AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Charles D..., demeurant 20244 Lano,
en cassation d'un arrêt rendu le 13 décembre 1999 par la cour d'appel de Bastia (Chambre civile), au profit :
1 / de la commune de Porri, représentée par son maire en exercice, domicilié en l'Hôtel de Ville, 20215 Porri,
2 / de Mme Simone C..., demeurant ...,
3 / de Mme Christiane B..., épouse Z..., demeurant ...,
4 / de M. Jacques B..., demeurant Le Trioulet, Bât B, Esc 91, ...,
5 / de Mme Josianne B..., épouse A..., demeurant ...,
6 / de Mme Andrée Y..., demeurant HLM Sainte-Anne, Bât 12, ...,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 7 mai 2002, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Renard-Payen, conseiller rapporteur, M. Durieux, Mme Bénas, MM. Guérin, Gridel, conseillers, Mmes Barberot, Catry, conseillers référendaires, Mme Petit, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Renard-Payen, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. D..., de Me Cossa, avocat de la commune de Porri, les conclusions de Mme Petit, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à M. D... du désistement de son pourvoi, en ce qu'il concerne les consorts B... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 13 décembre 1999) que le maire de la commune de Porri (Corse) a engagé une procédure de péril pour un immeuble menaçant ruine ; que, par jugement du 4 décembre 1995, devenue définitif, le tribunal administratif de Bastia a jugé que les copropriétaires de ce bâtiment (M. D... et Mmes Y..., X... et B...) devraient, dans les trois mois de la notification de cette décision, soit effectuer les travaux, soit démolir l'immeuble, le maire étant autorisé, en cas de carence des intéressés, soit à faire procéder d'office auxdits travaux aux frais des copropriétaires, soit à faire démolir l'immeuble ; que la commune a, alors, fait citer en référé devant la juridiction judiciaire les quatre copropriétaires ; que, par ordonnance du 9 septembre 1998, le président du tribunal de grande instance de Bastia, après avoir constaté le décès, en cours d'instance, de deux des copropriétaires, Mmes X... et B... a condamné les deux survivants, M. D... et Mme Y..., à payer à la commune, à titre de provision, la somme de 143 780 francs représentant le coût des travaux ;
que Mme Y... a interjeté appel de cette décision le 12 octobre 1998 et intimé la commune et M. D... ; que, le 29 décembre 1998, ce dernier a également formé appel et intimé la commune et Mme Y... ; qu'il a fait assigner Mme C..., également désignée comme copropriétaire dans la mise en demeure du maire ainsi que les consorts B..., ès qualités d'héritiers de Mme B..., en reprise d'instance ; que par l'arrêt attaqué, la cour d'appel de Bastia a jugé que, si l'obligation de M. D... était incontestable, il existait une contestation sérieuse sur la qualité de co-indivisaire de Mme Y... et sur son acceptation des successions ;
qu'elle a, en conséquence, confirmé l'ordonnance de référé en ce qui concernait M. D..., mais l'a réformée à l'égard de Mme Y... et a mis hors de cause les consorts B... contre lesquels aucune demande n'était formulée ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. D... fait grief à la cour d'appel de s'être déclarée compétente pour statuer sur la demande de la commune, alors que les travaux de démolition et de remise en l'état d'un édifice menaçant ruine sont des travaux publics, d'où il suit que le contentieux de leur recouvrement tout comme celui de leur exécution relève non pas de l'ordre judiciaire mais de l'ordre administratif ; que l'article L. 511-4 du Code de la construction et de l'habitation dispose en outre que lorsque, à défaut du propriétaire, le maire a dû prescrire l'exécution des travaux ainsi qu'il a été prévu aux articles L. 511-2 et L. 511-3, le montant des frais est avancé par la commune et est recouvré comme en matière d'impôts directs ; qu'en accueillant la demande de la commune de Porri tendant à obtenir une provision sur le coût des travaux de démolition et de remise en l'état de l'édifice menaçant ruine, la cour d'appel a outrepassé sa compétence et violé les textes susvisés ;
Mais attendu que M. D... n'a soulevé l'exception d'incompétence des juridictions judiciaires fondée sur la circonstance que les travaux de démolition en cause étaient des travaux publics qu'après avoir conclu à l'incompétence du juge des référés en raison de l'existence de contestations sérieuses tenant au défaut de mise en cause de tous les co-indivisaires ;
D'où il suit que le moyen est irrecevable ;
Sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que le demandeur au pourvoi reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la commune une provision représentant le coût des travaux litigieux, alors, selon le moyen ;
1 / que si la créance est en partie contestable, la provision allouée par le juge des référés ne peut être égale à la totalité de cette créance ; qu'en condamant M. D... à payer la totalité de la provision représentant le coût des travaux de démolition et de remise en l'état de l'immeuble litigieux, tout en admettant l'existence d'une contestation sérieuse sur la qualité de co-indivisaire de Mme Y... et dès lors sur la fraction du coût des travaux devant incomber à l'un et l'autre de ces copropriétaires, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé et violé l'article 809, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que la solidarité ne s'attache de plein droit ni à la qualité d'indivisaire, ni à la circonstance que l'un deux a agi comme mandataire des autres ; que pour condamner M. D... à payer la totalité de la somme due au titre de provision sur travaux afférents à un immeuble dont il est propriétaire indivis, l'arrêt attaqué retient le caractère incontestable de l'obligation de M. D... qui prétend avoir prescrit la propriété du bien litigieux et qui, à tout le moins, s'est comporté comme le gestionnaire de ce bien dans le cadre d'un mandat tacite des co-indivisaires ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 873 et 1202 du Code civil ;
3 / que dans ses conclusions d'appel, M. D... avait intégré la motivation contenue dans son assignation en intervention forcée délivrée à Mme C... le 19 mai 1999 ; que la commune avait en effet omis de mettre en cause Mme C..., pourtant mise en cause dans la procédure qui s'est déroulée devant le tribunal administratif ; que compte tenu de la négligence de la commune, qui n'a pas craint d'intenter une action en justice contre une indivision sans appeler en cause la totalité des indivisaires, le concluant était fondé à assigner la requise, afin que l'arrêt lui soit opposable ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef déterminant de conclusions de nature à avoir une incidence juridique sur le litige, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que constatant que le tribunal administratif avait condamné M. D... et les trois autres copropriétaires à effectuer les travaux ou à en assumer le coût, ce dont il résultait que l'existence de l'obligation n'était pas mise en cause, la contestation ne portant que sur le montant, la cour d'appel a pu condamner l'intéressé à payer la somme réclamée ;
Attendu, de deuxième part, que la cour d'appel ne s'est pas fondée sur la solidarité pour condamner M. D..., mais sur le jugement précité du tribunal administratif, relevant également que l'intéressé s'était comporté comme le propriétaire exclusif de l'immeuble ;
Attendu, enfin, que le tribunal administratif n'a pas compris Mme C..., pourtant mise en cause devant lui, parmi les personnes qu'il a condamnées par une décision devenue définitive, la mettant ainsi hors de cause, de sorte que la commune n'étant plus fondée à l'attraire devant le juge des référés en paiement de la provision, la cour d'appel n'avait pas à répondre à des conclusions inopérantes ;
D'où il suit que le moyen, non fondé en sa première branche, manque en fait dans les deux autres ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. D... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. D... à payer à la commune de Porri la somme de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juin deux mille deux.