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27/03/2002 | FRANCE | N°00-81712;00-88111

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 mars 2002, 00-81712 et suivant


REJET des pourvois formés par :
- X... Jean-Marie,
I. contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 14 février 2000, qui, après infirmation du jugement ayant déclaré l'action publique éteinte par l'effet de la prescription, a évoqué et renvoyé l'examen de l'affaire à une date ultérieure ;
II. contre l'arrêt de la même cour d'appel, en date du 13 novembre 2000, qui, pour perception anticipée de rémunération par un intermédiaire en matière de prêt d'argent, escroquerie et abus de confiance, l'a condamné à 50 000 francs d'amende,

et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison...

REJET des pourvois formés par :
- X... Jean-Marie,
I. contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 14 février 2000, qui, après infirmation du jugement ayant déclaré l'action publique éteinte par l'effet de la prescription, a évoqué et renvoyé l'examen de l'affaire à une date ultérieure ;
II. contre l'arrêt de la même cour d'appel, en date du 13 novembre 2000, qui, pour perception anticipée de rémunération par un intermédiaire en matière de prêt d'argent, escroquerie et abus de confiance, l'a condamné à 50 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
I. Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 14 février 2000 :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, 8 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt du 14 février 2000 attaqué a constaté que la prescription de l'action publique n'était pas acquise ;
" aux motifs qu'en cas d'infractions connexes un acte interruptif de prescription concernant l'une d'elles a nécessairement le même effet à l'égard des autres ; qu'en l'espèce, la totalité des délits visés dans la poursuite initiale ont trait à l'activité de conseil juridique de Jean-Marie X..., à la même époque (soit entre 1986 et 1988) ; qu'en conséquence, les arrêts rendus par la chambre d'accusation le 28 octobre 1993 puis par la Cour de cassation le 22 novembre 1994, confirmant le non-lieu prononcé sur une partie des faits par l'ordonnance du 10 juin 1992, ont interrompu la prescription à l'égard des autres faits ayant fait l'objet d'un renvoi ;
" alors, d'une part, que la connexité entre deux infractions doit s'apprécier par rapport aux infractions elles-mêmes, le fait que deux infractions ont été commises par la même personne dans le cadre de la même activité professionnelle étant insuffisant pour caractériser la connexité ; qu'en se bornant à déduire la prétendue connexité entre les faits, qualifiés d'escroqueries par abus de qualité vraie, ayant fait l'objet d'un non-lieu et ceux ayant fait l'objet d'un pourvoi, au seul motif que la totalité des délits visés dans la poursuite initiale avaient trait à l'activité de conseil juridique du prévenu, à la même époque, la cour d'appel n'a pas caractérisé la connexité et n'a pas, dès lors, légalement justifié sa décision ;
" alors, d'autre part, que le délai de prescription de l'action publique ne peut être interrompu que par un acte d'instruction ou de poursuite, c'est-à-dire par un acte ayant pour objet de constater les délits et d'en découvrir ou d'en convaincre les auteurs ; que ne constituent pas de tels actes l'arrêt de la chambre d'accusation du 28 octobre 1993 confirmant le non-lieu concernant une partie des faits prononcé par l'ordonnance du 10 juin 1992, ni l'arrêt de la Cour de cassation du 24 novembre 1994 rejetant le pourvoi formé contre l'arrêt de la chambre d'accusation ; qu'en qualifiant ces deux arrêts d'actes d'instruction et de poursuite susceptibles d'interrompre la prescription, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors, enfin, que, si un acte d'instruction ou de poursuite concernant des faits pour lesquels un non-lieu sera ultérieurement prononcé peut avoir un effet interruptif à l'égard d'autres faits connexes qui feront l'objet d'un renvoi, il reste que l'effet interruptif à l'égard des faits faisant l'objet d'un renvoi est exclu, lorsque l'acte d'instruction ou de poursuite concerne des faits disjoints pour lesquels un non-lieu a d'ores et déjà été prononcé ; qu'en estimant néanmoins que les arrêts du 28 octobre 1993 et 22 novembre 1994, confirmant le non-lieu prononcé pour une partie des faits par l'ordonnance du 10 juin 1992, pouvaient avoir un effet interruptif à l'égard des faits qui feront l'objet de l'ordonnance de renvoi du 2 décembre 1998, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, dans l'information suivie contre Jean-Marie X... des chefs notamment d'escroquerie et