AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Comaiter, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 25 novembre 1999 par la cour d'appel de Rouen (2e chambre civile), au profit :
1 / de M. Yves Y..., demeurant ..., pris en sa qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société à responsabilité limitée Sedec France,
2 / de M. Philippe Z..., demeurant ..., pris en sa qualité de représentant des créanciers du redressement judiciaire de la société à responsabilité limitée Sedec France,
3 / de la société à responsabilité limitée Sedec France, dont le siège est ...,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 14 mai 2002, où étaient présents : M. Tricot, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Tric, conseiller rapporteur, M. Badi, conseiller, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Tric, conseiller, les observations de la SCP Tiffreau, avocat de la société Comaiter, de la SCP Delaporte et Briard, avocat de M. Z..., ès qualités, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses huit branches :
Attendu que la société Comaiter reproche à l'arrêt déféré (Rouen, 25 novembre 1999), de l'avoir condamnée à payer à la société Sedec France, constructeur de maisons individuelles, après la rupture du contrat d'agent commercial la liant à cette société, une somme de 500 000 francs à titre de dommages-intérêts sur le fondement contractuel, alors, selon le moyen :
1 / qu'il résultait de l'assignation introductive d'instance du 11 mai 1995, du jugement entrepris et des conclusions d'appel des parties, visées par la cour d'appel, que l'action de la société Sedec France était fondée sur la concurrence déloyale et l'article 1382 du Code civil ;
qu'en affirmant que "les fautes concernant les contrats en cours ne peuvent relever que de la responsabilité contractuelle, la cour d'appel a violé les articles 4 et 7 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / qu'en relevant d'office le moyen tiré de la responsabilité contractuelle sans rouvrir les débats afin de permettre aux parties de s'expliquer contradictoirement sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / qu'il résulte des conclusions du 23 septembre 1999 de la société Comaiter que les courriers litigieux visés par la cour d'appel ne constituaient que des lettres de menace provoquées par la carence totale de la société Sedec France à remplir ses obligations contractuelles, ce qui avait empêché la société Comaiter de mener à bonne fin les dossiers prévus et d'exécuter le protocole conclu entre les parties ; qu'en ne s'expliquant sur ce point qui démontrait que le comportement de la société Comaiter s'expliquait par la faute initiale de la société Sedec France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 Code civil ;
4 / qu'en affirmant que la société Comaiter n'aurait pu "ignorer qu'elle avait d'échanger de garant à la suite des saisies effectuées auprès du Codal, ce qui entraînait les délais de mise en place des garanties", sans justifier en fait une telle affirmation, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
5 / qu'à supposer même que les lettres de menaces susvisées aient constitué une faute contractuelle, la responsabilité de la société Comaiter ne pouvait être recherchée qu'en présence d'un lien de causalité établi entre cette prétendue faute et les prétendus préjudices soufferts par la société Sedec France qui affirmait avoir souffert de l'annulation de contrats par les clients communs aux deux parties ; qu'en ne constatant pas que les contrats litigieux auraient été annulés en raison des lettres de menaces adressées à l'initiative de la société Comaiter, la cour d'appel n'a pas caractérisé le lien de causalité entre les prétendus faute et dommage et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 Code civil ;
6 / qu'en affirmant que la société Comaiter avait fait annuler le contrat de M. X..., client figurant sur la liste des contrats à terminer, au lieu de le modifier après le refus de permis de construire justifié par une simple erreur d'implantation, sans préciser dans quelles conditions ledit contrat aurait été annulé, et en quoi ladite annulation aurait été fautive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 Code civil ;
7 / qu'il incombait à la société Sedec France de prouver son préjudice en relation de causalité directe avec la prétendue faute de l'exposante qui n'était tenue qu'à une obligation de moyen et non de résultat ; qu'en affirmant "qu'il résulte des pièces produites par les deux parties que le dossier Decamps a été exécuté, que les dossiers Delaye et Gosse ont fait l'objet d'annulations régulières, que pour les dossiers Benard, Querrière, Leblic et Pouzol qui figurent bien sur la liste jointe au protocole, la société Comaiter ne peut donner aucune explication", sans préciser dans quelles conditions lesdits contrats avaient été annulés et si ces annulations avaient été dues à la carence de la société Comaiter, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 Code civil ;
8 / que dans ses conclusions du 23 septembre 1999, la société Comaiter avait fait valoir que "les seuls clients qui ont rompu sont ceux qui ont fait l'objet soit d'un refus de construire, soit d'un refus de financement", ce qui démontrait que l'annulation des contrats n'était nullement de son fait ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'en restituant aux faits qui étaient soumis à son appréciation leur exacte qualification et en retenant, au vu des éléments dont les parties avaient débattu contradictoirement, que la demande de dommages-intérêts ne pouvait être appréciée en dehors de la convention d'agence commerciale, la cour d'appel n'a pas méconnu les termes du litige, ni violé le principe de la contradiction ;
Attendu, en second lieu, que l'arrêt relève que le dirigeant de la société Comaiter a non seulement fait recopier par les clients en cours de la société Sedec France des lettres menaçant d'annuler leur contrat si elle ne leur remettait pas immédiatement le justificatif de la garantie de livraison indispensable au déblocage des prêts, cependant qu'il avait effectué des saisies sur le compte garantie de livraison des pavillons, mais qu'il a encore dit qu'il pouvait leur construire une maison au même prix, qu'il a conseillé à un sous-traitant de la société Sedec France de ne plus travailler pour elle car il ne serait pas payé et qu'il s'est vanté auprès d'une secrétaire de la société Sedec France d'avoir bloqué les comptes de cette société et de la "couler" ; qu'il retient que ce comportement fautif et de mauvaise foi a entraîné un trouble commercial ;
qu'il relève encore que le même dirigeant a rédigé des lettres d'annulation de contrats, que la société Comaiter a fait annuler le contrat de M. X... pour lui en faire souscrire un autre avec la société Balency son nouveau mandant, tandis qu'il lui aurait suffi de modifier la simple erreur d'implantation qui avait causé le refus de permis de construire et que, pour les dossiers Benard, Querrière, Leblic et Pouzol, aucune explication de l'annulation du contrat ne peut être donnée ; qu'il retient que l'annulation de ces contrats a entraîné une perte; qu'en l'état de ces constatations et appréciations qui répondent aux conclusions prétendument délaissées, la cour d'appel, qui a apprécié souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Comaiter aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Comaiter à payer à M. Z..., ès qualités, la somme de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le conseiller doyen faisant fonctions de président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille deux.