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22/05/2002 | FRANCE | N°99-16726

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 22 mai 2002, 99-16726


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Semavem, société anonyme, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 3 mars 1999 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), au profit :

1 / de la société Aiwa France, société anonyme, dont le siège est ...,

2 / de la société Item entreprises, société anonyme, dont le siège est ...,

3 / de la société Coppa MG, société anonyme, dont le siège est ...,>
4 / de la société Inter marchandises France, société anonyme, dont le siège est ... 15ème,

défenderesses à...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Semavem, société anonyme, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 3 mars 1999 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), au profit :

1 / de la société Aiwa France, société anonyme, dont le siège est ...,

2 / de la société Item entreprises, société anonyme, dont le siège est ...,

3 / de la société Coppa MG, société anonyme, dont le siège est ...,

4 / de la société Inter marchandises France, société anonyme, dont le siège est ... 15ème,

défenderesses à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 26 mars 2002, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Champalaune, conseiller référendaire rapporteur, M. Métivet, Mmes Garnier, Collomp, Favre, Betch, conseillers, Mme Mouillard, M. Boinot, Mme Gueguen, M. Sémériva, conseillers référendaires, M. Viricelle, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller référendaire, les observations de Me Thouin-Palat, avocat de la société Semavem, de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Item entreprises, de la société Coppa MG et de la société Inter marchandises France, de la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat de la société Aiwa France, les conclusions de M. Viricelle, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, qu'en 1990, la société Intermarchandises France (société Z... France ) a envisagé d'introduire dans les magasins de ses affiliés des rayons de vente de produits audiovisuels et a signé à cette fin, le 27 juin 1990, un accord d'approvisionnement avec la société Semavem, dont le gérant était M. X... ; que pour l'exécution de cet accord, celle-ci s'est rapprochée de la société Aiwa, sollicitant la communication de ses conditions générales de vente qu'elle n'a pas obtenues ; que le contrat entre la société Z... France et la société Semavem a été rompu, et une sentence arbitrale a été rendue le 4 décembre 1991, laquelle a octroyé une indemnité de rupture à la société Semavem et à M. X... personnellement, à la charge des sociétés Z... entreprises, Z... France et Y... France ; que faisant valoir que le refus de communiquer ses conditions de vente de la société Aiwa avait conduit à l'échec du contrat conclu entre la société Semavem et la société Z... France, la société Semavem a assigné la société Aiwa, aux fins d'obtenir des dommages-intérêts, appellant dans la cause la société Z... entreprises, la société Coppa MG et la société Z... France pour que le jugement leur soit déclaré opposable ;

Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches et le deuxième moyen, pris en ses deux branches, réunis :

Attendu que la société Semavem fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son action en responsabilité formée contre la société Aiwa pour avoir empêché l'exécution du contrat d'approvisionnement préférentiel qu'elle avait conclu avec le groupement Intermarché, en refusant notamment de lui communiquer ses conditions de vente, alors, selon le moyen,

1 ) que le tribunal arbitral avait considéré que la rupture du contrat d'approvisionnement conclu entre la société Semavem et les centrales d'achat du réseau Intermarché était "la conséquence d'une erreur d'origine des parties quant à la possibilité réelle de développement du fait de la structure du groupement Intermarché ; qu'il apparaît par ailleurs que les espoirs mis dans la signature du contrat d'origine, en ce qui concerne en particulier les prévisions d'exploitation, n'étaient pas réalistes, en l'état actuel du droit de la concurrence" ; qu'en énonçant qu'il ressortait des constatations du tribunal arbitral que les commerçants affiliés au groupe Intermarché s'étaient opposés à l'introduction de produits nouveaux dans leurs magasins, quand les arbitres s'étaient principalement fondés sur l'état actuel du droit de la concurrence pour expliquer la rupture du contrat d'approvisionnement, la cour d'appel a dénaturé par omission la sentence du 4 décembre 1991, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ;

2 ) que le contractant, victime d'un dommage né de l'inexécution du contrat peut demander, sur le terrain de la responsabilité délictuelle, la réparation de ce préjudice au tiers à la faute duquel il estime que ce dommage est imputable ; qu'en exonérant la société Aiwa de toute responsabilité en raison de la rupture du contrat d'approvisionnement préférentiel conclu par la société Semavem avec les centrales d'achat du réseau Intermarché, laquelle serait exclusivement imputable au refus de ses affiliés de commercialiser les produits audiovisuels fabriqués par ladite société Aiwa, quand le refus opposé par la société Aiwa à la société Semavem de lui communiquer ses conditions de vente et notamment les remises accordées aux autres revendeurs, interdisait aux commerçants affiliés au réseau Intermarché de déterminer les prix de revient des produits Aiwa en vue d'en fixer le prix de vente à leurs clients et les dissuadait donc d'en passer commande auprès de la société Semavem, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 33 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

3 ) que dans ses conclusions d'appel signifiées le 18 mai 1995, la société Semavem avait fait valoir que les pratiques anti-concurrentielles de la société Aiwa avaient dissuadé les commerçants affiliés au réseau Intermarché de revendre les baladeurs que celle-ci fabriquait, ainsi qu'en avait décidé le tribunal arbitral qui avait considéré que la rupture du contrat d'approvisionnement conclu par la société Semavem avec le groupe Intermarché était imputable à l'état actuel de la concurrence ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