tentative, le juge d'instruction a rendu le 10 juin 1992 une ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi devant le tribunal correctionnel ; que cette décision a été confirmée par un arrêt de la chambre d'accusation du 28 octobre 1993, dont le pourvoi a été rejeté par un arrêt de la Cour de cassation du 22 novembre 1994 ; qu'à la suite de la citation délivrée à Jean-Marie X... selon mandement du 1er août 1995, le tribunal correctionnel a, par un jugement du 7 mars 1996, annulé l'ordonnance de renvoi du 10 juin 1992, et, par un jugement du 29 avril 1999, a constaté l'extinction de l'action publique en retenant que, du fait de l'annulation de l'ordonnance de renvoi du 10 juin 1992, aucun acte interruptif n'est intervenu entre le réquisitoire définitif du 12 mai 1992 et le mandement de citation du 1er août 1995 ;
Attendu que, pour infirmer ce jugement, la cour d'appel énonce, d'une part, que les faits poursuivis devant elle sont unis par un lien de connexité avec ceux pour lesquels le juge d'instruction a prononcé un non-lieu, ayant été accomplis par le prévenu à la même époque, dans le cadre de son activité de conseil juridique, d'autre part, que la prescription de l'action publique a été interrompue à l'égard de ceux-ci par l'arrêt confirmatif rendu par la chambre d'accusation le 28 octobre 1993, et que cette interruption s'étend aux faits poursuivis qui leur sont connexes ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision, dès lors que les actes de procédure, même s'ils concernent des faits pour lesquels un non-lieu est intervenu, interrompent la prescription de l'action publique à l'égard de faits connexes, objet d'un renvoi devant la juridiction correctionnelle ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 520 et 593 du Code de procédure pénale, 1er de la loi du 15 juin 2000, et 2 du Protocole n° 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt du 14 février 2000 attaqué, après avoir constaté que la prescription n'était pas acquise et infirmé le jugement, a évoqué et ordonné le renvoi à une audience ultérieure, afin qu'il soit débattu sur le fond ;
" aux motifs que l'article 520 du Code de procédure pénale prévoit que, si un jugement est annulé pour violation ou omission non réparée des formes prévues par la loi à peine de nullité, la Cour évoque et statue sur le fond ; qu'il faut en retirer qu'au terme du constat par la juridiction du second degré du désaccord entre elle-même et le tribunal, il y a lieu d'évoquer ;
" alors, d'une part, qu'aux termes de l'article 520 du Code de procédure pénale la cour d'appel ne peut évoquer qu'en cas d'annulation du jugement ; qu'en évoquant, après avoir infirmé le jugement, la cour d'appel a violé l'article 520 du Code de procédure pénale ;
" alors, d'autre part, que tout prévenu a droit à un double degré de juridiction ; que la règle de l'évocation résultant de l'article 520 du Code de procédure pénale, à la supposer applicable en l'espèce, ne saurait prévaloir sur ce principe fondamental consacré par l'article 1er de la loi du 15 juin 2000 immédiatement applicable et l'article 2 du Protocole n° 7 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en évoquant, pour s'emparer elle-même de l'examen du fond, la cour d'appel a privé le prévenu du double degré de juridiction, en violation des articles précités " ;
Attendu qu'après avoir constaté que la prescription n'était pas acquise, et infirmé le jugement, la cour d'appel a évoqué, et renvoyé l'examen de l'affaire au fond à une date ultérieure ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, les juges n'ont pas méconnu les textes visés au moyen, dès lors que, d'une part, les dispositions de l'article 520 du Code de procédure pénale, qui ne sont pas limitatives, et s'étendent notamment au cas où le tribunal a déclaré, à tort, l'action prescrite, ne sont contraires ni aux dispositions de l'article préliminaire du Code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi du 15 juin 2000, ni à celles de l'article 2-1 du protocole n° 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, et que, d'autre part, les décisions de la cour d'appel sont soumises au contrôle juridictionnel de la Cour de cassation ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
II. Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 13 novembre 2000 :
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 8, 171 et 593 du Code de procédure pénale, 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt du 13 novembre 2000 attaqué a refusé de constater la nullité des poursuites pour violation des règles relatives au délai raisonnable ;
