AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Tahar X..., demeurant ...,
en cassation d'une décision rendue le 14 décembre 1999 par le tribunal du contentieux de l'incapacité de Marseille, au profit :
1 / de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Bouches-du-Rhône, dont le siège est ...,
2 / de la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS) de Provence-Alpes-Côte-d'Azur , dont le siège est ...,
défenderesses à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 14 février 2002, où étaient présents : M. Gougé, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Petit, conseiller référendaire rapporteur, M. Thavaud, Mme Duvernier, conseillers, Mme Barrairon, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Petit, conseiller référendaire, les observations de Me de Nervo, avocat de M. X..., de la SCP Gatineau, avocat de la Caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen, qui n'est pas nouveau en ce que la composition résulte de dispositions réglementaires :
Vu l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un Tribunal indépendant et impartial ;
Attendu que le tribunal du contentieux de l'incapacité a rejeté la demande de M. X... visant à se voir reconnaître une incapacité permanente partielle consécutive à un accident du travail du 21 décembre 1984 ;
Attendu qu'il résulte de la décision attaquée que ce Tribunal était présidé par un représentant du directeur régional des affaires sanitaires et sociales ; que ce fonctionnaire, soumis à une autorité hiérarchique, a, du fait de ses fonctions administratives, des liens avec la caisse primaire, partie au litige ; qu'en vertu des dispositions de l'article R.143-4 du Code de la sécurité sociale, il désigne le médecin expert appartenant à cette juridiction ; qu'en application de l'article R.143-11 du même Code, sa voix est prépondérante en cas de partage ; que ces éléments étaient de nature à faire naître, dans l'esprit du justiciable, des doutes légitimes sur l'indépendance et l'impartialité du Tribunal ;
D'où il suit que la cause n'a pas été entendue par un tribunal indépendant et impartial au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui a ainsi été violée ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, la décision rendue le 14 décembre 1999, entre les parties, par le tribunal du contentieux de l'incapacité de Marseille ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite décision et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal du contentieux de l'incapacité de Montpellier ;
Condamne la Caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales de Provence-Alpes-Côte-d'Azur aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la décision cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille deux.