l'arrêt d'avoir fixé au jour du prononcé de l'arrêt le point de départ des intérêts dus sur les sommes de 1 168 340 francs et de 810 971 francs que la société CDR créances a été condamnée à leur payer respectivement, alors, selon le moyen :

1 / que dans leurs conclusions récapitulatives signifiées le 14 décembre 1999, elles avaient indiqué que le point de départ des intérêts afférents aux sommes dues par le CDR créances devait être fixé au 14 février 1995, date à laquelle elles avaient réglé ces sommes à l'administration fiscale ; que le CDR créances n'a pas contesté le point de départ ainsi invoqué ; qu'en fixant le point de départ de ces intérêts à une date différente de celle figurant dans les conclusions des exposantes et non contestée par le CDR créances, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que les intérêts résultant du retard dans le paiement d'une somme, même indemnitaire, dont le montant est déterminé sans l'intervention du juge, courent du jour de la sommation de payer ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a condamné les banques à leur rembourser certaines sommes réglées à l'administration fiscale, dont l'évaluation ne nécessitait pas l'intervention de juge puisqu'elles préexistaient à sa décision ; qu'en fixant néanmoins à la date de sa décision le point de départ de ces intérêts, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1153 du Code civil et par fausse application, l'article 1153-1 du même Code ;

Mais attendu que la cour d'appel, saisie d'une action en responsabilité civile, et qui se devait, par conséquent, d'apprécier l'existence et l'importance du dommage invoqué par les sociétés Havas advertising et Euro X... France avant de pouvoir fixer le montant des dommages et intérêts pouvant leur être alloué, a, à bon droit, décidé, sans méconnaître les dispositions visées par le moyen, que les sommes ainsi déterminées porteraient intérêts au taux légal à compter de sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le quatrième moyen du pourvoi n° M 00-16.409, pris en ses deux branches :

Attendu que les sociétés Havas advertising et Euro X... France font encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur action en responsabilité exercée sur le fondement de la subrogation des porteurs de parts dans les droits du Trésor public, alors, selon le moyen :

1 / qu'en certifiant le montant des crédits d'impôt censés représenter l'impôt déjà versé au trésor et destinés à être imputés par le porteur de parts du fonds commun de placement, le gérant et le dépositaire de ce fonds engagent leur responsabilité tant à l'égard des porteurs de parts qu'envers l'administration fiscale à raison des recettes dont celle-ci est privée par l'imputation des crédits d'impôt certifiés ; qu'à supposer que cette responsabilité pécuniaire ne résulte pas "automatiquement" et de plein droit de la certification de crédits d'impôt fictifs, elle découle des fautes constatées par la cour comme exclusivement imputables aux gérants et dépositaires des fonds communs litigieux ; qu'en l'espèce, pour les débouter de leur action à l'encontre des banques, fondée sur la subrogation des porteurs de parts dans les droits du Trésor public, la cour d'appel a énoncé que les gérants et dépositaires de fonds commun de placement n'étaient pas susceptibles d'engager leur responsabilité envers l'administration fiscale ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 13 et 26-II de la loi du 13 juillet 1979 et 1382 du Code civil et par fausse application, l'article 79-2 de l'annexe II du Code général des impôts ;

2 / que le débiteur qui s'acquitte d'une dette qui lui est personnelle peut néanmoins prétendre bénéficier de la subrogation s'il a, par son paiement, libéré, envers leur créancier commun, celui sur qui doit peser la charge définitive de la dette ; que le porteur de parts d'un fonds commun de placement qui paie des impôts correspondant au montant des crédits d'impôt certifiés à tort par un fonds commun de placement et qui se sont avérés inopposables au Trésor public, éteint, par là-même, la dette de responsabilité des gérant et dépositaire dudit fonds commun de placement envers l'administration fiscale, sur lesquels doit peser la charge définitive de la dette, et se trouve, de ce seul fait, subrogé dans les droits du Trésor public, créancier commun du porteur de parts et des gérant et dépositaire du fonds commun de placement ; qu'en l'espèce, pour débouter les porteurs de parts de leur action fondée sur la subrogation dans les droits du Trésor public, la cour d'appel a énoncé que les gérants et dépositaires des fonds communs de placement n'étaient pas personnellement tenus au paiement de la dette d'impôt des porteurs de parts ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1251-3 du Code civil ;

Mais attendu que c'est à bon droit, que la cour d'appel a énoncé qu'aucune des dispositions législatives et réglementaires applicables aux fonds communs de placement ne permettait à l'administration fiscale de rechercher la responsabilité pécuniaire du gérant de fonds et notamment pas l'article 79-2 de l'annexe II du Code général des impôts, affirmation transposable aux dépositaires de fonds ;

qu'au surplus, l'administration fiscale, qui a refusé l'imputation des crédits d'impôt litigieux, n'a subi aucun dommage susceptible d'engendrer réparation à son profit sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;

que dès lors, celle-ci n'ayant aucune créance à l'égard des gérants et dépositaires des fonds communs de placement, la cour d'appel en a déduit exactement que l'invocation de l'article 1251-3 du Code civil était inopérante ; qu'il s'ensuit que le moyen, non fondé en sa première branche, ne peut être accueilli en sa seconde branche ;

Mais, sur la première branche du premier moyen du pourvoi n° M 00-16.409 :

Vu l'article 1147 du Code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande d'indemnisation présentée par les sociétés Havas advertising et Euro X... France à concurrence du gain fiscal dont elles ont été privées par la remise en cause par l'administration de la valeur libératoire des crédits d'impôt qui leur avaient été transférés par les fonds communs de placement, la cour d'appel a considéré que celles-ci, qui stigmatisaient dans leurs écritures le caractère irrégulier de la gestion de ces fonds en ce qu'elle avait un objectif exclusivement fiscal, n'établissaient pas que s'ils avaient fonctionné conformément à leur nature et dans des conditions régulières, ils auraient été aptes à leur procurer le gain fiscal prétendument manqué, et que dès lors, le préjudice invoqué du chef du paiement du redressement en principal consécutif au refus d'imputation desdits crédits d'impôt n'était pas caractérisé en son élément de certitude requis pour ouvrir droit à réparation ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les gérants et dépositaires des fonds commun de placement étaient tenus d'une obligation de résultat quant à la délivrance d'un certificat de crédit d'impôt conforme à sa destination, et étaient seuls responsables des choix et modalités de fonctionnement des fonds, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen, ni sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi n° M 00-16.409 :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté les sociétés Havas advertising et Euro X... France de leurs prétentions, relatives à l'indemnisation du préjudice qu'elles invoquaient du chef du paiement des droits en principal, l'arrêt rendu le 29 mars 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes des sociétés Havas advertising, Euro X... France et CDR créances au titre des pourvois n° M 00-16.409 et n° D 00-16.241 ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille deux.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 00-16241
Date de la décision : 24/09/2002
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

MONNAIE - Fonds commun de placement - Gérants et dépositaires - Obligations et responsabilité - Obligation de résultat quant à la délivrance d'un certificat de crédit d'impôt.

IMPOTS ET TAXES - Contributions directes - Impôt sur le revenu - Fonds commun de placement - Obligations des gérants et dépositaires.


Références :

CGI 199 ter A. CGI 79-2
Code civil 1147, 1251-3
Instruction 4K-1-83 du 13 janvier 1983 art. 100
Livre des procédures fiscales L80 A
Loi 79-594 du 13 juillet 1979 art. 7 et 11

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (1re chambre civile, section A), 29 mars 2000


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 sep. 2002, pourvoi n°00-16241


Composition du Tribunal
Président : Président : M. DUMAS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:00.16241
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