" aux motifs qu'il est envisageable de considérer que X... n'est pas jugé dans un délai raisonnable, les faits de la cause remontant aux années 1986-1987 ; qu'il convient cependant d'observer que l'intéressé a largement contribué à la lenteur de la procédure par le nombre et la diversité des recours intentés ; qu'en tout état de cause, si, par application de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable, la durée excessive d'une procédure pénale n'en entraîne pas la nullité, mais permet seulement à celui qui s'en prévaut de solliciter réparation du préjudice qui lui aurait été causé ;
" alors, d'une part, que, aux termes de l'article 171 du Code de procédure pénale, il y a nullité lorsqu'il a été porté atteinte aux intérêts de la partie concernée par la méconnaissance d'une formalité substantielle prévue non seulement par une disposition du Code de procédure pénale (c'est-à-dire par une disposition de droit interne), mais également par "toute autre disposition de procédure pénale" (qui peut être une disposition du droit européen) ; qu'il s'ensuit que la méconnaissance, préjudiciable aux intérêts du prévenu, du droit au procès équitable dans un délai raisonnable consacré par l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, doit entraîner la nullité des poursuites ; qu'en estimant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, que, même à supposer que la durée excessive de la procédure, au sens de l'article 6.1 de la Convention européenne, ne puisse être de nature à entraîner la nullité de la procédure, il appartenait, à tout le moins, à la cour d'appel d'admettre que le non-respect du délai raisonnable constitue un mode autonome d'extinction de l'action publique, et de constater que la durée excessive de la procédure devait entraîner l'extinction de l'action publique par l'effet d'une prescription résultant du dépassement du délai raisonnable ;
" alors, de troisième part, que, le prévenu ayant été, sur une plainte déposée en mai 1988, inculpé en septembre 1989, et ayant comparu, à la suite d'une ordonnance de renvoi du 2 décembre 1998, pour l'examen du fond de l'affaire devant la cour d'appel, en octobre 2000, la procédure a excédé largement le délai raisonnable, ce qu'admet la cour d'appel ; que les recours exercés par le prévenu n'ont concerné que les décisions relatives au contrôle judiciaire et n'ont pas affecté la procédure d'instruction ; qu'en estimant néanmoins que les lenteurs de la procédure seraient largement imputables au comportement du prévenu par le nombre des recours intentés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors, enfin, que la longueur excessive d'une procédure ne peut être justifiée que par la complexité exceptionnelle de l'affaire, et en présence de diligences continues des autorités de poursuite ; qu'en l'espèce, dans une affaire correctionnelle fort simple, le réquisitoire définitif n'est intervenu que 3 ans après la plainte ; que l'ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi du 10 juin 1992 a fait, concernant le non-lieu, l'objet de plusieurs recours du Parquet rejetés par les arrêts de la chambre d'accusation du 28 octobre 1993 et de la Cour de cassation du 22 novembre 1994 ; que le Tribunal n'a été saisi qu'en août 1995, l'audience ne s'étant déroulée qu'en janvier 1996 ; que le Tribunal a annulé les ordonnances de renvoi des 10 juin 1992 et 29 avril 1996, de sorte que l'ordonnance de renvoi n'est intervenue que le 2 décembre 1998, soit plus de 10 ans après la plainte ; que la durée excessive de la procédure était donc exclusivement imputable aux errements et carences des autorités de poursuite et d'instruction ; qu'en estimant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Attendu que, pour dire n'y avoir lieu à prononcer la nullité de l'ensemble des actes de poursuite, la cour d'appel énonce que la constatation éventuelle de la durée excessive d'une procédure, au regard des dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme, n'entraîne pas sa nullité, mais permet à celui qui s'en prévaut de solliciter réparation du préjudice qui lui aurait été causé ;
Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, et dès lors qu'au surplus, la durée excessive d'une procédure, à la supposer établie, ne saurait affecter l'effet interruptif de la prescription attaché aux actes régulièrement accomplis, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués ;
