AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / M. Robert Y..., demeurant ...,
2 / Mme Jacqueline Y..., demeurant ...,
3 / M. Alain Y..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 26 février 1999 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), au profit de Mme Christiane X..., demeurant ...,
défenderesse à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 26 février 2002, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Guérin, conseiller rapporteur, M. Renard-Payen, conseiller, M. Roehrich, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Guérin, conseiller, les observations de la SCP Bachellier et Potier de La Varde, avocat des consorts Y..., de Me Balat, avocat de Mme X..., les conclusions de M. Roehrich, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme Jacqueline Y... et M. Alain Y... font grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Amiens, 26 février 1999), statuant dans le cadre des opérations de liquidation de la communauté ayant existé entre leur père, M. Robert Y..., et Mme Christiane X..., qu'il avait épousée en secondes noces le 10 février 1961 et dont il avait divorcé par arrêt du 14 avril 1989, de les avoir déboutés de leur demande tendant à obtenir la somme de 100 000 francs, avec intérêts au taux légal à compter du 27 mai 1977, correspondant à la moitié du prix de la vente effectuée à cette date par leur père d'un immeuble dont il était coïndivisaire avec eux à hauteur de 50 %, alors qu'en l'espèce où M. Robert Y... avait reçu en qualité d'administrateur de la communauté la moitié du prix de vente d'un immeuble revenant à ses enfants d'un premier lit, qu'il devait restituer à ceux-ci, la cour d'appel, en considérant que leur demande était dirigée contre la communauté et qu'ils avaient la charge de la preuve, a violé les articles 1315 et 1421 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir, par motifs propres et adoptés, relevé que Mme Jacqueline Y... et M. Alain Y..., qui étaient majeurs lors de la vente litigieuse, s'étaient abstenus de toute demande contre leur père depuis cette date, et que leur demande était en fait dirigée contre leur belle-mère, la cour d'appel a exactement énoncé qu'il leur incombait de prouver que la communauté avait appréhendé et tiré profit du capital de 100 000 francs leur revenant et souverainement retenu qu'ils ne rapportaient pas cette preuve ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision et que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. Robert Y... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à obtenir, à titre de récompense, la somme de 161 516 francs correspondant à des fonds provenant de la vente de propres n'ayant pas fait l'objet de remploi, alors, selon le moyen, qu'en considérant que les deniers provenant de la vente d'immeubles propres de M. Y... devaient avoir fait l'objet d'une utilisation certaine au bénéfice patrimonial de la masse commune, sans rechercher si, compte tenu des ressources du mari, les fonds n'avaient pas nécessairement profité à la communauté au-delà du simple entretien du ménage, la cour d'appel a violé l'article 1433 du Code civil ;
Mais attendu qu'il incombe à celui qui demande récompense à la communauté d'établir, par tous moyens laissés à l'appréciation souveraine des juges du fond, que les deniers provenant de son patrimoine propre ont profité à la communauté et qu'il ne lui suffit pas de démontrer qu'il a perçu des deniers propres pendant la durée du régime sans en avoir fait emploi ; qu'ayant relevé que M. Y... ne fournissait aucune explication sur le profit qu'aurait pu tirer la communauté des fonds litigieux, et que l'examen attentif des nombreuses pièces produites ne révèlait aucun renseignement à cet égard, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. Robert Y... fait encore grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à l'octroi d'une récompense de 103 745,37 francs qui correspondrait à l'amortissement, encaissé par la communauté, d'un wagon-citerne acquis avec des fonds provenant de la vente de biens propres, alors que, selon le moyen, en s'abstenant de rechercher si l'amortissement fiscal accéléré procuré par ces fonds n'avait pas profité à la communauté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1433 du Code civil ;
Mais attendu qu'en retenant, par motifs adoptés, que les pièces communiquées par M. Y... ne permettaient pas d'établir si la communauté avait en définitive tiré avantage sur le plan fiscal de l'amortissement du wagon, puisqu'il ne produisait ni les avis d'imposition pour la période considérée, ni une étude comparative de ce qui aurait été payé au titre des impôts par la communauté sans ces amortissements, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les consorts Y... à payer à Mme X... la somme globale de 1 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille deux.