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26/03/2002 | FRANCE | N°99-15989

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 mars 2002, 99-15989


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 / M. Daniel X...,

2 / Mlle Delphine X...,

3 / Mme Monique Y..., épouse X...,

4 / M. Sébastien X...,

demeurant tous quatre ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 26 mars 1999 par la cour d'appel de Paris (15e chambre, section B), au profit :

1 / de la société Crédit foncier de France, société anonyme, dont le siège est ...,

2 / de la société l'Auxiliaire du Crédit f

oncier de France (ACFF), société anonyme, dont le siège est ...,

3 / de la société Crédit d'équipement des petites et mo...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 / M. Daniel X...,

2 / Mlle Delphine X...,

3 / Mme Monique Y..., épouse X...,

4 / M. Sébastien X...,

demeurant tous quatre ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 26 mars 1999 par la cour d'appel de Paris (15e chambre, section B), au profit :

1 / de la société Crédit foncier de France, société anonyme, dont le siège est ...,

2 / de la société l'Auxiliaire du Crédit foncier de France (ACFF), société anonyme, dont le siège est ...,

3 / de la société Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (CEPME), société anonyme, dont le siège est ...,

4 / de la société Naimo, société à responsabilité limitée, devenue la société financière de Vandeul, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,

5 / de la société Procrédit Probail, société anonyme, dont le siège est ...,

défenderesses à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 12 février 2002, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Collomp, conseiller rapporteur, M. Métivet, conseiller, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Collomp, conseiller, les observations de la SCP Tiffreau, avocat des consorts X..., de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société Crédit foncier de France et de la société l'Auxiliaire du Crédit foncier de France, de la SCP Gatineau, avocat de la société financière de Vandeul, venant aux droits de la société Naimo, de la SCP Peignot et Garreau, avocat de la société Procrédit Probail, de la SCP Urtin-Petit et Rousseau-Van Troeyen, avocat de la société Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (CEPME), les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en octobre 1990, les sociétés Crédit foncier de France, l'Auxiliaire du Crédit foncier de France, le Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises et Procrédit Probail ont, sur la base d'un dossier qui avait été constitué par la société Naimo devenue la Société financière de Vandeul, courtier en crédit, consenti à la société SM2D, pour lui permettre de financer l'acquisition d'un fonds de commerce de supermarché à Paris, plusieurs prêts, dont le montant cumulé s'établissait à près de 11 millions de francs et qui étaient notamment garantis par les cautions solidaires avec affectation hypothécaire limitée à 1 million de francs de M. X..., son président et de son épouse, administrateur, ainsi que par les "cautions gagistes" des deux enfants du couple, également administrateurs ; que la société ayant été mise en redressement puis en liquidation judiciaires en septembre et novembre 1993, les consorts X... ont mis en cause la responsabilité des établissements prêteurs et celle de la société Naimo, reprochant aux premiers d'avoir manqué de discernement en octroyant à la société SM2D des concours excessifs, compte tenu de ses perspectives de rentabilité et de leur avoir fait souscrire des engagements hors de proportion avec leurs propres facultés financières et à la seconde, d'avoir manqué à son devoir de conseil et commis des fautes dans l'exécution de sa mission ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes formées contre le Crédit foncier de France, la société l'Auxiliaire du Crédit foncier de France et la société Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises, alors, selon le moyen :

1 / que la banque commet une faute, invocable par le garant, lorsqu'elle accorde un prêt qui, par son montant, sa destination ou ses modalités, est inadapté aux besoins et aux ressources de l'emprunteur, sans qu'il importe que la banque ait agi ou non agi en connaissance de la situation de son cocontractant, dès lors qu'elle a l'obligation de s'informer en vue de satisfaire à son devoir d'information et de conseil, sans qu'il importe que son cocontractant soit un profane éclairé par un tiers, voire un professionnel ; qu'en l'espèce, après avoir constaté, que selon le mandataire judiciaire à la procédure collective de l'emprunteur, l'endettement était la principale cause du dépôt de bilan, la cour d'appel a relevé une chute des résultats d'exploitation du fonds de 2,23 MF en 1988 à 1,43 MF en 1989, d'où s'inférait nécessairement une forte réduction des capacités financières de l'emprunteur en 1990, et s'est limitée à considérer le prix d'achat du fonds de commerce (8,6 MF), sans considérer le montant total des emprunts (11 MF) ni les charges financières, ni davantage le fait que les pertes se sont considérablement aggravées en 1993, alors même que le directeur administratif et financier avait accepté une diminution de sa rémunération ; qu'ainsi, en fondant son arrêt sur des motifs inopérants, sans analyser les résultats financiers, sous l'angle du rapport entre les charges financières et les capacités financières de l'emprunteur, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ;

2 / qu'en relevant qu'ils auraient bénéficié d'une expérience antérieure "en matière de distribution", sans rechercher s'ils étaient suffisamment versés dans les techniques financières et comptables pour apprécier l'adéquation des prêts aux besoins et ressources de l'emprunteur qu'ils garantissaient, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ;