Qu'ainsi, le moyen ne peut être admis ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 8, 11, 15 de la loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966, 65, 66, 70 et 77 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 62 et 63 du décret n° 72-670 du 13 juillet 1972, 111-3 et 121-3 du Code pénal, 34 de la Constitution, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 6.3 et 7.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt du 13 novembre 2000 attaqué a déclaré Jean-Marie X... coupable du délit de rémunération anticipée d'un intermédiaire en opérations de banque en matière de prêt d'argent, et l'a condamné de ce chef, en le condamnant également à indemniser la partie civile ;
" aux motifs que, si le prévenu soutient que la loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966 ne lui est pas applicable, dès lors que les dispositions de la loi du 24 janvier 1984 excluent du champ d'application de la loi du 28 décembre 1966 les professions du conseil et de l'assistance en matière financière, il reste que l'article 11 de la loi du 28 décembre 1966, particulièrement clair, ne vise pas les conseils juridiques et que l'article 66 de la loi du 24 janvier 1984 n'ajoute pas une exception supplémentaire à celles prévues par l'article 11 de la loi du 28 décembre 1966 ; qu'il résulte des facturations que le prévenu a sollicité une provision avant le versement effectif des fonds prêtés ; qu'en sa qualité de conseil juridique, le prévenu ne pouvait ignorer les dispositions de l'article 8 de la loi du 28 décembre 1966 ;
" alors, d'une part, que le conseil juridique, dont l'activité professionnelle est de rédiger des actes pour autrui en matière juridique et de donner des consultations dans le domaine juridique, économique, fiscal ou financier, et qui n'intervient pas, lorsqu'il conseille et assiste un client en vue de l'obtention d'un prêt, en qualité d'intermédiaire entre son client et l'établissement de crédit, ne peut se voir appliquer la section II de la loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966, et notamment son article 8 figurant dans cette section, qui concerne les intermédiaires intervenant entre prêteurs et emprunteurs, ou encore les démarcheurs en matière de prêts d'argent ; qu'en considérant néanmoins que l'article 8 de la loi du 28 décembre 1966 s'applique à un conseil juridique, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, que l'article 66 de la loi du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit précise expressément que le chapitre VI relatif aux intermédiaires en opérations de banque soumis aux dispositions de la loi du 28 décembre 1966 "ne s'applique pas aux notaires" et "ne vise pas non plus le conseil et l'assistance en matière financière" ; qu'il résulte clairement de ce texte que les conseils juridiques et les avocats pratiquant le conseil et l'assistance en matière financière ne peuvent être considérés comme des intermédiaires en opérations de banque ni se voir appliquer la loi du 31 décembre 1966, et ce même s'ils ne sont pas expressément visés, à côté des notaires, par l'article 11 de cette loi ; qu'en déclarant néanmoins Jean-Marie X..., à l'époque conseil juridique, coupable d'infraction à la loi du 31 décembre 1966, la cour d'appel a violé les textes précités ;
" alors, de surcroît, et en toute hypothèse, que toute infraction doit être définie en des termes clairs et précis pour exclure l'arbitraire et permettre au prévenu de connaître exactement la nature et la cause de l'accusation portée contre lui ; que ne saurait, en raison de son imprécision, servir de fondement à une poursuite exercée contre un conseil juridique l'incrimination résultant de l'article 8 de la loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966, dont les termes, combinés avec ceux de l'article 11 de la loi du 28 décembre 1966 et de l'article 66 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, invoqués par la cour d'appel, ne permettent pas de savoir s'il est applicable à un conseil juridique ; qu'il s'ensuit que la poursuite est, en toute hypothèse, dépourvue de base légale ;
" alors, de quatrième part, que l'article 63 du décret n° 72-670 du 13 juillet 1972, précisant les obligations du conseil juridique à l'égard de la clientèle, énonce expressément la possibilité, pour un conseil juridique, de percevoir des provisions sur honoraires ; qu'en déclarant néanmoins le prévenu, conseil juridique à l'époque des faits, coupable d'infraction à la loi du 31 décembre 1966 pour avoir reçu de deux clients, qu'il avait assistés pour l'obtention d'un prêt, des provisions avant le versement effectif des fonds prêtés, la cour d'appel a violé les articles susvisés ;
