AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après avoir promis de consentir un crédit à la SCI Le X... Martin (la SCI) pour lui permettre de financer une opération immobilière, la Banque Sofal, aux droits de laquelle se trouve l'Union industrielle de crédit (UIC) a refusé, le 15 mai 1995, de se présenter chez le notaire pour y formaliser l'accord intervenu en prétendant que les conditions initiales avaient été modifiées, notamment en ce que supprimant la créance de TVA sur acquisition de la SCI, elles la privaient elle-même de toute possibilité de cession de cette créance ; que le même jour, la SCI a obtenu d'un autre établissement de crédit, le concours nécessaire à la réalisation de l'opération ; qu'elle a fait assigner la Banque Sofal en remboursement de la commission qu'elle lui avait versée ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts ; qu'après avoir évoqué la décision des services fiscaux de restituer à la SCI la TVA litigieuse ainsi qu'une opinion exprimée par la société Paris fiscal et juridique dans une lettre du 10 juillet 1995, la cour d'appel a décidé que les modifications contractuelles alléguées n'étaient pas établies et que la Banque Sofal avait manqué à ses obligations ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que l'UIC fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1 ) que les juges du fond ne peuvent retenir dans leur décision les moyens, les explications et les documents invoqués ou fournis par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; qu'en se fondant, pour considérer que l'impossibilité de bénéficier de la cession de créance de TVA sur acquisition n'existait pas et que la banque avait rompu abusivement son offre de crédit, tout d'abord sur une lettre des services fiscaux en date du 19 septembre 1995 dont elle a expressément constaté que la communication n'avait été que partielle, la SCI Le X... Martin n'ayant versé aux débats que le recto de cette lettre, et ensuite sur une opinion émise par la société Paris fiscal et juridique le 10 juillet 1995 dont il ne résulte ni des mentions de l'arrêt, ni du bordereau de communication des pièces joint aux dernières conclusions déposées le 2 novembre 1999 qu'elle lui a été communiquée par la SCI Le X... Martin qui n'en faisait pas état dans ses dernières conclusions, la cour d'appel a violé les articles 1115, 16 et 132 du nouveau Code de procédure civile ;
2 ) qu'en énonçant que rien ne laissait supposer que les conditions exposées au verso de la lettre, non communiquées aux débats, n'avaient pas été respectées, la cour d'appel a statué par des motifs hypothétiques en violation des articles 132 et 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 ) qu'une faute n'engage la responsabilité de son auteur que si elle est la cause du dommage ; qu'en retenant que les honoraires d'intermédiation payés par la SCI Le X... Martin étaient la conséquence directe de l'attitude fautive la Banque Sofal et que le fait que la formalisation du refus soit du même jour que l'obtention du crédit de substitution n'excluait pas le lien de causalité, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le lien de causalité entre la faute supposée de la banque et le préjudice, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que, contrairement à ce qui est soutenu dans la première branche, la cour d'appel n'a pas fondé sa décision sur le verso de la lettre du 19 septembre 1995, qui n'avait pas été produit, mais a retenu que le directeur des services fiscaux ayant décidé d'accorder, en principe, à la SCI la restitution de sa créance de TVA, il en résultait que l'impossibilité juridique de "récupération" de la TVA litigieuse n'était pas établie ; que la décision attaquée étant justifiée par ce motif suffisant, le moyen relatif au défaut de communication de la lettre du 10 juillet 1995 exprimant l'opinion de la société Paris fiscal et juridique, évoquée par l'arrêt à titre surabondant, est inopérant ;
Attendu, d'autre part, que loin de se fonder sur des motifs dubitatifs, la cour d'appel s'est, au contraire, déterminée en raison de ce qu'aucune des hypothèses envisagées n'était démontrée pour en déduire que l'UIC n'avait pas prouvé, ainsi qu'elle en avait la charge, que les conditions figurant au verso de la lettre des services fiscaux n'auraient pas été remplies par la SCI Le X... Martin qui, dès lors n'aurait pu prétendre à la créance de TVA qu'elle s'était engagée à lui céder ;
Attendu, enfin, que l'arrêt relève qu'en raison des préoccupations manifestées par la Banque Sofal auprès du notaire, rédacteur d'acte, la rupture des relations contractuelles était prévisible et même déjà décidée au début du mois de mai 1995 et que la SCI Le X... Martin ne pouvait attendre qu'elle fût officielle, le jour même où les fonds auraient dû être transférés, pour se mettre en quête d'un autre crédit ; qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel, qui a caractérisé le lien de causalité entre les manquements contractuels de la Banque Sofal et les frais exposés par la SCI Le X... Martin pour la recherche d'un crédit de substitution, même si celui-ci avait été obtenu le jour même où le refus de la Banque Sofal avait été formalisé, a légalement justifié sa décision au regard du texte invoqué par la troisième branche du moyen ;
Que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société WHBL 7 aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 1 800 euros à la SCI Le X... Martin ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille deux.