3 / que la banque engage sa responsabilité en faisant souscrire des garanties manifestement disproportionnées aux revenus et au patrimoine du garant ; en se bornant à considérer "l'importance des prêts", le revenu mensuel global et le patrimoine des garants, sans préciser le rapport entre les charges liées aux emprunts (remboursement du capital et intérêts) et les facultés financières des garants, qui avaient produit l'avis d'imposition attestant d'un revenu global de 200 000 francs, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que les prêts litigieux étaient des crédits d'acquisition et qu'ils avaient été sollicités par la société SM2D dont M. X..., professionnel de la distribution, était le président, tandis que son épouse et ses deux enfants en étaient les administrateurs ; qu'en l'état de ces constatations, dont il se déduisait d'abord, que les établissements de crédit, dont il n'avait pas été allégué qu'ils auraient pu avoir sur la société emprunteuse des informations que par suite de circonstances exceptionnelles, son propre dirigeant aurait ignorées, n'étaient redevables d'aucun devoir d'information ou de conseil envers ce dernier qui disposait déjà du fait de ses fonctions, de tous les renseignements utiles à la prise de décision et qu'ils ne pouvaient pas non plus se voir reprocher par celui-ci un soutien abusif de crédit et ensuite qu'en leur qualité d'administrateurs, Mme X... et les deux enfants du couple avaient été en mesure, en vue d'engagements aussi importants et aussi graves, de prendre tous renseignements de nature à assurer la défense de leurs intérêts, la décision se trouve justifiée ;

Attendu, en second lieu, qu'après avoir énoncé que la principale garantie des prêteurs était constituée par le nantissement du fonds de commerce lui-même dont la valeur était considérable et relevé que dans le dossier qu'ils avaient présenté pour l'obtention des crédits, les époux X... avaient eux-mêmes estimé leur patrimoine à la somme de 3 290 000 francs outre la valeur des parts de la société Lavidis par l'intermédiaire de laquelle ils continuaient d'exploiter un autre supermarché et dont ils détenaient l'intégralité du capital social et fait état de revenus importants, les juges du fond ont pu en déduire que le montant des engagements souscrits n'était pas disproportionnés aux facultés financières des consorts X... ;

Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen pris en ses trois branches :

Attendu que les consorts X... font encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes contre la société Naimo, alors, selon le moyen :

1 / que la cassation qui sera prononcée sur la base du premier moyen entraînera, par application de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile, celles des dispositions présentement critiquées, fondées sur l'absence de faute des banques ;

2 / qu'ils soutenaient qu'ils n'avaient jamais entendu se prévaloir d'un revenu mensuel global de 36 000 francs et que l'indication de ce chiffre dans le dossier remis aux banques n'était pas de leur main, ce que la cour d'appel n'a d'ailleurs pas contesté ; qu'il s'agissait là d'un moyen pertinent, en ce qu'il tendait à démontrer que l'intermédiaire financier avait indiqué aux banques des revenus inexacts, sur la base desquelles avaient été portées les appréciations d'opportunité ; que dès lors en omettant d'y répondre, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que dans leurs conclusions d'appel, ils soutenaient qu'ils n'avaient été convoqués par aucune des banques intervenantes, mais seulement chez le notaire pour la signature des prêts et des garanties ;

qu'il s'agissait là d'un moyen pertinent, en ce qu'il tendait à démontrer qu'ils n'avaient pas été en mesure de prendre connaissance du dossier litigieux préalablement remis aux banques par l'intermédiaire financier ;

que dès lors, en omettant d'y répondre, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que le premier moyen ayant été rejeté, la première branche du deuxième moyen doit l'être également ;

Attendu, en second lieu, que sous couvert de grief de défaut de réponse à conclusions, le moyen ne tend, en ses deuxième et troisième branches, qu'à remettre en discussion devant la Cour de Cassation, les éléments de preuve qui ont été souverainement appréciés par les juges du fond ;

Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu les articles 2011 du Code civil, 47 et 50 de la loi du 25 janvier 1985 devenus les articles L. 621-39 et L. 621-42 du Code de commerce ;

Attendu que la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur et qui sont inhérentes à la dette, telle le défaut de déclaration de la créance au passif de la procédure collective de ce dernier ;

Attendu qu'en accueillant pour partie la demande reconventionnelle en paiement formée par le Crédit foncier de France contre les cautions, sans rechercher, malgré la contestation dont elle était saisie sur ce point, si la créance litigieuse, née antérieurement au jugement d'ouverture, avait fait l'objet d'une déclaration dans la procédure collective ouverte à l'égard de la société SM2D, débitrice principale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE et ANNULE, mais dans ses seules dispositions portant condamnation des consorts X... au profit du Crédit foncier de France, l'arrêt rendu le 26 mars 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes des défenderesses ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille deux.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 99-15989
Date de la décision : 26/03/2002
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

BANQUE - Responsabilité - Cautionnement - Engagement non disproportionné aux facultés financières.

CAUTIONNEMENT - Redressement ou liquidation judiciaire du débiteur principal - Créances - Défaut de déclaration dans la procédure collective - Opposition par la caution de l'exception appartenant au débiteur.


Références :

Code civil 1382, 2011
Code de commerce L621-39 et L621-42
Loi 85-98 du 25 janvier 1985 art. 47 et 50

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (15e chambre, section B), 26 mars 1999


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 mar. 2002, pourvoi n°99-15989


Composition du Tribunal
Président : Président : M. DUMAS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:99.15989
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