" alors, enfin, que le délit de rémunération anticipée d'un intermédiaire en matière de prêt d'argent nécessite un élément intentionnel ; qu'en retenant la mauvaise foi du prévenu au motif qu'en sa qualité de conseil juridique il ne pouvait ignorer les dispositions de l'article 8 de la loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966, sans répondre au mémoire du prévenu (cf. conclusions au fond, page 12, paragraphes 2 et 3), qui faisait valoir que ni durant sa formation de conseil juridique, ni durant sa collaboration au sein du cabinet Fidal, son attention n'avait été attirée par une éventuelle interdiction de percevoir une provision à titre de conseil et d'assistance en matière de financement devant aboutir à l'obtention d'un prêt d'argent, interdiction d'ailleurs incompatible avec l'absence d'obligation de résultat d'un conseil juridique, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu que, pour déclarer Jean-Marie X... coupable du délit de rémunération anticipée d'intermédiaire en prêt d'argent, les juges prononcent par les motifs reproduits au moyen ;
Qu'en cet état, et dès lors que l'article 8 de la loi du 28 décembre 1966, devenu l'article L. 341-1 du Code monétaire et financier était applicable aux conseils juridiques, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 405 du Code pénal abrogé, 313-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt du 13 novembre 2000 attaqué a déclaré X... coupable d'escroquerie commise au préjudice de M. Z... ;
" aux motifs que les honoraires réclamés à M. Z... par courrier du 1er mai 1987 au titre de "la SCI et des autres actes juridiques à venir à Deauville", soit 15 000 francs, ne correspondent pas à des prestations effectives dans la mesure où les établissements bancaires interrogés ont contredit Jean-Marie X... en ce qu'il affirmait par courrier du 23 avril 1987 avoir obtenu un accord de principe pour l'octroi d'un prêt ; que la qualité de conseil juridique du prévenu a conduit M. Z... à lui faire confiance et à faire droit à sa demande non fondée ;
" alors, d'une part, que le principe de la libre fixation des honoraires interdit de poursuivre du chef d'escroquerie un conseil juridique qui a perçu des honoraires qui avaient été acceptés par le client ; que l'acceptation, par le client, des honoraires résulte expressément de l'arrêt attaqué ; qu'il s'ensuit que la déclaration de culpabilité n'est pas légalement justifiée ;
" alors, d'autre part, qu'il ne peut y avoir escroquerie que lorsque la remise porte sur des fonds qui ne sont pas dus ; qu'en l'espèce les honoraires étaient dus, puisqu'il résulte de l'attestation de M. A..., expert honoraire agréé par la Cour d'appel et la Cour de cassation, qui avait été désigné en qualité d'administrateur provisoire du cabinet de Jean-Marie X..., régulièrement versée aux débats, que les prestations effectuées par Jean-Marie X... dans le dossier relatif à l'installation commerciale de M. Z... à Deauville correspondaient non seulement à la mise en place d'un dossier de financement, mais également à de nombreuses études relatives au projet du client, à des déplacements aux fins de négociations avec les intervenants locaux, ainsi qu'à son intervention dans un dossier concernant un litige entre M. Z... et le promoteur, M. B... ; qu'en affirmant que les honoraires de 15 000 francs ne correspondaient pas à des prestations effectives, sans s'expliquer sur cette attestation de nature à démontrer le contraire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, de troisième part, que le conseil juridique n'est débiteur que d'une obligation de moyens et non de résultat ; qu'il s'ensuit que, lorsqu'un conseil juridique conseille et assiste son client dans un projet d'installation commerciale, les honoraires d'intervention sont dus, même si le projet échoue faute d'obtention du prêt ; qu'en déduisant l'inexistence de prestations de l'absence de résultat, pour conclure au caractère abusif de la perception d'honoraires, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors, enfin, que, même à supposer inexacte l'affirmation du prévenu quant à l'accord de principe obtenu pour l'octroi d'un prêt, finalement pas accordé, ce "mensonge" ne pouvait être constitutif de manoeuvres frauduleuses par abus d'une qualité vraie, pour obtenir la remise des honoraires, dans la mesure où les honoraires ne rémunéraient pas un résultat (l'obtention du prêt), mais les diligences du conseil juridique ayant assisté son client dans la préparation du projet, la mise en place du dossier financier et la négociation avec les partenaires locaux ; qu'en retenant néanmoins le délit d'escroquerie par abus d'une qualité vraie, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable d'escroquerie, la cour d'appel prononce par les motifs partiellement repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que X... a abusé de sa qualité de conseil juridique, pour imprimer à ses allégations mensongères l'apparence de la sincérité et faire naître chez sa victime l'espérance d'un événement chimérique, obtenant ainsi la remise d'une somme à titre d'honoraires qu'ils ont souverainement estimés injustifiés, l'arrêt attaqué n'encourt pas le grief allégué ;
