LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., entraîneur, a été blessé par une jeune jument qui lui avait été confiée par son propriétaire, M. Y..., afin qu'il lui donne, bénévolement, un avis sur ses qualités à la course ; que M. X... a assigné M. Y... en réparation de son préjudice corporel ; que l'assureur de ce dernier, la compagnie Groupama Centre-Atlantique, a été appelé en la cause ;
Sur les deux premières branches du moyen unique :
Attendu que M. Y... et son assureur font grief à l'arrêt d'avoir décidé que M. Y... est seul et entièrement responsable des blessures causées par son cheval, alors, selon le moyen :
1 / que le propriétaire d'un cheval confié à un entraîneur professionnel n'est tenu à aucune obligation particulière d'information envers ce dernier ; que la cour d'appel qui, pour retenir la faute de M. Y..., a relevé qu'en omettant d'informer M. X..., entraîneur professionnel, mais ne connaissant nullement l'animal, de la dangerosité manifestée par sa jument lors de l'utilisation d'une cravache, M. Y... avait commis une négligence, a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ;
2 / qu'il appartient au demandeur en réparation d'établir un lien de causalité certain entre le fait dommageable et le préjudice qu'il invoque ; que la cour d'appel, pour retenir l'entière responsabilité de M. Y... en raison de l'accident subi par M. X..., a retenu que M. Y... avait commis une faute en n'informant pas M. X... que son cheval avait l'habitude de ruer à la vue d'une baguette ou d'une cravache, tout en constatant que le cheval avait répondu par une ruade à un coup de cravache sur les membres postérieurs, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 1135 du même Code ;
Mais attendu que l'arrêt relève que M. X..., devant le refus de la jument de prendre place dans la bétaillère, après l'entraînement, lui avait donné un coup de cravache sur les jambes postérieures auquel l'animal avait répondu par une ruade blessant l'entraîneur au visage ; qu'il retient qu'il est établi que cette jeune jument avait des réactions imprévisibles et dangereuses et que M. Y... avait omis de signaler à M. X... qu'elle avait l'habitude de ruer à la vue d'une baguette ou d'une cravache ; qu'il en déduit qu'en omettant d'informer M. X..., entraîneur professionnel mais ne connaissant nullement l'animal, de la dangerosité manifestée par sa jument lors de l'utilisation d'une cravache, M. Y... a commis une négligence fautive en relation de causalité directe et certaine avec le dommage subi par M. X... ;
Que par ces constatations et énonciations, la cour d'appel a caractérisé la négligence de M. Y... et le lien de causalité entre le dommage et cette négligence fautive ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé en ses deux premières branches ;
Mais sur la troisième branche du moyen unique :
Vu les articles 1382 et 1383 du Code civil ;
Attendu que pour déclarer M. Y... seul et entièrement responsable des conséquences dommageables des blessures causées par son cheval à M. X..., l'arrêt retient qu'aucune faute n'a été établie à l'encontre de la victime ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle relevait que M. X..., entraîneur professionnel, avait été blessé au visage par une ruade de la jument qu'il tentait de faire monter dans une bétaillère et qu'il avait frappée d'un coup de cravache sur les jambes postérieures, ce qui constituait une faute de la victime, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré M. Y... seul et entièrement responsable des conséquences dommageables des blessures causées par son cheval à M. X..., l'arrêt rendu le 18 mai 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et de la compagnie Groupama Centre-Atlantique ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille deux.