AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. X...,
en cassation de l'arrêt n° 109 rendu le 23 février 1999 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre civile, section A), au profit :
1 / de M. Y...,
2 / de Mme Z...,
3 / de M. A...,
4 / de M. B...,
5 / de Mme C...,
6 / de M. D...,
7 / de Mme E...,
8 / de M. F...,
9 / de M. G...,
10 / du procureur général près la cour d'appel de Rennes, domicilié en son Parquet général, 19, rue Châtillon, BP 3113, 35031 Rennes,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 3 avril 2002, où étaient présents : M. Aubert, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Bargue, conseiller rapporteur, MM. Bouscharain, Pluyette, Croze, Mme Crédeville, M. Charruault, conseillers, Mmes Cassuto-Teytaud, Girard, Verdun, conseillers référendaires, Mme Petit, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Bargue, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. X..., les conclusions de Mme Petit, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. X..., avocat au barreau de Saint-Brieuc, qui a fait l'objet d'une procédure disciplinaire en novembre 1996 pour des faits de destruction de documents appartenant à l'un de ses clients sans l'autorisation de celui-ci, a récusé plusieurs membres du conseil de l'Ordre ; que l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, qui a rejeté sa requête ayant été cassé, la cour d'appel d'Angers a été désignée comme cour de renvoi ; que, M. X... a fait l'objet de nouvelles poursuites disciplinaires pour complicité d'extorsion de signature, usage de documents falsifiés, escroquerie au jugement dans une affaire M... et pour violation du secret professionnel et agression dans une affaire N... ; que M. X..., qui a été convoqué à une séance du conseil de l'Ordre des avocats fixée au 15 septembre 1998 à laquelle il n'était ni présent ni représenté, a déposé une demande en récusation d'un certain nombre de membres du conseil de l'Ordre, valant demande de renvoi pour suspicion légitime, et qui l'ont refusée ; que l'arrêt attaqué (Rennes, 23 février 1999) a dit n'y avoir lieu à application de l'article 101 du nouveau Code de procédure civile et a déclaré irrecevables les demandes de récusation formées par M. X... contre les membres du conseil de l'Ordre ;
Sur le premier et le second moyen réunis, pris chacun en leurs trois premières branches, tels qu'énoncés au mémoire en demande et reproduits en annexe :
Attendu, d'abord, que le magistrat, qui avait statué sur les faits de destruction de documents ayant donné lieu à l'arrêt cassé, pouvait, sans violer les dispositions de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, siéger dans une instance distincte, fût-elle dirigée contre la même personne mais concernant des faits différents de complicité d'extorsion de signature, d'usage de documents falsifiés, d'escroquerie au jugement, de violation du secret professionnel et d'agression ; qu'ensuite, l'exigence d'impartialité objective ne s'applique qu'aux juges et non au Ministère public, qui, au surplus, agissait en qualité de partie principale ; qu'enfin, si l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme donne à la personne poursuivie disciplinairement devant la cour d'appel le droit de voir sa cause entendue publiquement et l'arrêt rendu sur cette cause en audience publique, c'est à la condition que ce droit ait été invoqué devant cette juridiction avant la clôture des débats pour ce qui concerne la publicité de ceux-ci, ou au moment du prononcé de la décision ; que M. X... ne justifiant pas avoir demandé à la cour d'appel de tenir les débats publiquement et de prononcer son arrêt en audience publique, c'est à bon droit que celle-ci a statué comme elle l'a fait ; que les moyens ne sont donc fondés en aucune de leurs trois premières branches ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux dernières branches, tel qu'énoncé au mémoire en demande et reproduit en annexe :
Attendu que le renvoi à une autre juridiction n'a lieu d'être que si la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime est jugée justifiée ; que tel n'étant pas le cas, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, qui a pris en considération les données procédurales présentées à l'appui de la requête en récusation et celles de l'affaire pendante devant la cour d'appel d'Angers, a estimé qu'il n'y avait lieu à renvoi devant cette juridiction ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Et sur le second moyen, pris en sa quatrième branche, tel qu'énoncé au mémoire en demande et reproduit en annexe :
Attendu qu'après avoir relevé que M. X... avait implicitement admis que la quasi totalité des causes de récusation étaient antérieures à la procédure intentée en juin 1998, la cour d'appel, procédant à la recherche prétendument délaissée, a retenu, en ce qui concerne la cause de récusation dirigée contre le bâtonnier Y..., que même à supposer que M. X... ait laissé s'écouler un délai normal de convenance avant d'estimer constitué un grief supplémentaire dont il ne pourrait faire état au titre de l'inimitié supposée du bâtonnier Y..., force est de constater qu'il disposait encore du temps nécessaire pour compléter son acte de récusation avant la date fixée pour l'audience, sans attendre cette échéance, étant observé au demeurant qu'il ne justifiait pas avoir relancé de façon quelconque le destinataire de la demande ; qu'ainsi, l'arrêt est légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mai deux mille deux.