Qu'ainsi le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation des article 408 du Code pénal abrogé, 314-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt du 13 novembre 2000 attaqué a déclaré Jean-Marie X... coupable d'abus de confiance par détournement de deux sommes de 262,93 francs et 1 248,10 francs, au préjudice de la masse des créanciers de la société PSTB en liquidation judiciaire ;
" aux motifs que le prévenu n'a pas hésité à s'attribuer les fonds à lui confiés au titre d'un mandat dans le cadre de la procédure concernant la SARL PSTB, selon factures des 18 et 21 novembre 1987, soit du lendemain du jugement de liquidation judiciaire qu'il ne pouvait ignorer ;
" alors qu'en se bornant à relever l'établissement, postérieurement à la liquidation judiciaire de la société PSTB, de factures correspondant à un remboursement de frais réels de photocopie et de déplacement avancés par la société PSTB à une époque antérieure à l'ouverture de la procédure collective, sans caractériser une intention frauduleuse de détournement, la cour d'appel n'a pas caractérisé en tous ses éléments constitutifs, notamment en son élément intentionnel, le délit d'abus de confiance, et n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable d'abus de confiance, les juges énoncent qu'il a prélevé, postérieurement au jugement de liquidation judiciaire de la société PSTB, sur des fonds qu'il détenait pour le compte de celle-ci en vertu d'un contrat de mandat, des sommes, destinées au remboursement de frais auquel il prétendait avoir droit, alors qu'il ne pouvait ignorer l'ouverture de la procédure collective, sa collaboratrice ayant assisté le dirigeant social au cours de l'audience devant le tribunal de commerce ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a, contrairement à ce qui est allégué, caractérisé, notamment, l'élément intentionnel de l'infraction ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le septième moyen, pris de la violation des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale, 593 du même Code, 1134 et 1382 du Code civil, 62 et 63 du décret du 13 juillet 1972, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué du 13 novembre 2000 a déclaré recevable la constitution de partie civile de M. Y... ;
" aux motifs que son préjudice s'analyse comme le versement indu des honoraires d'intervention en matière de financement, appelés à une époque où le prêt n'était pas signé ; qu'au regard des éléments de la cause et de l'ancienneté des faits, il sera exactement indemnisé par l'allocation de 80 000 francs ;
" alors, d'une part, que la cassation, qui ne manquera pas d'intervenir sur le quatrième moyen, de l'arrêt du 13 novembre 2000 en ce qu'il a déclaré X... coupable du délit de rémunération anticipée d'un intermédiaire en matière de prêt d'argent, entraînera, par voie de conséquence, celle de l'arrêt du 13 novembre 2000 attaqué, en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de M. Y... ;
" alors, d'autre part, qu'il résulte des constatations de l'arrêt du 13 novembre 2000 (page 6) que les provisions litigieuses correspondaient à l'intervention d'un conseil juridique pour la mise en place du dossier financier ; que ces prestations, dont l'exécution réelle n'est pas contestée, n'étant pas soumises à une obligation de résultat, les honoraires étaient dus, indépendamment de l'obtention, ou non, du prêt ; qu'en allouant une réparation à la partie civile pour versement indu d'honoraires, la cour d'appel a violé les articles susvisés ;
" alors, enfin, qu'en fixant à 80 000 francs, "compte tenu de l'ancienneté des faits", le montant de la réparation due par Jean-Marie X..., sans préciser en quoi la lenteur excessive de la procédure serait imputable à ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, la réparation du préjudice résultant pour Hubert Y... du versement anticipé de la rémunération des démarches accomplies par Jean-Marie X... en vue de la recherche d'un prêt, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage né de l'infraction ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que les arrêts sont réguliers en la forme ;
REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 00-81712;00-88111
Date de la décision : 27/03/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° PRESCRIPTION - Action publique - Interruption - Acte d'instruction ou de poursuite - Infractions connexes - Arrêt confirmatif d'une ordonnance de non-lieu - Effet.