4 ) que dans ses conclusions d'appel signifiées le 18 mai 1995, la société Semavem avait également fait valoir que la société Aiwa avait refusé d'honorer la commande de 500 millions de francs qui lui avait été passée par les 1 500 détaillants du groupe Intermarché ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur le refus de vente reproché à la société Aiwa et sur le préjudice qu'elle avait ainsi causé à la société Semavem, la cour d'appel a encore violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

5 ) que dans ses conclusions d'appel signifiées le 18 mai 1995, la société Semavem avait encore fait valoir que le baladeur était un produit adapté à la vente en hypermarché, dès lors qu'il s'agissait d'un "produit de petit volume, de petit prix, vendu parfois en blister, qui ne nécessite pas la mise en place d'un rayon spécialisé ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen propre à démontrer que la communication, par la société Aiwa, de ses conditions de vente aurait permis aux affiliés du réseau Intermarché de passer commande auprès de la société Semavem, des baladeurs fabriqués par ladite société Aiwa, la cour d'appel a une nouvelle fois violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

6 ) que dans ses conclusions signifiées le 18 mai 1995, la société Semavem avait demandé réparation du préjudice qu'elle avait subi, en conséquence de six autres refus de communication qui lui avaient été opposés par la société Aiwa entre le 16 août 1990 et le 18 juin 1992, et qui n'avaient donné lieu au prononcé d'aucune sanction pénale ; qu'en se déterminant exclusivement en considération du préjudice causé par les seuls refus de communication opposés à la société Semavem entre le 20 juillet 1990 et le 14 août 1990 et qui avaient été pénalement sanctionnés par le tribunal de police de Juvisy, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

7 ) que la société Semavem avait également reproché à la société Aiwa d'avoir méconnu l'engagement de coopération qu'elle avait contracté à son égard, dans la transaction conclue le 27 août 1989, laquelle était en conséquence résolue ; qu'elle en déduisait qu'elle était fondée à demander réparation d'une indemnité d'un montant supérieur à la somme qui lui avait été allouée à titre transactionnel, par la société Aiwa, en contrepartie de l'abandon de toute poursuite pour les refus de vente qu'elle lui avait opposés, avant la conclusion de cette transaction ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a encore violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que contrairement aux énonciations du moyen, le tribunal arbitral n'a pas retenu que l'état actuel du droit de la concurrence était l'origine principale de la rupture du contrat d'approvisionnement entre les sociétés du "groupe Intermarché" et la société Semavem mais que celle-ci avait pour origine l'erreur des parties quant à leurs possibilités réelles de développement du fait de la structure du "groupe Intermarché", le tribunal relevant en outre que les espoirs mis dans la signature du contrat en ce qui concerne les prévisions d'exploitation n'étaient pas réalistes en l'état actuel du droit de la concurrence ; qu'il suit de là qu'en relevant que selon les constatations du tribunal arbitral, l'échec de l'opération était dû à l'erreur du "groupe Intermarché" et de la société Semavem quant aux perspectives de développement des ventes de produits audio-visuels dans les magasins des affiliés, la cour d'appel n'a pas dénaturé la sentence arbitrale ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant déduit de cette sentence que les comportements de la société Aiwa, fussent-ils fautifs, n'étaient pas la cause du préjudice résultant de la rupture du contrat d'approvisionnement avec la société Z... France dont la société Semavem demandait réparation, et relevé en outre qu'elle en avait déjà été indemnisée par les sociétés Z... France et Y... MG, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre aux conclusions de la société Semavem invoquées aux troisième, quatrième, cinquième et sixième branches du moyen que sa décision rendait inopérantes, a pu statuer comme elle a fait ;

Attendu, en troisième lieu, qu'en l'état des conclusions invoquées à la septième branche du moyen par lesquelles la société Semavem réclamait l'indemnisation du préjudice résultant de l'absence de coopération de la société Aiwa en violation d'une transaction conclue entre les parties selon laquelle "la coopération dans l'esprit de la loi régira les relations commerciales des parties pour l'avenir", la cour d'appel qui retient, par motifs adoptés, que la sociét Semavem n'est pas en mesure de rapporter la preuve que la société Aiwa ait donné son accord pour une collaboration définie dans ses modalités et déterminée dans le temps, ce dont il ressort que la société Semavem ne pouvait se prévaloir de l'inexécution fautive d'un engagement inexistant, a répondu aux conclusions prétendument omises ;

Qu'il suit de là qu'inopérant en ses troisième, quatrième, cinquième et sixième branches et non fondé en ses trois autres branches, le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article 1382 du Code civil :

Attendu que pour condamner la société Semavem à payer à la société Aiwa une indemnité de 10 000 francs pour procédure abusive, l'arrêt retient par motifs adoptés, que la société Aiwa a dû subir les désagréments d'une procédure judiciaire et voir mise en doute l'intégrité de sa politique commerciale ;

Attendu qu'en se déterminant par ces seuls motifs, impropres à caractériser l'abus commis par la société Semavem de son droit d'agir en justice, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS,

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Semavem à payer à la société Aiwa des dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt rendu le 3 mars 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Condamne les sociétés Aiwa France, Item entreprises, Coppa MG, Inter marchandises France aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mai deux mille deux.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 99-16726
Date de la décision : 22/05/2002
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), 03 mars 1999


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 22 mai. 2002, pourvoi n°99-16726


Composition du Tribunal
Président : Président : M. DUMAS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:99.16726
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