1° ACTION PUBLIQUE - Extinction - Prescription - Interruption - Acte d'instruction ou de poursuite - Infractions connexes 1° CONNEXITE - Effet - Action publique - Prescription - Interruption - Cas.

1° L'arrêt confirmatif d'une ordonnance de non-lieu rendue par un juge d'instruction, interrompt la prescription de l'action publique à l'égard tant des faits visés par la décision de non-lieu partiel, que de ceux qui leur sont connexes et qui ont fait l'objet d'un renvoi devant le tribunal correctionnel(1).

2° PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Prêt d'argent - Loi du 28 décembre 1966 - Rémunération anticipée d'intermédiaire - Conseil juridique.

2° L'article 8 de la loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966, devenu l'article L. 341-1 du Code monétaire et financier, qui prohibe la perception par toute personne apportant son concours à l'obtention ou à l'octroi d'un prêt d'argent, de toute somme représentative de provision, de commission, de frais de recherche, de démarches, de constitution de dossier ou d'entremise quelconque, était applicable aux conseils juridiques.


Références :

1° :
2° :
Code de procédure pénale 6, 8
Code monétaire et financier L341-1

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans (chambre correctionnelle), 2000-02-14 et 2000-11-13

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1996-04-30, Bulletin criminel 1996, n° 177, p. 506 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1997-09-17, Bulletin criminel 1997, n° 300 (2°), p. 1005 (cassation partielle) ;

Chambre criminelle, 1998-02-25, Bulletin criminel 1998, n° 76 (2°), p. 202 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 mar. 2002, pourvoi n°00-81712;00-88111, Bull. crim. criminel 2002 N° 70 p. 219
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2002 N° 70 p. 219

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Cotte
Avocat général : Avocat général : M. Di Guardia.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Thin.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Waquet, Farge et Hazan, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:00.81712
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